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Politique Zéro Covid : "Quand la Chine s’éveillera…"

covid en chine militaire avec masquecovid en chine militaire avec masque
Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 7 juillet 2022, mis à jour le 8 juillet 2022

L’un des premiers ouvrages en français sur la Chine post révolution culturelle, publié en 1973, petite phrase attribuée à Napoléon Bonaparte et reprise par Alain Peyrefitte. La Chine reste en stratégie zéro Covid mais rentre dans une ère de pragmatisme et de vivre avec la zéro Covid sur le très long terme… Le point sur les assouplissements annoncés, et les faits qui l’expliquent par l’équipe bénévole de Solidarité Covid – Français de Chine.

 

quand la chine s'eveillera

 

Un parfum de changement d’ère souffle sur la stratégie zéro covid, conséquence directe des méga clusters. Côté foyer locaux, on est de retour à un volume de nouveaux cas et de foyers soutenu mais habituel. Depuis le début la phase résiduelle du foyer de Shanghai à partir du 27 mai à moins de 150 cas par jour, 5 foyers de plus de 100 cas ont éclos : 2 foyers frontaliers près de la Mongolie et Corée du Nord qui s’ajoutent à ceux des frontières birmane et Vietnamienne qui continuent à livrer des cas locaux par intermittence, un foyer autour d’un chantier de construction dans le Xian de Si, préfecture de Suzhou dans l’Anhui qui touche quelques grandes villes du Jiangsu et constitue le foyer le plus diffus en nombre de villes touchées depuis la fin avril, avec son lot de returnees et de sous-foyers. Dans les villes de Tier I, ça n’en finit pas avec des micro-foyers et rebonds à Shanghai, Pékin, Shenzhen, Tianjin et Xi’an. A Shenzhen, quelques cas liés à la reprise épidémique de l’ancienne colonie britannique qui a déferlé sur l’ancienne colonie portugaise avec un traitement de « semi vivre avec ». A Xi’an, le premier foyer BA.5 de la Chine qui déclenche un « soft lockdown » d’une semaine décrété à 33 cas autour d’un employé d’un musée très fréquenté et donc assez des cas diffus dans la ville.

analyse covid carole

 

Néanmoins, les conséquences du confinement prolongé de Shanghai sont lourdes et sont à l’origine d’un recadrage dans la politique de prévention en adoptant une posture plus pragmatique, et également déduite de l’observation des multiples chaînes de transmission qu’ont livré les méga clusters.

Quand la Chine s’éveillera… le CDC tremblera

Dans toute décision des autorités sanitaires, il y a un calcul bénéfice socio- économique / risque, autant pour les mesures à l’intérieur du pays que pour les arrivées internationales. Tant que les foyers étaient très localisés, « rares » et de taille contrôlable en quelques jours ou semaines, on ne prenait aucun risque avec les mises en quarantaine parfois arbitraires qui restaient très localisées.

Pour les rebonds observés à Pékin (sous-foyer du bar de Sanlitun : 399 cas dont 21 tracés, étalés sur 17 jours) et actuellement à Shanghai (87 cas en 4 jours au 6 juillet dont 4 non tracés), les restrictions restent localisées, mais on ne lésine pas sur le dépistage et les mises en quarantaine réduites à 7 jours.

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L’allègement le plus impactant pour la population générale, c’est la fin de la maudite étoile sur le travel code qui avait un très lourd impact sur les déplacements inter provinces. Flanqué d’une étoile, parfois pour un cas très loin de nos lieux de vie, le résident d’une ville était persona non grata dans de nombreuses villes / provinces, même avec un test de 48h, au risque de se faire mettre en quarantaine immédiatement, ce qui conduisait à des situations ubuesques et très variables selon les provinces. Une situation paralysante et dont on ne voyait pas le bout même en queue de foyer.

On a pu constater avec le foyer de Shanghai :  129 villes dans 29 provinces ont rapporté 11 422 cas liés à des déplacements humains depuis les méga clusters, tous arrivés avec des tests négatifs de 48h. On a eu des vrais sous-foyers nécessitant la mise en place de restrictions sur toute la population de ces villes ou districts (notamment dans le Shandong, Hebei), mais tous ces cas ont été finalement reliés à des lieux à Shanghai ayant livré des cas dans les jours suivants.

La contrepartie de la suppression de l’étoile, c’est 2 garde fous essentiels :

  1. une harmonisation et extension de la définition des medium / High risk, car seules les personnes en provenance de ces secteurs seront soumis à des restrictions fortes, uniquement des tests pour les autres.  
  2. le maintien des tests de dépistage reliés au code santé pout l’accès aux lieux publics.

