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SANDRINE ZERBIB – "Impossible is nothing", une belle aventure chinoise !

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 27 janvier 2016, mis à jour le 28 janvier 2016

 Par Delphine Gourgues

En ce début d'année, nous vous proposons de faire connaissance avec une entrepreneuse de choc, Sandrine ZERBIB. Nous l'avons rencontrée à l'occasion d'une soirée-conférence de l'association La Ruche le 20 janvier dernier. Nous étions nombreuses à venir l'écouter et nous n'avons pas été déçues ! Sans langue de bois et avec beaucoup d'humour, Sandrine nous a raconté "son histoire avec la Chine". Arrivée, un peu par hasard, dans l'Empire du Milieu il y a plus de vingt ans, pour y lancer Adidas, et après de grandes années à succès, elle a ensuite "quitté le navire" (qui voguait plutôt bien !), pour créer sa propre agence de conseil en management et marketing Full Jet. Retour sur un parcours assez "sportif"?

 

Adidas en Chine : un pari osé !

Nous sommes en France au début des années 90, Sandrine Zerbib travaille pour les AGF, dans une filiale spécialisée dans le financement d'acquisitions, en lien avec le Crédit Lyonnais. C'est alors que le dossier Bernard Tapie/Adidas arrive sur son bureau. Un achat suivi d'une revente très peu de temps après. Un dossier très complexe, politique, un contexte politico-économique incertain (chute des bourses suite à l'invasion du Koweït par l'Irak)? En résumé, il faut trouver très vite une solution pour sortir Bernard Tapie d'Adidas. C'est alors que se présente Robert-Louis Dreyfus comme acheteur. Une véritable rencontre pour Sandrine ! Adidas est alors en totale perte de vitesse par rapport à ses concurrents tels que Nike, Reebok etc. Robert-Louis Dreyfus se montre visionnaire puisqu'il demande à Sandrine de monter une mission de conseil, afin d'aller voir quelles sont les opportunités de la marque en Chine. Sandrine ne connaît rien à la Chine, n'aime pas le sport (!), mais sent "qu'il allait se passer quelque chose"? Après un tour d'horizon, elle a le culot de proposer à Robert Louis-Dreyfus de monter la filiale Adidas en Chine, et? "le pire, c'est qu'il a accepté !". L'aventure commence?

Des débuts difficiles

En 1995, la Chine n'appartient pas encore à l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), impossible de faire de la distribution pure. De plus, le marché n'est absolument pas mûr pour le sport, les consommateurs n'ont pas les moyens suffisants. Côté constitution d'une équipe, les conditions sont aussi délicates : les candidats n'ont pas de méthodes de travail, pas de culture de respect des marques, aucun attrait pour les sociétés étrangères ; Sandrine ne parle pas le mandarin donc difficile de rencontrer des personnes de qualité ; les contraintes légales sont énormes? De plus, le groupe Adidas est un groupe familial, bien loin de la multinationale actuelle, et ne propose aucun moyen à Sandrine : elle se retrouve vraiment seule, avec pour unique consigne, un budget à ne pas dépasser ! Mais elle sent que cette situation exceptionnelle ne peut qu'aboutir à une belle réalisation : une marque avec un vrai nom fort, un domaine extraordinaire : le sport, très excitant même pour les non-sportifs ? et elle sait de quoi elle parle ! - car il est l'expression d'un mouvement social et culturel fort. De toutes ces difficultés rencontrées, Sandrine affirme qu'elles ont l'avantage de rendre modeste, qu'il faut aussi accepter de se donner du temps pour les dépasser, et que "la fraîcheur est de rigueur", pas de place pour les a priori !

Les années de croissance

A partir de 1997, la structure légale d'Adidas peut enfin évoluer en Chine. La filiale peut maintenant utiliser le nom d'Adidas librement avec les distributeurs et pour recruter. C'est alors que, ville par ville, le niveau de revenus progressant, les ventes augmentent encore et toujours plus. Le désir de la marque devient très fort dans le c?ur des Chinois, la concurrence est faible, et même si les achats se font aussi beaucoup pour s'habiller et se chausser (et non faire du sport), l'alchimie est là. 2003 marque une nouvelle phase d'accélération de la croissance de la marque, Adidas Chine devient la filiale la plus profitable du groupe, le deuxième en taille, (derrière les USA), elle ouvre de très gros magasins de franchise? Le bilan est donc plus que satisfaisant, en moins de dix ans, le développement s'est fait en mode accéléré et à grande échelle !

