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FRENCH TOUCH - D’où viennent nos superstitions ? #1

Origine des superstitionsOrigine des superstitions
La Cène, Léonard de Vinci
Écrit par Guillaume Rué de Bernadac
Publié le 11 février 2018, mis à jour le 13 février 2018

A l’heure de la mondialisation et de la digitalisation de notre quotidien qui se veut rationnel, certaines superstitions irrationnelles perdurent. Dans un premier temps, Guillaume Rué de Bernadac propose de comprendre d’où viennent celles à table, legs de traditions oubliées. 

Les superstitions à table, nous les connaissons tous mais leurs origines restent pourtant bien méconnues…

 

Il ne faut pas être 13 à table !

Une des superstitions les plus répandues, et dont l’origine est généralement connue : Jésus prit son dernier repas avec ses 12 apôtres, 13 convives au total, avant que Judas ne le trahisse. 13 convives à table signaleraient depuis la mort prochaine du plus jeune des convives ou bien à sa 33ème année. 

On pourrait s’en tenir là. Mais comme on l’a vu dans nos articles précédents, bien des traditions chrétiennes sont souvent des adaptations de traditions païennes préexistantes, ce qui permit à l’Eglise de Rome de conquérir plus aisément de nouvelles ouailles. "13 à table" n’y déroge pas.

D’où ça vient ?

La tragédie qui suit la Cène est étrangement similaire à une histoire de la mythologie nordique : dans le Valhalla, lieu de repos des guerriers tombés au combat, un banquet fut organisé parmi 12 divinités. Soudain Loki, dieu de la guerre et du mal, se joignit à eux sans y avoir été convié : les voici 13 à table ! Ce 13ème va ici aussi être source de malheur : après querelles avec Loki, Baldr, dieu de la lumière, la beauté, la jeunesse et l’amour, est blessé ! Et voilà qu’être 13 à table annonce encore un malheur pour la jeunesse. 

Mais ce n’est pas tout : il en allait de même chez les Grecs. Dans l’Antiquité, Macrobe mentionne que 13 était un nombre « duquel il n’y avait rien de bon à dire », et était de sinistre augure pour un repas. Il semble donc que dans tous les coins de l’Europe ce fut longtemps la même appréhension ! Si c’est aussi votre cas, en voilà peut-être la raison.

 

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Baldr tué par Loki, par Christoffer Eckersberg

 

Je suis superstitieux, comment faire ?

Donc que faire si vous êtes 13 à table ? Victor Hugo allait jusqu’à suspendre voire annuler les dîners. La sagesse populaire recommande d’ajouter alors un couvert pour passer à 14 convives. Une autre solution pour contourner la superstition est d’avoir deux tables, même juxtaposées l’une à l’autre, avec par exemple 6 et 7 convives. ! Et si vous n’êtes pas superstitieux ? Je vous conseille tout de même de trouver une solution, car vous n’êtes jamais à l’abri d’une mauvaise remarque de vos invités qui seraient superstitieux, eux. Evitez d’être 13 à table, ça porte malheur. Les esprits forts ne devront jamais manquer de plaisanter : « Qu’est-ce que ça fait ? Je mangerai pour deux. » (Flaubert, Dictionnaire des idées reçues). Ou bien, s’il y a des dames, demander si l’une d’elles n’est pas enceinte...

 

Il ne faut pas retourner le pain !

Un de vos invités repose malencontreusement un pain à l’envers sur la table et votre voisin tord une grimace. On en sourit aujourd’hui, on en tremblait à raison autrefois.

D’où ça vient ?

Jusqu’en 1775 le bourreau jouissait d’un "droit de havage" : ses exécutions s’effectuant souvent à midi, il pouvait le matin se servir chez les commerçants de ce qu’il pouvait prendre à une main. Les boulangers mettaient donc de côté un pain retourné, un "pain du bourreau" qui ne portait pas bonheur, on s’en doute.
Cette coutume populaire atteint la haute société à la Révolution. Durant la Terreur, dans les geôles de la Convention croupissaient les condamnés à mort qui n’étaient pas informés du jour de leur exécution. La veille, ils en étaient simplement notifiés par l’apport de leur pain retourné : ils n’avaient alors que la nuit pour mettre leur âme en règle. En 1794 Joséphine de Beauharnais passe 3 mois emprisonnées au plus fort de la Terreur, voyant les cellules autour d’elles se vider et tremblant de voir ce fatidique pain arriver retourné. Il n’en sera finalement rien, et devenue Impératrice des Français par son mariage avec Napoléon 1er elle mettra un point d’honneur à ce que jamais une seule miche ne soit posée retournée sous ses yeux.

 

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Impératrice Joséphine de Beauharnais

Je suis superstitieux, comment faire ?

Servez votre pain en tranches !

 

Il ne faut pas se passer le sel !

Mais pourquoi diable ne pourrait-on pas se passer le sel entre personnes civilisées ? Tout simplement car pendant longtemps cela risquait de vous coûter cher !

D’où ça vient ?

Oui, le sel a longtemps été une denrée onéreuse, étant un des seuls moyens de conserver les denrées périssables. Sous l’Empire Romain les employés et soldats étaient parfois payés en ration de sel, le salarium, qui a donné le mot salaire. Pour n’en perdre un grain on le mettait dans une salière.

Imaginez donc à table : vous passez la salière à votre voisin et soudainement la voici éclatée par terre ! Un demi-mois de salaire de perdu ! A qui la faute ? Vous qui passez la salière ou l’autre qui la réceptionne mal ? On imagine les querelles… 

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Das Gastmahl , Anton von Werner

Je suis superstitieux, comment faire ?

Une sage coutume s’installe donc : le sel se passe en posant la salière près d’un convive, à sa charge de s’en saisir. 

Finalement, que vous soyez superstitieux ou non, il n’y a pas grand mal tant qu’on passe un bon moment ensemble. Il n’y a d’ailleurs aucune honte à confesser une superstition, mais il est du devoir des convives de respecter le superstitieux. Tout en ayant cet adage en tête :
"Si vous renversez la salière,
Parfois un malheur surviendra ;
Mais d’autres fois il adviendra
Précisément tout le contraire ;
Enfin il est des cas où rien
N’arrivera, ni mal ni bien."

 

bernardac
Publié le 11 février 2018, mis à jour le 13 février 2018

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