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L'école à la maison en Chine, une vraie tendance ?

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Écrit par Gaëlle Déchelette
Publié le 20 février 2018, mis à jour le 20 février 2018

Une enquête de l’année dernière a montré qu’en Chine, entre 2013 et 2017, le nombre de parents séduits par une éducation alternative avait augmenté de 30%. On estime qu’en 2017, environ 50.000 personnes s’intéressaient vivement ou essayaient de procurer une éducation à la maison pour leurs enfants. Il y aurait près de 2.000 "écoles à la maison" en Chine à l’heure actuelle, pour un total d'environ 20.000 enfants. Cela reste un faible pourcentage par rapport à l'ensemble des élèves chinois.

 

Pourquoi choisissent-ils l’école à la maison ?

Les raisons de ce choix : 1/3 des enfants qui étudient à la maison ne pouvaient pas s’adapter dans les classes régulières. Certains parents voyaient leurs enfants crouler sous les devoirs, punis lorsqu’ils échouaient, voir même mis à part par leurs camarades.

Les deux tiers restants sont des parents qui sont radicalement opposés à la philosophie de l’éducation telle qu’elle est appliquée dans le système traditionnel chinois. Dès le primaire, les enfants sont en moyenne 40 par classe, et doivent déjà se préparer en vue du concours pour entrer au lycée (zhongkao) avant de préparer le concours d’entrée à l’université (gaokao). L’excellence seule leur permettra d’accéder à une éducation supérieure. La compétition est féroce et les petits sont soumis à un stress important dès leur plus jeune âge.

Parfois, les agriculteurs sont obligés de faire l’école à la maison par manque d’institutions proches de chez eux, comme c’est le cas pour Karen, habitant de Chongming. Cette ancienne professeur d’anglais enseigne les langues à sa fille de 9 ans, tandis que d’autres personnes lui enseignent les mathématiques, les sciences, les arts, quand la petite fille n’est pas dans les champs à apprendre les rudiments de la permaculture.

D’autres, comme Zhang Qiaofeng, décident de quitter leur emploi pour donner à leur enfant l’éducation dont ils ont besoin. 75% des parents qui font l’école à la maison ont un diplôme universitaire. Yuan Honglin, un autre papa concerné, a organisé des cours pour sa fille à domicile, et l’a élargi à d’autres enfants, dans une structure qu’on nomme Sishu.

A Shanghai, l’école Meng Mu Tang se base sur les classiques confucéens, auxquels s’ajoutent des cours de dessin, de musique, de yoga, de science, etc… De plus en plus de Sishu voient le jour, malgré les restrictions.

 

Quels avantages et inconvénients ?

Les plus : pouvoir s’adapter aux capacités des étudiants, contrairement à l’école publique qui utilise les mêmes méthodes pour tous les élèves. En travaillant plus librement, les élèves seraient capables d’apprendre aussi bien que les autres, et même de mieux réussir aux examens.

De plus, les Sishu sont souvent de petite taille, et basées à la maison, un environnement plus calme qui permet de prendre soin de chaque élève. La part dédiée aux intérêts personnels de chaque enfant est ainsi plus grande ; mais également la liberté de jouer, d’appréhender le monde, de poser des questions et de penser de manière indépendante.

Parfois, ce sont les parents seuls qui enseignent à leurs enfants (et à ceux d’autres familles, pour leur donner de la compagnie). D’autres fois, ils ont recours à des membres de leur famille ou des connaissances capables d'enseigner des sujets variés à leur progéniture.

Les moins : La loi sur l’éducation obligatoire spécifie que les enfants doivent être scolarisés pendant 9 années à partir de l’âge de 6 ans. Jusqu’à présent, cela n’était pas mis en place de manière très stricte, mais en septembre 2017, le Conseil d’Etat a réitéré que les Sishu étaient illégales. Certains parents se voient infliger des amendes, ou reçoivent des avertissements. Leur seul recours : changer de localité. C’est le cas de certains parents qui insistent pour donner l’éducation qu’ils jugent bonne à leurs enfants, quitte à être hors-la-loi.

D’autre part, comme les sishu ne sont pas enregistrées, il n’y a donc pas de contrôle et les dérives sont possibles (certaines sishu basées sur l’éducation ancienne comme au temps des mandarins, ont recours aux punitions corporelles !).

Enfin, l’école à la maison n’est pas bien vue socialement, les familles et l’entourage sont souvent très sceptiques vis-à-vis de cette éducation, qui paraît peut sérieuse, voire irresponsable.

Le coût : Pour les parents qui se décident à faire l’école à la maison, il faut souvent que l’un d’entre eux renonce à son travail, ce qui est un lourd sacrifice financier pour la majorité des familles. Pour ceux qui inscrivent leurs enfants dans une sishu, les coûts sont également élevés : 50.000 RMB par an en moyenne, alors que les écoles publiques sont quasiment gratuites.

 

Vers une ouverture ?

Quand certains parents doivent fermer leur Sishu sous pression du gouvernement local, certaines municipalités encouragent la création d’écoles alternatives. C’est le cas dans le Zhejiang, où la Chuyang School a ouvert ses portes il y a trois ans avec le soutien du Bureau de l’Education local. Cet internat accueille jusqu’à cent étudiants, et tandis que leurs petits camarades se préparent aux examens, ils peuvent se concentrer sur leur propres centres d’intérêts.

De telles écoles sont tolérées car elle sont vues comme un complément. Les autorités ont observé le besoin d’une éducation diversifiée, que l’école publique ne peut procurer. Mais ce genre d’école n’est pas pour tout le monde : les frais sont de 80.000 RMB par an.

Pour d’autres parents adeptes de l’école à la maison, les conditions se font de plus en plus précaires et les contrôles, plus stricts et plus fréquents. Les écoles publiques se doivent de convaincre les parents de scolariser leurs enfants, et s’ils échouent, de les signaler aux autorités. En cas de refus persistant, les parents peuvent se voir poursuivis en justice.

Dans ces cas-là, leur seul rêve est que leurs enfants puissent un jour aller étudier à l’étranger.

Crédit photo : Sixthtone

 

Gaëlle Déchelette
Publié le 20 février 2018, mis à jour le 20 février 2018

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