Designer singapourien déjà repéré par Monocle ou Louis Vuitton City Guide, Patek Philippe ou Bulgari, Mike Tay voit aujourd’hui son travail exposé au Peranakan Museum. Et ce n’est pas n’importe quelle pièce qui a été retenue. Il s’agit d’un masque en tissu, symbole des années Covid.
Mike est bien connu des lecteurs de Lepetitjournal.com. En 2019 sa boutique, Onlewo, a été l’un de nos coups de cœur. Depuis le designer n’a cessé de creuser dans ses racines singapouriennes pour créer des motifs qui s’inspirent d’un lieu, d’un plat, d’une histoire locale. Il décline ses créations sur des papiers peints et des tissus avec lesquels il imagine et produit des objets, des meubles, des vêtements. Son style modernise les représentations de Singapour mais conserve un soupçon de nostalgie.
Les compositions de Mike sont passées aujourd’hui de nos murs à ceux du Peranakan Museum.
C’est toujours une consécration pour un créateur ou un artiste de voir son travail rejoindre la collection d’un musée et le masque de Mike a été retenu à plusieurs titres.
Un design qui valorise le patrimoine iconographique peranakan
Masque « Peranakan Story 2 », Mike Tay pour Onlewo - 2021
Le masque ne cache pas ses références. Sa composition reprend des motifs typiquement peranakans.
La partie gauche est recouverte d’un carrelage fleuri semblable à celui qui ornait les façades des maisons traditionnelles. Ce patrimoine architectural est particulièrement bien conservé à Katong, quartier prisé par la classe moyenne peranakane entre les deux guerres. Cette présence est toujours visible à Koon Seng Road où les maisons construites fin 1920 affichent ostensiblement leurs carreaux en céramique émaillée.
Façade ornée de carreaux en céramique émaillée à Koon Seng Road
La partie droite du masque met en valeur un paon et un Kamcheng, jarre couverte, dont les motifs ornementaux sont dotés de vertus bouddhiques. Ce plat est un attribut fondamental de la culture peranakane. Il était offert aux jeunes mariés et servait à leur apporter nourriture et sucreries pendant les douze jours où leur union était célébrée. Ensuite il rejoignait leur foyer et l’on y stockait du riz, des cornichons ou autres aliments.
Kamcheng exposé au Peranakan Museum
Un symbole de son appartenance à la communauté peranakane
Le masque créé par Mike n’était à l’origine qu’un simple accessoire de mode. Ses couleurs vives égayaient une vie morose où les contraintes sanitaires privaient les femmes de la mise en beauté du bas de leur visage.
Il est devenu iconique lorsqu’une figure emblématique de la communauté Peranakan, Linda Chee, l’a intégré à son costume traditionnel. Mrs Chee, épouse du Président de The Peranakan Association Singapore et elle-même éditrice du Peranakan Magazine, se doit d’apparaître, lors des nombreuses manifestations officielles ou protocolaires, revêtue de la tenue traditionnelle. En 2021, elle a choisi d’ajouter le masque de Mike à son kebaya et à son sarong pour affirmer un peu plus son identité peranakane.
Un objet représentatif de son époque
La culture peranakane est difficile à cerner car elle est le fruit du métissage de plusieurs ethnies, religions, langues… On y retrouve l’influence de tous les peuples qui ont immigré dans la région au fil des siècles et qui ont épousé des femmes parlant malais. On y perçoit la trace de la colonisation britannique, hollandaise ou portugaise.
Alan Chong, Directeur du Asian Civilisations Museum et du Peranakan Museum, apporte une clé de décryptage de cette culture. Elle n’est pas celle d’une ethnie, puisque les peranakans n’en constituent pas une, mais elle est celle d’une communauté qui voyage, qui s’adapte, qui fait évoluer ses mœurs et ses coutumes selon le contexte social.
Ce masque est le symbole d’une histoire récente et universellement partagée, celle de l’épidémie de la Covid. En l’intégrant dans ses collections, le musée lui confère le statut d’accessoire de l’époque au même titre qu’une ceinture ou des chaussures.
Cette reconnaissance institutionnelle rend évidemment les créateurs d’Onlewo extrêmement fiers.
N’hésitez pas à franchir la porte de leur boutique. Mike Tay et Eugene Yip, son associé, se feront un plaisir de vous expliquer l’histoire qui se cache derrière chacune de leurs compositions.