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COVID EN CHINE - Delta joue les prolongations

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Crédit Xinhua
Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 4 octobre 2021, mis à jour le 6 octobre 2021

Le foyer du Fujian est le 5ème foyer Delta de plus de 30 cas à avoir touché la Chine depuis mai, alors que le nouveau foyer de Harbin (le 4ème à toucher cette ville depuis Wuhan) se stabilise. Si les foyers sont rapidement maîtrisés et peu étendus sur le territoire, on s’inquiète de leur origine et conséquences sur les déplacements. Eclairage de l’équipe bénévole de Solidarité Covid – Français de Chine.

 

On refait le match

Un répit de courte durée entre le foyer de l’aéroport Nanjing (dernier cas le 26/8) et celui du Fujian (premier cas le 11/9), qui fut perturbé par trois micro-foyers à Shanghai entre-temps : deux cas à Songjiang issus d’un hôpital qui fait les PCR de passagers internationaux, un puis sept cas d’employés de fret de l’aéroport de Pudong. Nous n’avons pas été tranquilles depuis Juillet sur le front des foyers et donc pour prévoir événements, rassemblements et déplacements à l’intérieur de la Chine, c’est quitte ou double.

 

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En gras, les derniers foyers. A Xiamen, le dépistage généralisé s’étale sur 2 jours. Le secteur à risque élevé de Ximin Town, Tong’an district est testé tous les 2 jours, d’où les pointes tous les 2 jours.

 

Le bon point de ce foyer du Fujian, c’est qu’il n’est pas sorti de la province du Fujian en touchant quand même quatre préfectures (Putian, Xiamen, Quanzhou, Zhangzhou) et a épargné la grande ville de Fuzhou, mais évidemment des cas contacts dans les provinces limitrophes, et par précaution, 4000 personnes passées par Xiamen dans les 14 jours mises en quarantaine à Pékin. C’est un "exploit" qu’un foyer de cette taille (477 cas au total sur 21 jours) soit aussi court et n’ait pas touché d’autres provinces. Seul le foyer de Kashgar (430 cas en octobre 2020), dans la province lointaine et peu connectée du Xinjiang avait été contenu à deux préfectures au sein de la même province.

 

Baskets et étoile sur le maillot

Les raisons de cette faible diffusion sont purement conjoncturelles : les vacances scolaires sont terminées, c’est via un dépistage de rentrée scolaire que les deux premiers cas sont dépistés, leurs camarades ne testeront positifs que quelques jours après donc on est en début d’infection. Le profil des premiers contaminés est ouvrier : des employés d’usines à chaussures, spécialité de la ville de Putian qui en compte près de 4.200 usines de ce type, des employés d’usine textile dans la ville voisine de Xiamen, et beaucoup d’enfants issus d’une dizaine d’écoles de Putian.

 

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On fabrique à Putian des baskets de marque et des imitations, 1.3 milliard de chaussures y sont fabriquées annuellement pour 100 milliards de RMB annuels)

 

On reste néanmoins très concentré en termes géographiques avec seulement trois districts de Putian touchés avec le secteur à risque élevé de Xianyou / Fengting qui se trouve en dehors de la ville dans la zone industrielle. Idem à Xiamen, où les cas se concentrent sur le district de Tong’an.

 

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Les cas du foyer du Fujian se trouve en dehors des grandes villes, que ce soit à Putian, Xiamen et Quanzhou, dans un milieu ouvrier. Un contexte très différent du sous-foyer du Hunan qui avait touché des familles en vacances.

 

Le dernier point est qu’à l’éclosion du foyer, les voyages à l’intérieur de la Chine n’avaient repris que depuis une semaine pour les résidents de Shanghai, qui étaient flanqués d’un astérisque dans leur Travel code jusqu’au 4 septembre du fait des trois micro-foyers évoqués. Eh oui, amis de France, vous lisez bien, pour un cas local dans une province, c’est un secteur à risque qui condamne l’ensemble des résidents de la province à faire un PCR de 48 heures avant de se rendre dans une autre province (les tests antigéniques de 20 minutes, auto-tests moins précis que les PCR, n’existent pas en Chine), de parfois se faire refuser dans les hôtels, les enfants et professeurs des écoles incités fortement à ne pas quitter la province etc… En général, on reste dans sa province et pour les habitants de Shanghai on va chercher à explorer les endroits champêtres de la ville-province, et donc les îles de Chongming, Shengshi, Sheshan, Disneyland sont pris d’assaut pour un prendre un bol d’air.

