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Le parcours du combattant pour sortir des frontières chinoises

des voyageurs dans un aéroport des voyageurs dans un aéroport
Crédit AARP
Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 25 mai 2021, mis à jour le 26 mai 2021

La protection de la Chine contre la pandémie passe par des mesures de plus en plus pesantes pour les communautés expatriées. Les priorités de la Chine sont le travail, le zéro faille, plutôt que le regroupement des familles et la patrie. Explication par les faits et les chiffres de Solidarité Covid – Français de Chine.

Il a fallu deux mois pour obtenir des éclaircissements sur les conditions de déplacements internationaux des étrangers de Chine après l’annonce du deal vaccin chinois contre visa sans PU letter (Proof of Urgency). Deux mois pour en venir à la conclusion que les familles avec enfants ne pourront pas voyager hors de Chine... Une grosse déception pour certaines familles séparées depuis plus d’un an de leurs proches maintenant vaccinés. Une logique mathématique implacable se profile derrière ces décisions.

Plus de 10.000 cas importés ont été absorbés en Chine depuis mars 2020, c’est un chiffre élevé qui aurait pu causer des millions de cas locaux s’ils n’avaient pas été interceptés dès leur arrivée. Zéro décès de cas importé (en général jeunes et à 64% asymptomatiques selon les critères chinois) et un maximum de 1% de cas sévères, tous soignés avec un cocktail de médecine traditionnelle chinoise et occidentale. C’est peu pour un pays de 1.3 milliard d’habitants avec une diaspora de 50 millions d’individus par rapport à Singapour et Hong Kong qui affichent respectivement 4.559 et 2.040 cas importés.

 

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Retrouvez cette analyse exclusive sur les cas importés quotidiennement dans le Point Grande Chine de Solidarité Covid – Français de Chine.

 

Cette stratégie de protection repose sur trois piliers qui n’ont pas de rigueur équivalente ailleurs et qui ont pour unique but de limiter le nombre de cas importés. Chaque cas importé comporte un risque de transmission locale donc il faut limiter ce nombre.

  1. La réduction du nombre de vols : Alors que la pandémie assomme le trafic aérien mondial dès mars 2020, La Chine est le seul pays au monde à avoir réduit les vols bien en deçà de la demande avec une réduction de 95% des vols internationaux, imposant à ses propres compagnies aériennes et les autres un gouffre financier.

  2. le "circuit breaker", i.e. les règles de suspension de vol à partir de cinq cas sur un même vol dans les 10 jours suivant l’arrivée. D’abord fixée à une semaine, les compagnies peuvent maintenant choisir entre suspension de deux semaines ou réduction de la capacité à 40% pendant quatre semaines, choix fait récemment par Air France après quatre semaines de suspension.

  3. les conditions de quarantaine, de mise en cas contact qui sont extrêmement strictes et révèlent les disparités de perception et d’organisation d’une province à l’autre.

 

Le corollaire de la réduction du nombre de vols, c’est la rareté et les prix des billets, et donc le principe de préférence nationale s’applique : réserver les rares places des vols aux Chinois qui doivent rentrer de leur mission à l’étranger et réserver les voyages aux déplacements professionnels.

On distingue trois phases dans la chronologie de la gestion post Wuhan, qui s’articulent grosso modo autour des dates clé de fermeture / ouverture des frontières pour les étrangers résidents :

 

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Le manque de personnel en cause dans le durcissement de la quarantaine 

L’objectif premier est que la structure d’accueil qui est allouée aux voyageurs internationaux puisse absorber le flot en maintenant nul le risque de transmission : une armée de cosmonautes dès la descente d’avion, tests, transport à l’hôtel de quarantaine, qui dédie soit un bâtiment, soit une aile avec accès séparé, personnel de supervision, personnel de test...

Le durcissement des conditions de quarantaine est beaucoup plus lié à des contraintes de personnel qu’à des incidents d’évasion de quarantaine ayant causé des cas locaux (ce n’est arrivé qu’une fois à Guangzhou en mars 2020). L’essor des variants est une fausse excuse pour rallonger la surveillance. C’est vrai que les cas post-quarantaine et dépistés en fin de quarantaine se sont multipliés ces derniers temps (nous les signalons dans le Point grande Chine quotidien pour les provinces qui précisent la date d’arrivée des cas), mais tous ces cas ont été contaminés le plus vraisemblablement dans la chambre d’hôtel : confiné pendant 14 jours, si un passager est contaminé, il va laisser des traces de virus partout dans la chambre, sur les surfaces, les poignées… le virus étant plus tenace du fait des variants, il pourrait échapper à la désinfection.

