Voyage à travers les mille visages d’une cité mythique devenue l’emblème du futur chinois Entre traditions millénaires et innovations de pointe, Hangzhou incarne mieux que toute autre ville la capacité de la Chine à transformer son héritage culturel en moteur de modernité. De capitale impériale des Song à laboratoire numérique national, Le Petit Journal retrace pour vous l’histoire de la ville mythique.


Hangzhou, berceau de l’histoire impériale
Capitale du Zhejiang, Hangzhou, ou la ville proche du lac, se situe à moins de deux heures de Shanghai, mais c’est bien l’histoire qui la distingue. Cité millénaire, elle surgit pour la première fois dans les chroniques de la dynastie Sui au VIᵉ siècle, avant de devenir un nœud économique majeur grâce à l’achèvement du Grand Canal reliant Pékin à son port commerçant. Cet ouvrage monumental fit de Hangzhou l’un des plus grands centres d’échanges du Sud de la Chine, attirant richesses, cultures et savoirs. Pourtant, les racines de sa vocation internationale remontent bien plus loin. Située sur la mer de Chine orientale, Hangzhou était déjà, durant la période des Trois Royaumes (220‑280 apr. J.-C.), l’un des principaux ports du pays. Grâce à la route de la Soie maritime, la ville s’imposa comme un carrefour d’échanges économiques et culturels. Des marchands venus de Perse, d’Égypte et d’autres contrées y commerçaient bijoux et soieries dans la célèbre “Allée des Bijoux”.

Ces échanges favorisèrent une profonde ouverture spirituelle et artistique. En 328, le moine indien Huili y fonda le temple Lingyin, haut lieu du bouddhisme chinois, bientôt suivi du temple Fajing. Sous les Tang et les Song, la ville vit naître la Grande Mosquée du Phénix, l’une des quatre plus anciennes du pays. Sous la dynastie des Song du Sud (1127–1279), Hangzhou, rebaptisée Lin’an, devint la capitale de l’empire et connut une prospérité phénoménale. Le commerce extérieur atteignit alors son apogée : la ville exportait soie, thé et porcelaine vers toute l’Asie et au‑delà. Les fours à céladons du nord du Zhejiang, notamment ceux du célèbre four Yue, produisaient des pièces d’une qualité inégalée. Des fouilles ont révélé des céramiques de Hangzhou jusque sur les côtes d’Oman et au cœur de l’Irak actuel, preuve d’un échange à vaste échelle.
Lorsque Marco Polo visita la ville sous la dynastie Yuan, il la décrivit comme « la plus noble et la plus belle du monde », émerveillé par la richesse de ses marchands et l’intensité de son commerce. Traversée par le plus grand canal artificiel du monde, Hangzhou était alors la porte vivante de la Chine sur le monde.
La cité de la soie, du thé et des arts
Si son passé impérial a forgé sa gloire, c’est surtout son art de vivre et son savoir‑faire qui ont assuré sa renommée. Véritable capitale de la soie, Hangzhou domina pendant des siècles la production textile chinoise. Ses étoffes, brocarts et satins aux reflets précieux étaient exportés à travers la route de la Soie maritime. Le Musée national de la soie, premier du genre en Chine, perpétue aujourd’hui cet héritage.
Le thé Longjing, « Puits du Dragon », cultivé sur les rives du lac de l’Ouest, est un autre symbole local. Loué depuis l’empereur Qianlong pour son arôme délicat, il est devenu l’emblème d’une philosophie de vie fondée sur la sérénité et la contemplation. La calligraphie, la sculpture sur porcelaine et la gravure de sceaux complètent ce tableau d’une cité où chaque geste artisanal devient un art.

Mais Hangzhou n’est pas restée figée dans ses traditions. La ville a su faire de la culture un moteur économique contemporain : reconnue en 2014 comme Centre national des industries culturelles et créatives, elle montre qu’innovation et mémoire peuvent coexister. Près de 18 % de son PIB proviennent aujourd’hui des secteurs créatifs, preuve que l’héritage peut devenir capital d’avenir.
Nouveau pôle technologique de la Chine
Au XXIᵉ siècle, Hangzhou s’est imposée comme l’un des pôles technologiques majeurs du pays. Si l’essor d’Alibaba, fondée par Jack Ma, a placé la ville sur la carte mondiale du numérique, une nouvelle génération d’entreprises, surnommée les “Six Petits Dragons”, façonne désormais son avenir : DeepSeek (intelligence artificielle), Unitree (robotique), BrainCo (interfaces cerveau‑machine), Game Science (jeux vidéo), Qunhe (design 3D) et Manycore (mondes virtuels).

Ce dynamisme s’inscrit dans la stratégie “Digital Zhejiang”, conçue pour numériser l’administration, l’industrie et les services publics. Résultat : Hangzhou est devenue un laboratoire vivant de la société numérique. Ses infrastructures interconnectées, soutenues par Alibaba Cloud, permettent d’expérimenter des technologies d’avant‑garde, de la blockchain immobilière à la gestion urbaine par intelligence artificielle.

Les zones high‑tech, comme le Binjiang Smart Valley, accueillent des start‑ups du monde entier dans un environnement favorable à la recherche et à la création. Forte de son héritage millénaire et de son esprit pionnier, Hangzhou est aujourd’hui perçue comme le modèle le plus abouti de “smart city” chinoise. Les différentes entreprises sont dédiées à faire de Hangzhou une ville ultra connectée, comme “Sensetime”, utilisant Hangzhou comme véritable terrain de jeu de ses innovations, notamment pour sécuriser la ville. Une visite dans les locaux de Sensetime ont permis au Petit Journal d’observer les nouvelles technologies sur lesquelles l’entreprise travaille : capteur pour détecter les feux plus rapidement et système d’alerte plus performants. Une autre innovation pour moderniser la ville est de coordonner les feux pour que les ambulances puissent se déplacer plus rapidement.
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