Mercredi 30 septembre, Eric André vous embarque pour l'Arctique lors d’une conférence à la Folkuniversitet de Stockholm. À travers des voyages à vélo en Alaska et en Islande, un séjour au Groenland et des expéditions inédites à la voile avec le navigateur polaire Sébastien Roubinet, ce grenoblois installé à Stockholm vous emmène à la découverte d'un monde fascinant, mais subissant de plein fouet les changements climatiques. Lepetitjournal.com/stockholm est allé à sa rencontre pour échanger plus précisément sur son aventure à la voile « Voie du pôle » réalisée en 2018.
Bonjour Eric, présentez-vous à nos lecteurs.
Avec ma femme et nos 4 enfants, cela fait 15 ans que nous vivons à Stockholm. En plus de mon métier d'enseignant au lycée français de Stockholm, j’aime découvrir de nouveaux horizons, et pratiquer les activités de pleine nature.
Comment est venu ce projet ?
En 2007, j’ai participé avec le navigateur Sébastien Roubinet à la traversée du Passage du Nord Ouest à la voile, sans assistance motorisée, entre Alaska (Pacifique) et Groenland (Atlantique), par le nord du continent américain.
Suite à la réussite de cette expédition de plus de 4 mois et 4500 milles nautiques, Sébastien s’est lancé un nouveau défi : La Voie du Pôle, traversée de l’océan arctique à la voile, de l’Alaska au Spitzberg, en passant par le pôle nord. En 2018, c’était sa troisième tentative.
Comment se préparer pour une telle expédition ? Combien de temps de préparation ?
Sébastien conçoit et construit lui-même ses bateaux, avec un cahier des charges très précis. Il monte ses expéditions de A à Z. Cette expédition 2018 est aussi l’aboutissement de nombreuses années d’exploration, de navigations, de conceptions techniques. Un sacré parcours ! Sa dernière tentative de traversée de l’Arctique à la voile était en 2013. Ensuite il a apporté des améliorations à son dernier prototype, cherché des financements, des partenaires… Cela prend beaucoup de temps, surtout lorsqu’on n’a pas de soutien financier, et qu’il faut aussi vivre à côté de cela ! Il a aussi hiverné avec sa famille sur un voilier sur la côte Est du Groenland pour apprendre auprès des Inuits les techniques de chasse et de survie dans le Grand Nord.
Pour ma part, en 2017-2018, j’étais en voyage autour du monde avec ma famille. Nous avons pédalé 6000km dans les Andes et en Nouvelle Zélande. Nous étions bien chargés, donc c’était un entrainement idéal, physiquement parlant ! Par contre je n’ai pas du tout pris part aux préparatifs de l’expédition, j’ai vu le catamaran pour la première fois 2 semaines avant le départ, et j’ai rencontré Vincent, l’autre coéquipier, 3 jours avant le départ !! Sacré challenge ! Et une histoire de confiance, je m’en remettais complètement à Sébastien. Et au final, tout a bien fonctionné, et nous avons formé une super équipe !
Votre plus beau souvenir ?
La rencontre avec les ours polaires ! Cet animal effraie - on n’aimerait pas tomber nez à nez au détour d’une crête de glace, ou le voir s’en prendre au bateau ; nous avons eu un ours un soir à 2 mètres du bateau, alors que nous étions en train de diner dans nos sacs de couchage ! Mais il fascine aussi.
Nous n’en avons pas vu pendant de longues semaines, puis sur la fin, nous avons rencontré une femelle et ses deux petits. Magique ! Nous étions à la voile, sur une zone d’eau libre, la lumière était superbe, les conditions idéales. Vincent et moi filmions et prenions des photos en toute sécurité, pendant que Sébastien aux commandes tirait des bords le long de la lisière de glace, parfois à une dizaine de mètres de ces animaux incroyables ! Quand il a fallu reprendre pied sur la glace pour continuer notre progression, c’était une autre affaire, car la femelle commençait à nous suivre à distance… Puis elle a fait demi-tour pour rejoindre ses petits.
Votre plus grande frayeur ?
Lors de notre retour, en septembre, nous avons eu quelques nuits de sueurs froides. La glace est plus rare et plus fragile, les coups de vent plus fréquents. La houle brise alors la glace et nous rend plus vulnérables et exposés. La plaque sur laquelle nous étions amarrés pour la nuit s’est brisée plusieurs fois et quand une vague a projeté un bloc de glace de près d’une tonne contre le bateau, nous avons dû partir en catastrophe… Dans la foulée, lorsque la météo à 5 jours annonçait des vents à 50 nœuds et des creux de 5 mètres, on ne faisait pas trop les fiers non plus !
Quels constats avez-vous pu faire concernant l'environnement et le changement climatique ?
Nous étions beaucoup dans l’action, la gestion du quotidien. Nous avons dû faire demi-tour vers 80° Nord, et au retour nous avons fait des prélèvements d’eau et de glace, des mesures d’épaisseur de la banquise. La banquise diminue en superficie, les études le montrent ; en ce qui nous concerne nous avons également expérimenté le fait qu’elle diminue en volume, en épaisseur.
Il y a de moins en moins de glaces vieilles, la glace est de moins en moins épaisse, une des conséquences est qu’elle se brise facilement et s’éparpille avec les nombreux courants, pour fondre plus rapidement. Un océan arctique sans glace estivale, c’est pour bientôt. Et ce sera la porte ouverte à de nombreux bouleversements, locaux et globaux. Nous avons recueilli aussi des témoignages de locaux, ils sont témoins directs de ces changements.
Votre prochain projet d´aventure ?
Le catamaran Babouch-ty est resté au Canada sur Banks Island (A l’arrivée de l’expédition 2018). Le projet de Sébastien est de le ramener jusqu’au Spitzberg ou Groenland, en longeant les côtes nord canadiennes et groenlandaises. Un superbe périple entre eau, glace et terres sauvages, et l’occasion d’une belle collaboration avec les scientifiques pour mieux partager notre observation de cette région de l’arctique. Si les conditions le permettent, je repars avec Sébastien l’été prochain.
Pour participer à la conférence : lien.