En dehors des secteurs à risque (la plupart du temps, un bâtiment), lorsqu’il s’agit de foyers de moins de dix cas, tout reste ouvert, la fête continue mais dans les limites de sa province. Pour ces vacances de la Golden Week encore sous l’épée de Damoclès du foyer de Bayan / Harbin dans le Grand Nord, les lieux touristiques de Shanghai se sont préparés accueillir des milliers de "staycationers", nouveau vocable de la pandémie.

 

On demande l’Arbitrage vidéo !

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On a beaucoup parlé (et même harcelé) du père de famille de Putian arrivé de Singapour 37 jours avant, des fêtards des Philippines mais pas du tout des cas importés arrivés dans les mêmes villes, et probablement mêmes d'hôtels de quarantaine vu le faible volume d’arrivées internationales dans ces villes. C’est une hypothèse qui mériterait un séquençage…

 

Il y a une chose qui nous intrigue sur le Foyer de Fujian (et celui de Harbin), c’est l’incertitude autour du patient 0. En effet dans les deux cas, il y a une possibilité de contamination dans l’hôtel de la seconde quarantaine par des voyageurs dépistés le même jour et arrivés 14 plus tard dans le même hôtel. L’analyse des souches de ces cinq patients permettrait d’étayer cette thèse et ramener donc la durée de circulation silencieuse à neuf jours pour le foyer du Fujian et dix-huit jours pour Bayan / Harbin. Il a néanmoins été admis que la contamination dans le Fujian s’est faite en hôtel de quarantaine mais sans relier les cas. On peut aussi imaginer que dans les centres de quarantaine à faible volume, le processus de désinfection n’est pas forcément du dernier cri.
 Avec une version officielle à 37 jours, certaines villes très éprouvées par les foyers et confinements se sont empressées de prolonger les quarantaines. Le tout dernier cas post quarantaine à Changchun est aussi dépisté à 37 jours, il est arrivé en centre de quarantaine 14 jours après le dépistage du dernier cas importé de Jilin le 21 août. Si c’était bien là, ce serait un virus très lent d’incubation…

 

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Pas moins de 7 villes ou provinces ont réagi aux 37 jours du supposé patient 0 de Putian en rallongeant les quarantaines / restrictions jusqu’à 56 jours, un vrai coup de massue. A Shanghai, certains voyageurs ont été informés que le Health code passerait au jaune à J14 alors que depuis l’instauration du +7 jours de community Health Monitoring en mai, le code était vert à partir de J14 et les voyageurs devaient suivre les consignes de leur communauté. Pas de confirmation néanmoins, on aura le cœur net si c’est appliqué le 10 octobre.

 

On remarque que telles précautions sont décrétées uniquement par des villes avec un faible volume d’arrivées qui n’ont qu’une confiance limitée dans leurs propres centres de quarantaine. Le recours au méga-centre de quarantaine de Guangzhou qui fonctionne avec drones et robots pour la distribution des repas dans les 5.000 chambres et qui devrait être répliqué dans d’autres provinces pourra éviter certaines contaminations du personnel, mais quid de la désinfection des chambres pour les occupants suivants ? Pour l’instant, on observe que la durée d’incubation du variant Delta a légèrement augmenté passant de 4 à 4.5 jours en moyenne… ça en fait des jours supplémentaires pour 0.5 jour d’incubation…

 

De l’autre côté de la lorgnette, suite

Nous poursuivons l’entretien avec le journaliste américain de Reuters avec deux nouvelles questions alors que les annonces du CIO pour l’organisation des Jeux Olympiques de Pékin laissent sceptiques et ne semblent engager que l’aéropage de Lausanne : double vaccination ou quarantaine de 21 jours, bulle autour des sites pour les participants non soumis à la quarantaine et testés tous les jours comme à Tokyo, mais spectateurs résidents en Chine autorisés, tout cela n’est pas très logique ni cohérent avec une stratégie zéro Covid… attendons les instructions des autorités chinoises…

 

Comment concrètement la Chine a-t-elle pu contenir l'épidémie si rapidement ?

