Édition internationale

PARENT D'UN ETC - Bienvenue dans la troisième dimension de l'expatriation

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 mars 2014

 


ETC ? Un nouveau film de Spielberg ? Non. Une maladie ? Non plus. 
Il y a trois ans, après avoir lu "Third Culture Kids", Cécile Mazourine a eu "une révélation" et elle s'est "trouvée" : "Oui, je suis une ETC, une Enfant de Troisième Culture".  Formée au coaching interculturel, c'est à partir de ses recherches et de son expérience personnelle (toute son enfance a été ponctuée d'expatriations) qu'elle a expliqué le concept d'ETC, dans le cadre d'une conférence passionnante du Cercle Francophone.

Qu'est-ce qu'un ETC ?

C'est pour répondre à cette question que Valentine est venue participer à cette conférence. Elle vit à Shanghai avec deux enfants, de 18 et 16 ans, tous deux scolarisés à l'école américaine. Elle est persuadée que cette vie-là influence leur façon d'appréhender le monde : "En tant que parents nous avons dû nous adapter à notre nouvelle vie, mais les enfants, eux, sont tombés dans la marmite malgré eux... mes enfants pensent souvent comme des américains, réagissent parfois comme des chinois et sont fondamentalement français..." Elle aimerait donc bien se projeter dans l'avenir pour "savoir ce que ça va donner cette génération là, avec cette vie particulière qu'on leur offre, et comprendre cette notion d'ETC".

Un ETC est un enfant de diplomates, de militaires, de membres d'ONG, de salariés d'entreprises internationales, d'immigrés... Ayant passé une grande partie de ses années de développement en dehors de la culture de ses parents, il a trois cultures : la première, celle de naissance ; la deuxième, celle du pays d'accueil et la troisième, interstitielle, c'est à dire la culture qu'il a lui-même forgé à partir de son style de vie à l'international et de sa vie de nomade. En fait, l'ETC "a des liens avec toutes les cultures mais sans en avoir aucune... il a un sentiment d'appartenance davantage ancré dans les liens qu'il tisse avec les individus qui ont le même style de vie que lui".  Effectivement, comme nous allons le voir, le relationnel a une grande importance pour lui. 

 


Beaucoup d'échanges lors de la conférence sur l'ETC (Photo CRC)

Quelles sont les caractéristiques d'un ETC ?
Emilie a deux enfants  de 9 et 6 ans. Quand ils sont arrivés à Shanghai, ils avaient 5 et 2 ans, et vivent cette expatriation de manière totalement différente : "Ma fille, l'aînée, reste très française et très attachée à la France ; en revanche, pour mon fils, quand je rencontre des Chinois ils me disent qu'en fermant les yeux ils peuvent le prendre pour un Chinois tellement il parle bien ! Il a pour son âge une très bonne capacité d'adaptation et a aussi déjà acquis une forme d'indépendance".

Rien d'étonnant à ce constat que l'on retrouve souvent, selon Cécile Mazourine,  dans le caractère d'un ETC. En général, il est très autonome et souvent mature pour son âge. Il a une une bonne conscience du monde qui l'entoure , et il pioche ce qui lui convient dans les différentes cultures. Il a donc des compétences interculturelles (sens de l'observation, adaptabilité, curiosité), linguistiques (il peut parler plusieurs langues), ainsi que des aptitudes de communication certaines (il aime rencontrer des gens nouveaux, a un grand nombre de relations sociales, préfère les discussions et les relations profondes). Un ETC est souvent assez extraverti, et il peut donc être perçu comme arrogant (de par sa vie privilégiée de voyageur permanent, les différentes langues  qu'il connait...) et certains traits de son caractère s'avèrent parfois moins faciles à gérer en grandissant...

 

Courbe du changement de Kübler-Ross (Photo CRC)

Quels sont les impacts sur l'ETC ?
Annie est arrivée au Brésil, tout bébé : "J'ai longtemps cru que j'étais brésilienne, je parlais d'ailleurs mieux le brésilien que le français. Là-bas on m'appelait Annie, mon prénom de naissance est Anne-Véronique, mais depuis c'est ce prénom que j'ai voulu garder. À 14 ans, quand j'ai dû quitter le Brésil pour aller en France, ça a été un vrai choc. Je n'avais pas d'amis, pas d'habitudes... J'avais un accent terrible, je ne savais même pas vouvoyer !  Ça a été tellement dur !... Je n'ai eu qu'une idée : repartir. C'est ma vie d'aujourd'hui et celle de ma famille, grâce à mon travail nous enchainons les expatriations. J'aime profondément les différentes cultures et ce qui fait leur unicité. Dans chaque pays où je travaille je suis Annie l'Espagnole, Annie la Portugaise et maintenant Annie la Chinoise !".  

Car c'est certain, l'ETC devenu adulte garde cette grande capacité d'adaptabilité. Cependant, comme il a connu une grande mobilité, il a de ce fait aussi vécu des ruptures dans sa vie. Ayant subi le choix de ces changements, cela peut avoir des conséquences sur son caractère.  On remarque chez l'ETC une adolescence souvent retardée. Il est plus émotif et a parfois du vague à l'âme. En grandissant, l'ETC peut souffrir d'un manque de racines, ce qui se traduira par de l'instabilité, de la difficulté à faire des choix. Il faut donc s'efforcer à lui laisser le temps de "processer" et de faire le deuil d'un départ (cf. photo courbe de Kübler-Ross**). D'où l'importance de bien accompagner son enfant dans sa vie de jeune expatrié !

 Comment aider l'ETC à bien vivre les changements ?
L'ETC doit se sentir en sécurité pour se développer de manière équilibrée. On comprend alors que les parents et la fratrie sont les personnes les plus importantes car elles sont "fixes". La relation du couple est primordiale et la relation parent-enfant doit être de qualité avec de la présence, de l'écoute, de la protection... Il faut avoir un état d'esprit positif pour pouvoir le communiquer à ses enfants et savoir gérer la transition entre deux pays ; l'arrivée dans le nouveau pays en sera facilitée. Enfin, pour maintenir un équilibre pendant la durée de l'expatriation, on garde un lien fort avec le pays d'origine (type maison de famille) où les enfants peuvent retrouver une certaine stabilité.

Cette conférence de Cécile Mazourine nous aura permis de prendre conscience que L'Enfant de Troisième Culture a donc sa propre manière de penser, de réagir et de grandir. Lorsque l'on vit une vie d'expatrié, il y a presque toujours un jour ou l'autre un retour au pays d'origine. Ce retour devra être préparé pour l'ETC de la même façon qu'une autre expatriation : il faut garder en tête que notre enfant n'aura pas le même sens de l'identité nationale que nous, ses parents... Et, d'ailleurs qu'en est-il pour nous adultes ? Mélanie appréhende presque plus pour elle le retour que pour ses enfants, "Je me sentirai différente". Alors, Cécile Mazourine, à quand une conférence pour aborder le sujet des Adultes de la Troisième Culture ?

* Cécile Mazourine est spécialisée en coaching du Changement et Interculturel chez ELST Associés  Management Consultants.

** "Third Culture Kids", de David Pollock et Ruth E.Van Reken, Nicholas Brealey Publishing, 2010 

Cécile Ribault Caillol (www.lepetitjournal.com/shanghai) Vendredi 7 Mars 2014

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 6 mars 2014, mis à jour le 6 mars 2014
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