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Intersections - Marie-Pierre Mol à la croisée des arts

Marie Pierre Mol IntersectionsMarie Pierre Mol Intersections
@Anne Valluy
Écrit par Laetitia Person
Publié le 14 janvier 2019, mis à jour le 29 mars 2019

Il se dégage une atmosphère particulière de la galerie d’art Intersections, sorte d’alcôve paisible dans une petite rue animée du quartier musulman de Kampong Glam. À l’occasion d’une rencontre avec le Petit Journal, Marie-Pierre Mol évoque avec pudeur et passion son plaisir de transmettre qui l’a menée jusqu’à l’ouverture de cette galerie en 2012.

 

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Marie-Pierre Mol : J’ai une triple formation en économie, sciences politiques et histoire de l’art. Le partage et la transmission m’ont toujours animée. J’ai commencé ma carrière en tant que professeur d’économie à Paris II et Sciences Po, portée par mon désir de transmettre mon savoir. Ce fil conducteur a été nourri, au fil des années, avec la naissance de mes quatre enfants, que j’ai accompagnés dans leur développement personnel et professionnel. Aujourd’hui, il est à nouveau alimenté par le biais de la galerie. 

 

Comment avez-vous eu l’idée d’ouvrir cette galerie ?

À mon arrivée à Singapour en 2010, l’idée avait déjà germé dans ma tête depuis longtemps. Je m’étais dirigée naturellement vers des études d’économie, plus rassurantes à l’époque, mais la culture en général et l’art en particulier ont toujours occupé une place prépondérante dans ma vie. En 2010, le pays connaissait alors un véritable foisonnement dans le domaine culturel, avec de nombreux projets en devenir. Je souhaitais activement participer à cette dynamique en organisant des événements artistiques. D’un point de vue plus personnel, je voulais également créer quelque chose qui, tout en se démarquant de ce que j’avais pu réaliser jusque là, s’inscrivait dans la continuité, car le partage et la transmission étaient toujours au cœur de ma motivation. 

 

Marie-Pierre MOL, Intersections, Singapour
Phyu Mon

 

Quand avez-vous ouvert cette galerie ?

Intersections, en tant qu’espace permanent existe depuis 2015. Avant cette date, je fonctionnais en pop up. Ce modèle apporte beaucoup de liberté et de flexibilité. Les possibilités d’expression sont décuplées : lieux insolites ou inhabituels, éventail artistique plus large, public varié… Il correspondait à l’ambition d’Intersections dans sa volonté de susciter des rencontres entre les médium et différents types d’histoires, par rapport au lieu dans lequel ils sont exposés et au public présent. Mais, c’est également un modèle qui requiert un effort considérable à chaque exposition. La spontanéité et le côté informel d’une galerie, dénichée aux hasards d’une ballade, sont impossibles. Un lieu permanent permet de toucher un plus grand nombre et de répondre de façon plus pertinente aux attentes des clients. Il est possible d’apprivoiser le lieu également. Aussi bien pour moi que pour les artistes qui exposent. Ils peuvent s’y projeter, travailler avec, envisager ce qu’ils peuvent réaliser, ou au contraire, ce qu’il est impossible de faire. Aujourd’hui, j’ai réussi à créer un espace qui fonctionne comme un salon du 18èmesiècle. Les visiteurs s’y retrouvent pour échanger, pour regarder, pour se sentir bien. C’est l’esprit du lieu qui dégage une forme d’intimité.

 

D’où vient ce nom "Intersections" ?

Le nom "Intersections" n’existe que depuis 2012. À l’origine, j’avais opté pour "Mise en Seine" qui reflétait mon identité de parisienne et ma volonté de mettre en scène des événements (c’est du reste toujours mon pseudo Facebook). Mais la majorité de mes clients ne comprenait pas. C’est problématique dans un domaine où le branding et l’image sont primordiaux. Intersections a l’avantage de fonctionner en anglais et en français. Intersections est avant tout lié à Singapour, lieu de brassages, de rencontres, de passage. Il s’agit, par conséquent, d’un nom qui fait sens par rapport au pays où la galerie évolue. Mais Intersections n’évoque pas seulement l’enracinement dans Singapour. Il désigne également le cœur de la mission de la galerie qui se présente comme un lieu de rencontre entre son public et les différentes formes d’art. Ma motivation principale est de mêler intimement différentes techniques pour faire converger des concepts, pour que des significations similaires émergent, se tissent. Cette ambition est présente dans chacune de mes expositions, par la rencontre entre les artistes ou les médium. Une intersection par rapport à quelque chose est toujours sous-jacente. 

 

Qui sont vos clients ?

Mon objectif est d’aider les artistes que je soutiens à se développer pour devenir reconnus au plus haut niveau. Par conséquent, je cible les musées et les grands collectionneurs de la région. Je souhaite provoquer la rencontre avec les artistes que je sélectionne et que je défends. Parallèlement, parce que l’art doit être accessible à tous, je travaille avec de jeunes artistes pour toucher un public très large. J’essaie d’exposer des œuvres d’un niveau tel qu’elles peuvent intéresser des collectionneurs, mais aussi un particulier qui pousse la porte de la galerie par hasard. Je travaille assez naturellement avec la communauté française auprès de qui mon ambition est de mieux faire comprendre la région dans sa dimension politique, sociale et culturelle. C’est l’autre axe de la galerie, dont la mission est d’apporter du sens, d’être en relation avec le pays et la région dans laquelle nous évoluons.  

 

Justement, Intersections est spécialisée dans l’art Birman... Pourquoi ce parti-pris ?

Marie-Pierre MOL, Intersections, Singapour
Thu Myat 

Quand j’ai démarré la galerie, j’ai essayé de réfléchir à un concept nouveau. 2011 marque le changement politique en Birmanie avec l’arrivée du gouvernement civil, une ouverture du pays, une plus grande liberté d’expression et par conséquent un accès facilité aux artistes et aux œuvres. 2011, c’est également ma rencontre avec l’art birman et ses artistes. J’ai découvert un art contemporain d’une grande qualité, avec des messages forts malgré la censure. Aujourd’hui, je travaille régulièrement avec une quinzaine d’artistes birmans. Mais, j’expose aussi des artistes de toutes origines basés à Singapour. 

 

Comment sélectionnez-vous les artistes que vous exposez ?

C’est beaucoup de recherches, de voyages, de visites de studios… Je tiens toujours, sauf exception très rare, à rencontrer les artistes personnellement et à voir les œuvres avant de lancer un projet d’exposition. Lorsque je choisis un artiste, je veux raconter une histoire. J’essaie d’exposer des œuvres avec une valeur esthétique ou humoristique suffisante pour susciter l’envie de l’acquérir. Mais l’esthétique est une caractéristique tellement personnelle ! Les œuvres doivent également dégager une dimension conceptuelle et délivrer un message. 

 

Comment s’opère la sélection des œuvres ? Vous les choisissez avec les artistes ?

Oui, un projet d’exposition est avant tout une collaboration. Raconter une histoire à travers une exposition est passionnant. Toutes les expositions sont le résultat d’un processus de « curation ». La sélection, et parfois la création de nouvelles œuvres, se fait pour répondre à un thème. Les titres des expositions se veulent une invitation au voyage, une incitation à la réflexion, une fenêtre ouverte sur un monde plus vaste et plus beau que notre quotidien.  

 

Laetitia Person
Publié le 14 janvier 2019, mis à jour le 29 mars 2019

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