 

Par ici la vaccination

Autre changement de cap : des insitiatives ( annoncé comme une obligation puis marche arriere le lendemain) le retour de la vaccination obligatoire pour l’entrée dans les lieux publics. Il y avait eu des velléités de plusieurs villes en été 2021, le Gouvernement central avait suspendu cette obligation, et là c’est la ville de Pékin qui revient à la charge, avec une nouvelle fonctionnalité de l’appli Health Kit, les vaccins faits à l’étranger y seront acceptés mais c’est la bronca sur Weibo quand même, car c’est un revirement de taille imposé par le bilan des décès à Shanghai (94% de non vaccinés, moyenne d’âge 81.1 années). Pékin est la province la mieux vaccinée cela dit, 97.7% des adultes à fin Septembre, 80.6% des 60 ans + au 18 avril, plus qu’à Shanghai, 2 villes qui connaissent un considérable vieillissement démographique à la lumière du recensement 2020 dont on a finalement obtenu des résultats intermédiaires.

covid chine

On a résolu en partie le mystère des chiffres de la vaccination des seniors, liée à une mise à disposition très tardive des données intermédiaires du recensement 2020 qui font état d’une explosion de la population des seniors. Il en reste que les taux de vaccination des seniors annoncés restent incohérents par rapport aux taux de vaccination total population et total Chine, vu la taille de la population senior qui a fortement augmenté en 10 ans.

 

Quand la Chine s’éveillera… le monde reviendra (-t-il ?)

Avant Omicron, la Chine était l’Eldorado Covid-free alors que le monde enchaînait des vagues encore douloureuses au fil de l’ajustement du schéma vaccinal. Avec le confinement de Shanghai couplé à la faible létalité / forte contagiosité des variants Omicron sur les populations bien vaccinées dans le monde, cette image s’est fortement écornée avec de lourdes conséquences économiques. Une fois remise de la pression des gros foyers touchant Shanghai et Pékin, le traçage digital expert a permis de confirmer la courte durée d’incubation du variant Omicron (aucun cas livré au-delà de 14 jours avec l’exposition), ce qui permet d’envisager un raccourcissement des quarantaines, et Il devenait urgent de rendre moins périlleux un retour en Chine pour le monde des affaires, les étudiants, les Chinois appelés à travailler à l’étranger.

Une petite révolution s’est mise en marche avec une batterie d’assouplissements allant des tests, les visas, mais surtout les vols et la quarantaine à l’arrivée.

 

covid chine

 

Ne pas rétro-pédaler

Ce sont des assouplissements, mais certainement pas un abandon de la stratégie zéro Covid, et donc sujet à revirement si le bilan en cas locaux devenait intolérable pour l’économie et la société chinoise excédée par les confinements à répétition. On peut d’ores et déjà anticiper que les voyageurs pour lesquels la ville d’arrivée n’est pas la destination finale ne seront plus autorisés à prendre le train ou l’avion avant les 10 jours, pour éviter les mises en quarantaine de vols / wagons de train entiers comme on a pu l’observer une semaine juste après la mise en application de la mesure le 29 juin. En effet, le temps d’incubation est plus faible, mais il y a toujours la possibilité d’être contaminé dans l’hôtel de quarantaine à J3-4 et de tester négatif encore à J7.

Du côté des candidats au voyage, essayons d’estimer ces assouplissements sur le volume de vols futurs. Du côté du risque de contamination locale, quel est le risque encouru avec la proportion observée depuis quelques mois de cas à plus de 7 ou 10 jours de l’arrivée ?

 

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2 mesures de relaxation sont évaluées dans cette analyse exclusive : la réduction de délai de comptabilisation des cas issus des vols internationaux pour déclencher le circuit breaker abaissé de 7 jours à 5 jours après l’arrivée et la réduction de la quarantaine de 3 semaines à 7+3.

 

Effet circuit breaker de 7 à 5 jours : on peut gagner 10%

 9% des cas importés sont dépistés entre 5 et 7 jours depuis Avril 2022 sur la Chine (ou plutôt sur le total des cas dans les provinces où l’on peut dater les arrivées des cas), et donc une projection à 96 cas importés par avion hors Grande Chine qui ne donneraient plus lieu à suspension. On a enregistré sur le 2ème trimestre 2022 316 vols suspendus pour 952 cas livrés sur ces vols, car tous les vols n’arrivent pas au seuil des 5 cas, surtout à Shanghai qui pendant toute cette période ne recevait plus que des compagnies étrangères avec réduction de capacité à 40%. Une centaine de cas « épargnés » cela ferait une réduction de 10% du nombre de suspensions. La mesure est entrée en vigueur le 13 juin et c’est encore trop tôt pour voir un effet sur les suspensions.

