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Découvrez les Shikumen de Shanghai

Habitat emblématique de Shanghai, les Shikumen font le charme de la ville et lui confèrent son originalité. Pourtant, ils ont failli disparaître. Que reste-t-il aujourd’hui de cet habitat mythique, symbole du "Paris de l’Orient" et du syncrétisme entre Orient et Occident ?

Les Shikumen de ZhangyuanLes Shikumen de Zhangyuan
Écrit par Thibault Gil
Publié le 20 mars 2025, mis à jour le 21 mars 2025

 

Petite histoire des Shikumen de Shanghai

Dans les années 1860, un nouveau type de bâtiment fait son apparition à Shanghai : les Shikumen, qui signifient "porte de pierre". En vous baladant dans les rues des anciennes concessions de Shanghai, vous vous êtes forcément déjà perdu dans ces ruelles étroites appelées lilongs, coincées entre les immeubles modernes. À l’intérieur des lilongs, les Shikumen sont reconnaissables à leur architecture unique, symbole du mélange entre Occident et Orient. Ils associent des éléments d’architecture chinoise et européenne, française ou britannique.

Construit en série entre la fin du XIXe siècle et les années 1930, cet habitat s’est développé à une période où la ville connaissait une explosion démographique. Les familles s’y installaient en grand nombre, et les moins riches s’entassaient dans des espaces réduits. Une véritable vie de quartier s’est développé à l’intérieur de ces lilongs, favorisant un lien social très fort entre les habitants.

 

Les Shikumen aujourd’hui

Il y a encore dix ans, il était facile de tomber sur des Shikumen à Shanghai. Mais la ville a vu apparaître plusieurs chantiers de destruction massive de ces quartiers, remplacés par des immeubles modernes ou des espaces verts. Si certaines constructions étaient devenues insalubres, elles témoignaient d’une vie shanghaienne authentique et traditionnelle.

Les anciens se plaisaient à se rassembler devant les portes de leurs Shikumen, perpétuant une atmosphère de quartier. Peu à peu, la ville a pris conscience de l’importance symbolique de ces bâtiments et a décidé de les intégrer dans son urbanisme moderne. Shanghai, métropole moderne, n’échappe pas au grand mouvement de rénovation urbaine observable dans les grandes métropoles comme Paris, Londres ou New York. Il ne s’agit pas seulement de stopper la destruction des Shikumen, mais aussi de leur donner une nouvelle fonction, quitte à leur faire perdre un peu de leur âme.

 

Le renouveau des Shikumen

Le quartier qui symbolise le renouveau des Shikumen se trouve à Xintiandi. Initié en 1998, il est devenu un centre commercial et touristique majeur de Shanghai. Certaines maisons ont été démolies puis reconstruites, mais l’ensemble illustre bien la politique d’urbanisme visant à fusionner préservation du patrimoine historique et développement commercial.

Dans le même esprit, mais avec un cachet plus traditionnel et artistique, la zone de Tianzifang a été rénovée au début des années 2000. Contrairement à Xintiandi, le quartier a conservé ses habitations Shikumen d’origine, qui abritent aujourd’hui des boutiques, des cafés et des studios d’art.

Depuis, Xintiandi et Tianzifang ont fait des émules. Un des derniers-nés des projets de rénovation est Zhangyuan, près de Nanjing Xi Lu. En 2018, le quartier était encore habité, mais ses résidents ont été relogés pour laisser place à des boutiques de luxe, des cafés et des restaurants. Après quatre ans de restauration, la zone a été ouverte au public en 2022.

 

Rénovation ou ruinovation ?

Que penser de ces transformations ? La rénovation des Shikumen se fait-elle au détriment de l’authenticité de ces quartiers ? Le résultat peut être considéré comme ambivalent.

Force est de constater que les derniers habitants des Shikumen sont une population âgée. Ces populations ont, pour la plupart, été relogées dans des quartiers modernes de Shanghai. Mais en améliorant leurs conditions de vie, elles ont laissé dans les Shikumen le lien social et la vie de quartier propres aux Shikumen. Un système de négociation avec les promoteurs immobiliers, plus en faveur des populations, a pu se mettre en place sous le contrôle du gouvernement, mais cela n’endigue pas le phénomène de gentrification.

D’un autre côté, le projet Xintiandi entérine la protection du patrimoine dans les politiques urbaines de la ville et la création de normes à respecter en matière de patrimoine. Des zones patrimoniales protégées permettent ainsi de limiter la pratique indiscriminée des démolitions et d’introduire des éléments de conservation et de protection des caractéristiques propres aux Shikumen.

Afin de renforcer cette protection, peut-être verrons-nous un jour les Shikumen de Shanghai inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, prenant en compte la dimension sociale du patrimoine dans les mesures de protection.

 

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