Édition internationale

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION CHINOISE - Comment gérer les soins aux seniors ?

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 31 août 2016

De Gaëlle Déchelette

Selon la tradition confucéenne, les personnes âgées doivent être honorées et prises en charge. Mais alors que la génération du baby-boom (??? y?ng'ér cháo) est sur le point d'atteindre l'âge de la retraite, des questions d'ordre logistique apparaissent, à un niveau jusque-là jamais vu en Chine. De 100 millions en 2005, les plus de 65 ans sont 222 millions aujourd'hui, et passeraient à 329 millions en 2050, soit plus de 40% de la population chinoise.

Tradition face à réalité économique et démographique

La tradition chinoise est de prendre soin soi-même de ses parents âgés. Selon la culture chinoise, ????, sì shì tóng táng « quatre générations vivent sous le même toit ». En 2013 cependant, seulement 38% des personnes âgées de soixante ans et plus vivent avec leurs enfants adultes. En effet, avec la politique de l'enfant unique, désormais lorsqu'il atteint l'âge adulte, un jeune subit la pression du 4-2-1 : il ou elle doit prendre soin de ses deux parents et de ses quatre grands-parents à la retraite.

De plus, l'augmentation du nombre de seniors pose de nombreux problèmes au niveau de la santé publique : on enregistre une explosion des cas de diabète, d'hypertension, de maladies du c?ur et d'arthrite. Avec cela, une santé mentale qui se détériore dans un pays où les soins adaptés sont peu développés. Enfin, on estime à 4.4 millions le nombre de seniors souffrant de handicap.

Pour couronner le tout, cette inversion de la courbe démographique, où les seniors deviennent plus nombreux que les actifs, risque de causer un ralentissement de la croissance, avec une population en âge de travailler diminuée, et des coûts sociaux de plus en plus importants. Voilà pourquoi il est encore impensable d'étendre à tout le pays le système de retraite créé dans les grandes villes. Cela serait très onéreux car la plupart des bénéficiaires n'ont rien versé au système. Donner accès aux soins de santé aux plus démunis reviendrait également très cher.

C'est ainsi que la Chine a commencé par supprimer 300.000 emplois dans l'armée : le gouvernement libère par ce biais des forces vives pour travailler dans les entreprises privées, et allège ses charges. Actuellement, les retraites payées aux soldats sont déjà le 2ème facteur de l'augmentation des dépenses de l'armée.

Des opportunités pour les entreprises des soins aux seniors ?

De nos jours, le placement en maison de retraite est envisagé lorsque des soins constants sont requis, et dans ce cas, la qualité des services est bien sûr le point le plus important. Mais la plupart des Chinois ignorent totalement les options existantes en termes de soins gériatriques, comme les thérapies physiques après une attaque. De plus, la Chine manque d'un cadre réglementaire concernant les standards de qualité. Et vu le chantier colossal que cela représenterait, le gouvernement préfère rembourser les soins à domicile, au lieu de soins dispensés en maison de retraite. Les maisons de retraites publiques ont parfois mauvaise réputation à cause de cas de maltraitance ou de mauvaises conditions de vie qui alimentent souvent la section faits divers.

Les personnes qui dispensent des soins à domicile sont souvent des femmes des régions rurales entre 40 et 60 ans, trop âgées pour vouloir travailler en usine, mais trop jeunes pour prendre leur retraite. Problème majeur : la gériatrie est peu développée en tant que spécialité et peu ou pas de formations sont disponibles. L'encadrement est débordé face à la demande grandissante, pouvant créer des situations dramatiques. Ainsi, une femme chargée des soins d'une personne âgée de 70 ans l'avait empoisonnée pour obtenir son salaire (2500 yuans, soit 350 euros, payables même si la personne âgée décédait durant le mois) le plus vite possible. Pour sa défense, la criminelle, également inculpée du meurtre d'autres personnes âgées, évoquait un travail plus difficile que prévu et le manque de considération de la part de la famille de la victime.

Face à ce problème, le ministère chinois des affaires civiles et le ministère du commerce ont annoncé en mai 2015 l'ouverture de l'industrie des soins aux seniors aux investissements étrangers, espérant que la Chine des seniors, potentiellement le marché le plus lucratif au monde, intéresse les entreprises privées.

Quid des plus pauvres ?

Pour les plus pauvres, les fonds gouvernementaux ne couvrent que 1,6% des seniors ayant besoin de soins, alors que la Banque Mondiale préconise 8%. Pour atteindre ce chiffre, la Chine devrait créer 8.4 millions de lits dans les hôpitaux et maisons de soin en plus de ceux qui existent actuellement. Et cela pour les 5 années à venir seulement.  

Pourtant les maisons de retraite publiques, offrant soins médicaux de base et services communautaires? continuent d'ouvrir un peu partout. Même pour les plus aisés, des maisons de retraite semi-publiques proposent des lits à partir de 3 800 yuans (équivalent de 550 euros) par mois. Les centres sont rapidement pris d'assaut dans les villes.

Dans les campagnes, la situation est parfois critique. En 2013, la moitié seulement des plus de soixante ans reçoivent un support financier de la part de leur progéniture. Laissés seuls à la campagne, avec des enfants partis travailler en ville pour gagner de l'argent, 65% des personnes âgées dans les régions rurales vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 11% dans les villes.

Voilà pourquoi, un temple bouddhiste du Fujian a été reconverti en "orphelinat pour personnes âgées". Ils sont trop pauvres pour aller ailleurs, et n'ont pas de famille pour s'occuper d'eux, ayant parfois été abandonnés par leurs enfants. Comme ils ne sont plus capables de travailler et malgré la tradition confucéenne, ils représentent un fardeau. Dans le temple, ils sont logés, nourris et blanchis sommairement, et n'ont pour seule obligation que de se conformer aux règles de vie plutôt ascétiques des moines bouddhistes.

Pour le gouvernement, impossible de ne pas se soucier de ce problème car il présente un risque d'instabilité sociale. Encore un challenge hors norme auquel la deuxième économie du monde devra s'atteler, pour un développement économique continu mais également pour l'harmonie sociale.

Crédit photos GD.

Plus d'infoshttp://www.bbc.com/news/world-asia-19630110

Gaëlle Déchelette lepetitjournal.com/shanghai Mercredi 31 août 2016

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 30 août 2016, mis à jour le 31 août 2016
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