Si vous habitez à Singapour, il vous est impossible d’échapper à la déferlante Crazy Rich Asian, film tiré du best-seller du même nom, de l’auteur américano-singapourien Kevin Kwan. Il séduit l’Amérique et embrase Singapour depuis le 22 aout.
Dans ce film produit à Hollywood ayant un casting 100% asiatique, la cité-Etat est mise à l’honneur. Mais que raconte vraiment cet opus hollywoodien de Singapour ?
Le succès de Crazy Rich Asian
Le film, premier au box office aux Etats-Unis à sa sortie, avait déjà engrangé 60 millions de dollars US de recettes à l'échelle mondiale en deux semaines. A sa 4ème semaine d’exploitation, le film était classé en 3ème position pour des recettes cumulées de plus de 135 millions de dollars US. Un exploit rarement atteint par une comédie romantique.
Un tel succès pour un film qui a fait la UNE du Times (avec Constance WU, cf. ci-contre) ne pouvait aller sans polémique. Quelle vision ce film à l’enjeu planétaire allait-il donner de l’Asie et de Singapour en particulier ?
Sans surprise, dès le lendemain de sa sortie officielle, les médias s’enflammaient. Sur la version internet du Washington Post, on pouvait lire dans un article "(ce film) a été annoncé comme un phare de la représentation (asiatique) dans les médias occidentaux. Mais en Asie - et en particulier à Singapour - la réaction au film et à son casting a été mitigée".
D’autres personnalités locales ont au contraire trouvé que le film rendait hommage à Singapour dans de nombreux aspects. Par exemple, dans le Singapore Taitler daté du 27 août, un Crazy Rich - ou quasi - estimait que le film décrivait parfaitement la riche société singapourienne et ajouté tendrement "Toutes les scènes d'Ah Ma me rappelaient ma propre grand-mère".
Un éditorialiste du South China Morning Post résumait parfaitement les débats qui agitent la cité-Etat et au delà : le film Crazy Rich Asians a "provoqué une cacophonie de jubilation, d'attente et de ressentiment de part et d'autre de l'océan et parmi les asiatiques de partout."
Représentation ou ressentiment auquel le réalisateur du film, John Chu, a répondu lors d'une conférence de presse: "Nous avons décidé très tôt que ce n'était pas LE film pour résoudre tous les problèmes de représentation (…) C'est un film très spécifique, nous avons un monde très spécifique, des personnages très spécifiques".
Mais alors, quel est ce « monde très spécifique » glamourisé par Hollywood ?
Le Singapour du film
Rappel de l’histoire
Réalisé par le réalisateur sino-américain John M Chu, Crazy Rich Asians raconte l'histoire de Rachel Chu, professeur d'économie sino-américaine (interprétée par Constance Wu), qui suit son petit ami singapourien Nick Young (Henry Golding) de retour chez lui pour une visite, avant de découvrir qu'il est le successeur d'une des plus grandes fortunes en Asie, habitant à Singapour.
- ATTENTION SPOILER -
Ce qui frappe d’abord dans ce film est l’architecture de Singapour, cette ville Jardin. D’ailleurs, dès son arrivée sur le sol singapourien, Rachel Chu s’extasie sur la modernité de l’aéroport de Changi. Que vous soyez New-yorkais débarquant de Kennedy ou Parisiens de Roissy, cet aéroport est la première chose qui marque le visiteur.
Et le cheminement de Rachel, comme celui du spectateur, permet de découvrir cette ville. La maison incroyable de la famille Young est censée être située au sein du Botanic Garden. Même si la scène a été filmée en Malaisie, ces maisons incroyables, nichées dans les allées du Jardin, en plein centre-ville, qui n’apparaissent sur aucun GPS, existent bel et bien.
Singapour apparaît comme une ville ultra-moderne où une nature luxuriante s’épanouit au milieu des plus beaux gratte-ciels.
De la piscine de l’hôtel Marina Bay Sands de l’architecte Moshe Safdie en passant par les arbres métalliques de 25 mètres de hauteur recouverts de végétation de Gardens by the bay, le film rend hommage à ces endroits iconiques qui sont aujourd’hui la signature de la ville comme la Tour Eiffel l’est pour Paris.
Singapour est aussi montrée dans sa diversité, notamment dans la scène du café pris à la terrasse d’un kopitiam de Butik Pasoh, ou celle de la salle du Mah Jong où Eleanor Young affronte Rachel, la sino-américaine. Des lieux traditionnels côtoient la modernité.
La culture du Hawker center partagé par toutes les classes sociales et les générations
Que l’on soit Crazy Rich, citoyens lambdas, vieux ou jeunes, il y a bien une chose qui est partagée par tous à Singapour : un repas dans un Hawker Center où chacun croit connaître le meilleur stand pour le Chicken Rice ou les satay. Dès leur descente d’avion, Nick YOUNG et sa petite amie sont conduits pour diner, non dans un restaurant chic mais dans l’emblématique Food Court "Lau Pa Sat" dans le livre et celui de Newton dans le film.
Les Crazy Rich familles à Singapour
La richesse à Singapour est une réalité : une personne sur 34 est considérée comme millionaire (WealthInsight), 2,9% de la population. Ce qui en fait le 6ème pays où vivent le plus de millionnaires au monde et le 1er en Asie, juste devant Hong-Kong. Même si ces familles sont loin de représenter la majorité des Singapouriens, elles font partie de leur réalité contemporaine. Et le film s’attache à l’histoire de ces familles d’origine chinoise plutôt que d’origine indienne ou malaise.
Le film distingue également les nouveaux riches représentés par la famille Goh avec les familles plus anciennes où la discrétion et le respect des traditions sont importants.
Par ailleurs, au-delà du mode de vie et comme le déclarait le décorateur et scénographe Nelson Coates, "c'est probablement le premier film hollywoodien à mettre en scène le style Peranakan, qui est un style strict de décor de Chinois né dans le détroit ", en notant le bois foncé incrusté de nacre et les accents de marbre dans la maison familiale Young, un mélange de chinois, néerlandais et britannique sous influences coloniales. Cette culture est aussi présente dans les vêtements utilisés pour le tournage du film : la créatrice de costumes Mary E. Vogt déclarait avoir « fait appel à l’association Peranakane pour habiller la vieille génération en robes, vestes et sarongs imprimés en batik ».
On en apprend également un peu plus sur les origines de ces familles. Dans une scène de lecture de la bible, réunissant les tantes de la famille Young, ces familles sont chrétiennes, alors que la majorité des chinois de Singapour sont bouddhistes.
Au delà du glamour, de l’histoire de conte de fée lissée par Hollywood, ce film révèle certaines spécificités de la cité-Etat et de son élite économique. Bien d’autres détails emblématiques de cette société singapourienne apparaissent.
Et vous, quels sont les détails du film qui vous ont marqués ou faits sourire ?