Sandrine Zerbib lors de la rencontre La Ruche (Crédits : DG)

Certes, Sandrine reste lucide, "il est toujours difficile de faire la part des choses entre son propre mérite et les opportunités du marché"? Mais elle a su mettre l'accent sur ce qu'il fallait, elle a bataillé pour pouvoir monter sa propre structure légale, elle s'est posé la question très tôt de la gestion de la croissance, elle a su prendre en compte la dimension humaine dès le début, avec des règles claires, une grande cohésion, une volonté permanente de professionnalisme. Elle a aussi mis beaucoup d'énergie à défendre auprès du groupe les axes stratégiques essentiels, tels que maintenir un niveau haut de gamme, veiller au bon positionnement de la marque, bien garder un ancrage sportif (et ne pas se diluer dans la mode)?

Savoir sortir de sa zone de confort

Sandrine reconnaît que cette aventure a eu un impact sur sa vie personnelle : 18h de travail par jour, "se mettre dans le cambouis jusqu'au cou" pour tout comprendre de l'intérieur, au final elle a beaucoup appris, mais s'est aussi retrouvée très seule pendant longtemps. "Je n'étais pas vraiment heureuse, mais pas malheureuse non plus !". En 2000, un virage s'opère, Sandrine rencontre son mari, Adidas rentre dans une certaine phase de consolidation du succès, le groupe se structure, s'internationalise. Sandrine sent que le rythme s'essouffle pour elle, elle ne veut pas être un "soldat" d'un grand groupe, c'est décidé, elle quitte Adidas !

Une fois encore, Robert Louis-Dreyfus, qui lui aussi avait quitté le groupe, lui propose un nouveau challenge, au sein d'un fonds dans le domaine du sport toujours. Mais il décède quelque temps après. Entre la très difficile rupture avec l'expérience Adidas et cette disparition, Sandrine connaît une véritable traversée du désert? Elle tente bien l'aventure de remonter une société chinoise, mais avec le fondateur dans le bureau voisin et, qui plus est, pas prêt au changement, elle se rend compte que c'était une erreur. Après plusieurs années de « flottement » professionnel et personnel, et un déménagement à Pékin, elle décide de revenir sur Shanghai. Elle s'investit alors dans une société de conseil, Full Jet, spécialisée dans le déploiement opérationnel retail online & offline de marques de mode et de sports, surtout orientée dans le marketing digital. Et c'est une vraie renaissance pour elle ! Elle retrouve le sentiment que "c'est là que ça se passe" (et que ça marche !), le plaisir du travail en équipe, l'excitation du mode de fonctionnement start-up, la fierté d'avoir un positionnement un peu différent des concurrents?

Sandrine Zerbib en équipe (Crédits : Full Jet)

Regard sur la Chine

Selon elle, on ne retrouvera jamais la Chine des années 90. Le contact facile, la fraîcheur des découvertes, un énorme appétit, une énergie incroyable des Chinois, tout cela a complètement disparu ! Elle voit dans la Chine actuelle un environnement humain beaucoup plus dur, une baisse significative d'attention aux autres. La fameuse classe moyenne est de plus en plus importante et aisée, elle a les mêmes contraintes que dans tous les marchés mûrs : stress, achats de biens de consommation, mariage, éducation des enfants? Il en résulte moins d'énergie, d'optimisme, de confiance et plus de concurrence. Mais ce pays n'en reste pas moins très intéressant intellectuellement car "aller de 10 à 12, c'est plus difficile que d'aller de 0 à 10 !"

"Etre soi-même et prendre du plaisir avant tout !"

Pour conclure, quand on lui demande quels conseils elle donnerait aux entrepreneuses de l'auditoire, elle répond immédiatement "être soi-même et savoir ce à quoi l'on croit !". Certes, certaines valeurs des débuts sont à balayer? mais il ne faut pas baisser les bras, même si la situation est catastrophique pendant des mois.

Son moteur est d'abord et avant tout le plaisir : "il faut trouver ce qui nous fait plaisir dans ce que l'on fait. Le point de convergence entre l'énergie dépensée et le plaisir ressenti, c'est une chose vitale à identifier !?. Et puis laisser la chance opérer aussi?

La Ruche est "le réseau en action des femmes francophones de Shanghai". Cette association, a pour but de "favoriser la création de liens entre femmes francophones à Shanghai en vue de participer à leur développement professionnel". Parmi les différentes activités proposées aux 150 membres, les rencontres mensuelles en sont le fil rouge. Une personnalité féminine de la communauté francophone vient raconter son parcours professionnel et témoigner sur les problématiques interculturelles rencontrées en Chine. C'est aussi l'occasion pour toutes d'enrichir son réseau et d'échanger en toute convivialité. Pour en savoir plus sur La Ruche, consultez leur site ici.

Sandrine Zerbib et l'équipe de La Ruche (Crédits : DG)

Pour en savoir plus sur Full Jet, consultez le site ici.

Et pour relire notre précèdent portrait de business woman, Mykim Chikli, voir notre rubrique Communauté/Portraits.

Delphine Gourguelepetitjournal.com/shanghai Jeudi 28 janvier 2016

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 27 janvier 2016, mis à jour le 28 janvier 2016

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