 

Effet réduction des quarantaines : risque de foyer locaux augmenté de 10%

On a célébré comme il se doit la réduction des quarantaines à l’arrivée couplée à une hausse (annoncée mais pas encore très flagrante) du nombre de vols, mais on voit déjà se profiler le revers de la médaille : augmentation des cas importés (+53% par avion sur 30 jours), augmentation des nombre de micro foyers dans les personnels exposés aux arrivées internationales (10 micro foyers / 41 cas depuis le 22 mai), augmentation du nombre de vols suspendus (186 vols suspendus sur les 36 derniers jours vs 192 sur 61 jours d’avril mai), soit tout cela ne va pas inquiéter plus que d’habitude les candidats au voyage.

Par contre, une semaine après la mise en application du 7+3, on a déjà des cas « locaux » liés à des cas importés dépistés en quarantaine à domicile : 8 cas à Tianjin (de retour des USA pour un deuil, il a reçu des visites de condoléances pendant le +3, et a contaminé pendant le vol Shanghai Pékin un autre voyageur sorti à J14 qui est allé fêter sa libération en famille sur la Grande Muraille (12 cas).

 

Ça va décoller dans tous les sens du terme

 

Enfin du côté des vols, on nous a promis plus de vols, ça commence à venir au compte-gouttes ; s’il y a plus de vols, il y aura plus de cas importés (d’autant plus que les variants continuent à défiler dans le monde), plus de suspensions et c’est donc le taux de suspension qu’il faut surveiller, et nous sommes en mesure de les estimer grâce à la saisie hebdomadaire des suspensions CAAC, mensuelle des plannings de vols en plus de la saisie quotidienne des provenances des cas importés.

 

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Au total ce sont 8% des vols qui sont suspendus depuis décembre, mais les variations sont très importantes, car cela va de 0% pour la Nouvelle Zélande (4 vols hebdomadaires), 3% pour le Japon (19 vols hebdomadaires), à 25% pour les USA, quasi le double pour les vols de France qui arrive en 2nde position en nombre de vols suspendus, alors que le nombre de cas importés de France est loin derrière les scores d’autres pays qui livrent proportionnellement moins de cas de voyageurs en transit. Les vols en provenance des îles de Grande Chine ne sont pas soumis au circuit breaker donc exclus dans les comptes du total des cas / suspensions.

 

Depuis 2020 les vols de France sont les plus mal lotis : 6 vols seulement, beaucoup de transit de travailleurs Chinois en provenance d’Afrique et des vagues qui se succèdent dans le pays, résultat un vol sur 2 est suspendu contre 34. Depuis Omicron, la DGAC a mis la pédale douce sur les représailles, car les vols des compagnies aériennes chinoises ont fait l’objet de 2 fois plus de suspensions que les vols Air France (à nombre de vols égal, 3 chacun par semaine), aussi parce que le vol Air France de Shanghai était réduit en capacité de 40% d’avril à juin. On nous promet 10 vols hebdomadaires au planning hors charters de la CCIFC, il faut s’attendre donc à un nombre accru de suspensions y compris sur le vol Air France de Shanghai repassé à 60% de capacité et en pleine 7ème vague en Europe.

 

covid chine

 

Les semaines prochaines seront riches d’enseignements sur la résistance de la stratégie zéro Covid sur ces mesures, et nous anticipons dans l’équipe bénévole Solidarité Covid – Français de Chine qu’on ne va pas manquer de travail…

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Carole Gabay est en expatriation familiale à Shanghai depuis 2013. Diplômée de l’ESSEC, avec une longue carrière dans les études de marché et data management, elle se retrouve impliquée dès le début de l’épidémie en Chine dans le tracking des données Covid avec le projet de l’équipe bénévole Solidarité Covid – Français de Chine.

Articles, pages interactives CovidFlow, post quotidiens archivés sur www.solidaritecovid.com

Ou en rejoignant l’un des groupes wechat : contact UFE Shanghai, Doozyben

Soutenez l’équipe bénévole qui travaille de très longues heures pour maintenir les bases de données et l’analyse https://yoopay.cn/cf/10215

 

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 7 juillet 2022, mis à jour le 8 juillet 2022

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