

Dans le cadre de la commémoration du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la République française et la République populaire de Chine, le musée Guimet présente jusqu'au 1er mars 2015, une exposition-évènement consacrée à la Chine des Han, qu'il ne faut rater sous aucun prétexte, si vous passez par Paris.
Plus de 150 ?uvres présentées. Elles proviennent de 27 musées appartenant à 9 provinces et ont été prêtées exceptionnellement - et exclusivement - à la France par le gouvernement chinois. Parmi elles, 67 trésors nationaux ainsi qu'un grand nombre de découvertes archéologiques inédites effectuées durant les cinquante dernières années.
L'exposition met en lumière quatre siècles fondamentaux pour l'histoire de la Chine. Elle démarre avec l'unification du territoire chinois au 3e siècle avant J.-C., sous la férule de Shi Huangdi et va jusqu'à la fin des Han de l'Est en 220 après J.-C. C'est une période prospère de construction de l'unité territoriale, de centralisation du système administratif, d'unification de l'écriture, de la monnaie, des poids et mesure. La Chine jouit d'une bonne prospérité grâce à un système d'alliances lointaines et d'échanges, notamment sur les Routes de la Soie maritimes et terrestres, alors que son territoire s'étend des confins de la steppe au nord de la péninsule indochinoise.
Nous avons demandé à Eric Lefebvre, un des quatre commissaires de cette exposition et responsable des peintures chinoises à Guimet de présenter cette exposition unique.
« Il s'agit de l'exposition patrimoniale la plus importante de la célébration du cinquantenaire. C'est une exposition quasiment sans précédent puisque jusqu'ici toutes les expositions sur la Chine portaient sur le patrimoine d'une province ou sur une découverte archéologique isolée".
Qui a pris l'initiative de parler de la Chine des Han ?
Eric Lefebvre - Plutôt les Chinois. Ils tenaient à remercier la France d'avoir mis au programme de la classe de sixième la Chine des Han au même titre que l'Egypte, la Grèce ou Rome. Dans cette perspective, nous avons introduit dès l'entrée de l'exposition à côté des repères mieux connus sur Rome, quelques dates clef de l'histoire de la Chine, sachant qu'à l'époque, les poids démographiques de la Chine et de Rome étaient comparables, entre 50 et 60 millions de personnes.
D'où viennent les ?uvres ?
- L'essentiel des ?uvres proviennent de tombes et sont le fruit d' un ensemble de grandes découvertes qui remontent pour les plus anciennes aux années cinquante et pour les plus récentes à l'année 2009-2010.
Est-ce que cela témoigne d'un effort récent particulier de la Chine dans le domaine archéologique?
La Chine investit avec des moyens tout à fait importants et cela fait partie d'une longue tradition. Malgré tout, son patrimoine est en danger à cause de l'urbanisation galopante, de la difficulté de protéger la totalité des sites et des pilleurs qui, en dépit de sanctions sévères, continuent de tenter leur chance.
Quel a été le parti-pris de cette exposition?
- L'originalité de cette exposition est de traiter ensemble les Qin et les Han, du premier empereur jusqu'à la fin de la dynastie Han de l'Est. Cela permet d'insister sur l'idée d'unité, qui prend sous les Han un esprit différent, moins légiste et plus confucéen. C'est sous les Han que Confucius va être véritablement promu à la place qu'il va occuper dans l'histoire de la Chine. L'empereur place à la tête de commanderies et de circonscriptions administratives des fonctionnaires sans lien avec l'aristocratie ou la famille impériale. Sont instituées les premières épreuves pour le recrutement des fonctionnaires et une académie confucéenne qui établit de manière canonique les textes qui formeront le bagage intellectuel de tout haut fonctionnaire chinois pendant des siècles.
Pouvez-vous nous présenter quelques objets phares?
- Dans la première partie, vous verrez des figurines qui proviennent de la tombe d'un empereur qui a vécu au milieu du 2e siècle avant JC. On y a découvert des milliers de substituts funéraires - à l'époque, on ne faisait plus de sacrifices humains - qui représentent de façon très précise, à ala fois réaliste mais stylisée, la quasi-totalité de la maison impériale. Ces figures étaient peintes ou habillées à la manière de poupée. Il y a aussi tout un grand cheptel qui marque la prospérité passée de l'empereur et celle qu'on lui souhaitait dans l'au-delà.
L'exposition présente un brule-parfum d'une qualité absolument unique, en bronze incrusté d'or, fait d'une coupe avec un motif ondé représentant la mer et d'un cône formant des petits pics représentant une montagne peuplée de personnages. Cet objet évoque un paradis taoïste au milieu de l'océan à la recherche duquel l'empereur avait envoyé des flottes.
On y voit aussi un linceul de jade blanc de Khotan - dans le Xinjiang - cousu de fil d'or. Ces linceuls, dont il n'existe que vingt exemplaires en Chine, formaient une carapace complète pour le corps du défunt, dont l'âme ne devait s'échapper que par la fontanelle. A ses côtés, un très rare masque de jade qui était destiné à un personnage de haut rang condamné au suicide par l'empereur.
L'exposition offre à voir aussi une série d'objets d'une très belle simplicité qui ont bien résisté dans la région quasi désertique du Gansu. Il s'agit notamment de tissus fragiles de lin et de soie. La soie circulait déjà largement, à cause des tributs annuels que les Han offraient aux peuples du Nord. Ces dons généraient un vaste commerce d'Est en Ouest jusqu'à Rome. Il a donné son nom à la Route de la soie, que l'on aurait pu appeler tout aussi bien la Route du cheval puisque circulaient aussi d'Ouest en Est, des chevaux rapides que les Chinois faisaient venir du Ferghana.
La dernière partie de l'exposition est plutôt consacrée à la vie quotidienne, à l'architecture, à l'écriture, aux croyances à la musique et à la danse?
Comment avez-vous choisi les pièces?
- Il s'agit toujours d'un processus d'aller et retour, qui, cette fois, a été très rapide puisque nous avions seulement dix mois pour tout mettre en place à temps pour le cinquantenaire. Nous étions quatre : deux commissaires chinois et deux commissaires français. La quasi-totalité de nos propositions ont été adoptées. Cette exposition malheureusement ne va pas pouvoir circuler. Nos collègues chinois espéraient trouver un lieu pour la montrer en Chine mais cela ne sera pas possible pour des raisons de conservation.
Anne Garrigue (www.lepetitjournal.com/singapour) mardi 23 décembre 2014
La série L'ASIE VUE DE FRANCE s'inscrit dans une logique de dialogue entre l'Asie telle que la découvrent ceux qui y vivent et celle qui est donnée à découvrir à ceux qui, en France, ont aimé, aiment ou sont attirés par l'Asie. Après un séjour de plus de 20 ans en Asie - au Japon, en Chine et à Singapour-, Anne Garrigue, journaliste et écrivain, est de retour à Paris. Elle propose de partager ses coups de coeur et de rendre compte, pour les lecteurs du petitjournal.com, de ce qui, en France,parle de l'Asie. Des Musées et expositions consacrés à l'Asie, jusqu'au festival de Singapour en France à venir.



















