Retour à la scène d'une pièce culte. "Le père noël est une ordure", initialement montée par la troupe du Splendid avant d'être immortalisée en 1982 par le film de Jean Marie Poiré, a commencé de brûler les planches du théâtre de l'Alliance Française dès jeudi soir, dans le cadre d'une série de 6 représentations auxquelles on ne peut qu'encourager ceux qui ne l'ont pas fait encore de courir acheter l'un des derniers billets.
La compagnie The Theatre Factory, emmenée par Sophie Bendel, a bien fait les choses. Il y avait au delà du succès quasi assuré de la reprise d'une pièce cultissime de la fin des années 70, un double risque qu'il fallait assumer : celui de l'héritage étouffant d'une bande de joyeux comédiens, à l'aube encore d'une carrière qui allait en faire des stars du comique, au jeu complètement débridé, et dont la magie collective puisait jusque dans les imperfections ; celui aussi d'un texte qui a désormais plus de 35 ans qu'il fallait bien débarrasser de références surannées et moderniser.
Coté ambiance du groupe et humour débridé, la troupe de The Theatre Factory est au top. Surprise lors de la répétition générale mercredi soir, la joyeuse compagnie était hilare, heureuse d'être sur scène, interprétant dans toute leur démesure, y compris celle du décor et des costumes, des personnages dont on voit bien qu'ils font, pour chacun, partie de leur histoire. Bonheur de se retrouver en Thérèse délicieusement fagotée, en « Zézette épouse X » au formidable ratelier, en Pierre, bellâtre un peu coincé? Jubilation des comédiens en voix off, déversant, on les imagine l'?il brillant, un flot de drames existentiels ou une floppée d'injures à la puissance évocatrice ciselée. Plaisir encore de se trémousser dans la robe, ras le slip, de Katia, ou d'endosser les fameux habits du père Noël, façon « je vais lui faire sa fête, si elle revient pas, à la Zézette ».
Coté texte et décor, la mise en scène a eu la bonne idée de rafraichir la pièce en la transposant dans le contexte « très hot » de Singapour. SOS expat amitié est une trouvaille qui, l'air de rien, redistribue les cartes, donne un vrai nouveau souffle à la pièce et de l'espace aux comédiens pour respirer et pour franchement s'amuser. A saluer particulièrement dans cette nouvelle configuration, l'apparition d'un Mr Tan truculant qui inonde la scène de son singlish savoureux.
On imagine que les spectateurs de tous âges, car le succès du film a traversé les générations, ne manqueront pas de faire sans cesse des allers-retours entre les images du splendid, et la non moins splendide réinterprétation qu'en fait la troupe de Singapour. On peut prédire que beaucoup, les répliques cultes sur les lèvres, seront tentés de souffler le texte un quart de seconde avant les comédiens. On anticipe déjà, dans une communion idéale entre les acteurs et le public, comment les comédiens, dont plusieurs sont des spécialistes de l'improvisation, pourront alors réagir dans une vrille créatrice qui tient toujours de la magie. A la scène comme dans la vie, le pouvoir est dans le public.
Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) vendredi 2 octobre 2015
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