La Chine a mis en place des restrictions localisées progressives : à Wuhan, un confinement très strict à partir du 18 février 2020, où les cas modérés ont été retirés de leur domicile pour éviter l'infection familiale et la livraison de nourriture a été organisée pour les citoyens, seuls les logisticiens et soignants ont été autorisés à sortir. Le confinement a été levé deux semaines après le dernier cas avec un dépistage massif sur toute la ville pour trouver encore 1.000 cas asymptomatiques. Aucun autre pays n'a été en mesure de mettre en œuvre un tel confinement, le Vietnam a récemment tenté en vain à Ho Chi Minh-Ville et la décroissance est en cours au même rythme que dans les pays voisins.

 

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A Wuhan, il s’était écoulé 40 jours entre le début du confinement le 23 janvier 2020 et le dernier décès le 4 mars. Les pays d’Asie du Sud-Est affrontent le Delta depuis mai. Ils ont mis en place des mesures similaires et présentent une vitesse de décrue comparable. A noter qu’au Myanmar, le reporting a été quasiment interrompu avec le coup d’Etat militaire du 1er février pour être rétabli en juillet. Cas sévères du Vietnam et Myanmar non relevés dans Worldometer, la source quotidienne de notre base de données globale Solidarité Covid – Français de Chine.

 

 

En dehors de Wuhan et du Hubei, ce sont des restrictions semblables à celles qui ont été mises en place dans beaucoup de pays (fermetures des commerces non essentiels), sauf pour les écoles qui n'ont rouvert qu'en mai ou juin 2020 dans les grandes villes de Chine, même s'il n'y avait pas de nouveau cas local en dehors du Hubei déjà début mars... Depuis, la mécanique bien rodée de confinement localisé (avec les zones à risques), de traçage et dépistage massif se déploie à chaque nouveau foyer.

 

La Chine a fermé ses frontières pendant une bonne partie de la pandémie et devrait les maintenir fermées jusqu'en 2022. Ses mesures sont-elles justifiées à ce stade de la pandémie?

La Chine n'est pas le seul pays à avoir réussi à contrôler la première vague de l'épidémie et à l’éliminer de son territoire, mais c'est le seul pays au monde à avoir évité des flambées incontrôlées ultérieures, les chiffres d'incidence des foyers locaux restant insignifiants au niveau du pays et même des villes touchées, même pour les plus gros clusters que nous avons eus après Wuhan. Cette situation est maintenue depuis 18 mois grâce à une politique de fermeture des frontières douloureuse mais essentielle pour assurer le dispositif sanitaire d’arrivée internationale. Celui-ci repose sur trois piliers qui n'ont d'équivalent nulle part ailleurs dans le monde : la réduction des vols bien en deçà de la demande (3-5% du programme des vols 2019), le mécanisme de suspension de vols au-delà de cinq cas, et les conditions strictes de quarantaine nécessitant un personnel d’accueil aux conditions de travail rebutantes (équipement de protection, bulle de travail puis quarantaine...).

 

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Les deux premiers ne s'appliquent pas aux entrées terrestres dans le Yunnan (plus de 1.000 cas positifs depuis février 2021), et a eu pour conséquence une épidémie locale "chronique" dans la zone frontalière. Des dizaines de milliers de Chinois seraient encore en attente dans le Nord du Myanmar pour retourner en Chine, la zone frontalière ayant des capacités d’accueil limitées pour organiser la quarantaine de 4 semaines.

 

Un éclairage de Carole Gabay

Carole Gabay est en expatriation familiale à Shanghai depuis 2013. Diplômée de l’ESSEC, avec une longue carrière dans les études de marché et data management, elle se retrouve impliquée dès le début de l’épidémie en Chine dans le tracking des données Covid avec le projet de l’équipe bénévole Solidarité Covid – Français de Chine.

 

Pour les analyses régulières, les articles, interviews :

Site Internet : https://deeperin19coviddata.wordpress.com/

 

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Le Petit Journal Shanghai
Publié le 4 octobre 2021, mis à jour le 6 octobre 2021

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