Si on était vraiment dans une logique du chiffre à réduire au maximum le nombre de cas, ce qui a mené souvent à séparer à l’hôpital les parents des enfants contaminés, la hantise de toutes les familles, on aurait laissé les familles se confiner à la maison avec vérification du logement, installation de caméras etc… On aurait ainsi évité plusieurs dizaines de cas, et notamment celui post-quarantaine d’un étudiant de Nouvelle Zélande à Shanghai en avril 2021, venant d’un pays covid-free et dépisté 8 jours après sa sortie, engendrant des centaines de mises à l’isolement.

 

La priorité n'est pas donnée aux familles

Mais la priorité n’est pas aux les familles, les arrivants sont principalement des salariés engagés pour travailler à l’étranger (et notamment une proportion impressionnante d’hommes travaillant en Afrique dans les investissements des Nouvelles Routes de la Soie, beaucoup transitant par la France, voir les camemberts ci-dessus), ou des étudiants, donc des voyageurs individuels qui iront de leur propre chef à l’hôtel afin de ne pas forcer leur famille à faire la quarantaine. Après quelques cas de Chinois ayant rendu visite à leur famille à l’étranger, le renouvellement des passeports pour les ressortissants chinois a été fortement limité.

Cette contrainte de personnel pèse aussi dans le bon sens pour limiter la quarantaine à 14 jours à Shanghai qui concentre 16% des cas importés en Chine continentale. Alors que plusieurs provinces qui accueillent peu de vols internationaux demandent 21 jours en hôtel (Pékin, Jiangxi), ou 14 jours hôtel + 14 jours quarantaine maison (Gansu, Hubei, Jilin), les provinces les plus actives en arrivées internationales n’ont pas les ressources pour rallonger la quarantaine à l’hôtel, et donc la 3ème semaine de "community monitoring" se fera chez soi ou à l’hôtel pour les non- résidents de Shanghai, QR code vert après 14 jours et liberté de sortir. Mais écoles et bureaux demanderont probablement de rester à la maison… ce qui ajoute encore un frein pour les enfants, en plus des quatre tests supplémentaires à effectuer (total 6 sur 21 jours) qui sont à la charge des voyageurs.

Le frein principal au voyage, c’est bien sûr le risque de contamination, et donc report du retour ou, au pire,  hôpital à l’arrivée… Les enfants ne pourront être vaccinés ni en Chine ni dans leur pays, et la vaccination, on le sait, n’élimine pas le risque d’infection, plus encore pour les vaccins à virus inactivés chinois que pour les ARN, et particulièrement sur les variants : on a environ 43% de vaccinés principalement BioNTech sur les cas du cluster variant indien de l’aéroport de Singapour que nous suivons de près car les petits clusters (94 cas au 22/5) sont riches d’enseignements.

 

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Indicateurs épidémiques dans les pays disposant de vaccins Sinopharm, mis à jour 1-2 fois par semaine avec ceux livrés de vaccin Sinovac dans le point quotidien Grande Chine.

 

On voit aussi une baisse plus lente des contaminations que celle de la réanimation et des décès sur les pays disposant de vaccins chinois que sur les pays principalement ARN. Les vaccinés Sinopharm pourront venir faire du tourisme en Europe cet été, conséquence de l’homologation vaccin d’urgence par l’OMS, c’est une bonne nouvelle, mais sans effet immédiat pour les vaccinés Sinopharm en Chine qui ne seront pas exemptés des aléas de suspension sur les vols ni de quarantaine au retour, du fait du risque d’infection même bénin et passager : on a eu 8 cas de travailleurs chinois d’Israël arrivés le 5 mai, 3 d’entre eux sont déjà sortis de l’hôpital au 22/5.

Pour toutes ces raisons d’une logique implacable, le zéro faille, c’est zéro pour les familles.

 

Un éclairage de Carole Gabay

Carole Gabay est en expatriation familiale à Shanghai depuis 2013. Diplômée de l’ESSEC, avec une longue carrière dans les études de marché et data management, elle se retrouve impliquée dès le début de l’épidémie en Chine dans le tracking des données Covid avec le projet de l’équipe bénévole Solidarité Covid – Français de Chine. Elle est aidée pour cet article par Meiping Xue – Cheminot, Carmen Castells Rusinol et Laëtitia Bernard – Granger, installée à Shenyang.

Site Internet : https://deeperin19coviddata.wordpress.com/

Les précédents articles en français (Le Petit Journal Shanghai et LinkedIn) : https://deeperin19coviddata.wordpress.com/articles-et-posts-en-francais/

 

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 25 mai 2021, mis à jour le 26 mai 2021

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