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COVID-19 - Retour sur la prise en charge du virus à Shanghai

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Alors que la crise du COVID-19 est passée du stade d’épidémie au stade de pandémie, retour sur la prise en charge du virus à Shanghai. L'ensemble des cas diagnostiqués ont été transférés au Centre de santé publique de Shanghai. Depuis janvier 2020, les médecins de Shanghai ont pris en charge 371 cas et la plupart de ces patients sont guéris.

Les médecins de Shanghai bénéficient d’une réelle expérience et de fortes connaissances dans le traitement du virus. Nous souhaiterions partager la conférence du maître de conférence, le professeur Hu Bijie, membre du groupe de travail de Shanghai sur le COVID-19 mais également le chef du Département des maladies infectieuses et chef du Département du contrôle des infections de l'hôpital Zhongshan affilié à l'Université de Shanghai Fudan, a tenu une conférence pour faire le point sur l'épidémie en cours.

Le "Plan de Shanghai" a consisté à se concentrer sur l'évaluation des risques, la prévision de l’évolution de cas et la thérapie. L’ensemble de ces actions a permis de prévenir le développement de cas graves.

 

Prévenir les cas graves

A Shanghai, les mesures de traitement se sont concentrées sur les patients atteints. Les médecins et les experts se sont focalisés sur le traitement du COVID-19. L’ensemble des cas d'adultes a été rassemblé dans le centre clinique de santé publique de Shanghai dans lequel plus de 300 cas ont été traités.

Ces cas appartiennent à la catégorie "Pneumonie sévère", ils nécessitent une surveillance clinique lourde. Chaque jour, les équipes soignantes ont finement observé les indicateurs cliniques et sanguins qui pourraient indiquer une détérioration rapide de l’état de santé. La prévention reste le meilleur moyen d’éviter les cas graves. Un des premiers constats fut que la diminution du nombre de cas graves pourrait considérablement économiser les ressources médicales.

Dans la continuité de ce travail, le personnel médical a donc été en mesure de lister les premiers indicateurs en cas de pneumonie grave liée au COVID-19 :

- Âge avancé (âge> 65 ans)
- Patient déjà atteint de maladies chroniques : diabète, maladie coronarienne, hypertension, obésité.
- Aggravation progressive de la pathologie parenchymateuse pulmonaire > 50% pendant 2-3 jours
- Nombre de lymphocytes T CD4 + <250 / uL
- Augmentation significative du taux sérique d'IL-6
- Niveau de lactate déshydrogénase (LDH)> 2x limite supérieure de la plage normale
- Acide lactique sérique> / = 3 mmol / L, avec alcalose métabolique

 

La baisse des lymphocytes, porte ouverte à l'aggravation

Le Professeur et son équipe ont observé une progression rapide des symptômes et des signes cliniques sur les populations âgées et atteintes de maladie chronique. L’équipe de Shanghai a aussi été un des premiers groupes de chercheurs à mettre en avant l’étude du CD4+.

Le cas d’un patient subissant une baisse progressive du niveau de CD4+ a été pris en exemple. L’observation faite par les experts de Shanghai montre que plus ce taux est bas plus le patient bascule vers la forme sévère. La valeur seuil de CD4 + est probablement de 250 / μL. Il est moins probable de voir des cas graves avec CD4> 400 / μL et une tomodensitométrie thoracique avec CD4> 2000 / μL n'a presque pas montré de signes pathologiques.

Il existerait donc une proximité forte entre les infections à CD4 + et COVID-19. Mais la relation de cause-effet de ces dernières n'est pas déterminée. Il est possible que le virus attaque plus spécifiquement les CD4 +, provoquant une baisse significative du niveau de CD4, détruisant fortement le système immunitaire. Il existe également une relation avec le nombre de cellules CD4 + et le temps d’excrétion virale. Il semblerait que plus le nombre de CD4 est faible, plus la période d’excrétion virale est longue.

 

Quel protocole contre la progression du Covid19 ?

Les équipes du Professeur Hu propose des approches combinées en vue de la prévention de la progression de la maladie (cas bénins et cas courants) :

- Médicaments antiviraux
- Oxygénothérapie et supplémentation / Surveillance de la saturation en oxygène
- Entretien du système immunitaire : médicaments, sommeil, gestion de l'humeur
- Améliorer les soins de soutien, garantir un apport calorique adéquat
- Se concentrer sur l'équilibre hydrique et électrolytique, Entretien de l’homéostasie.
- Éviter les antibiotiques et les glucocorticoïdes.
- Favoriser Anticoagulants et grande dose de vitamine C

Au début, le traitement se concentre sur les médicaments antiviraux, l'oxygénothérapie, la surveillance de la saturation en oxygène et le maintien du système immunitaire.

A noter que certains patients ont développé de fortes angoisses. Nous nous sommes donc concentrés sur l'atténuation de leur stress en essayant de leur proposer de conserver une bonne routine de sommeil, ainsi que maintenir leur niveau d’énergie en les maintenant dans un environnement stable. Enfin, les soignants ont également remarqué qu'une grande quantité de vitamine C (10 à 20 grammes par jour) semblait bénéfique.

 

Des antiviraux et certains médicaments peu efficaces

En ce qui concerne l'utilisation des antiviraux, des médicaments anti-VIH Lopinavir/Ritonavir et du médicament antiviral à large spectre, Abitor, le résultat global n'a montré aucune différence significative par rapport au groupe placebo. L'Arbitor a une réponse légèrement meilleure que Lopinavir / Ritonavir mais celui-ci a provoqué des effets secondaires toxiques chez certains patients, avec des réactions gastro-intestinales sévères et a donc entraîné une réduction des réponses immunitaires des patients.

L'utilisation de glucocorticoïdes et d'antibiotiques a été strictement limitée pour les patients COVID-19 à Shanghai. Les experts ont des opinions différentes sur l'utilisation des glucocorticoïdes. Mais un consensus a été atteint sur le fait que s’ils doivent être utilisés, une seule petite dose et une application à court terme doivent être effectuées. Les équipes ont observé que le temps d'excrétion virale testé par écouvillonnage naso-pharyngé par rapport aux non-utilisateurs de glucocorticoïdes était de 15 jours contre 8 jours.

Le temps de perte d'acide nucléique dans les selles est également prolongé. Pour les utilisateurs et les non-utilisateurs de stéroïdes la période variait de 20 jours contre 11 jours. Il a donc été décidé donc arrivés de ne pas utiliser les stéroïdes.

 

Des pistes de traitements : l'hydroxy-chloroquine

Selon le professeur Hu, parmi tous les médicaments utilisés, l'hydroxy-chloroquine s'est avéré efficace pour prévenir la progression du virus et diminuer le nombre de patients graves et critiques. La résultante a été une diminution des nouveaux cas graves et critiques de COVID-19 à Shanghai depuis le 5 février. Une hypothèse serait donc que l'hydroxy-chloroquine pourrait être un des traitements utilisés pour inverser cette pandémie.

Les données d'observation initiales effectuées à Shanghai pourraient avoir une valeur stratégique en vue de la prévention et de l’intervention sur les cas les plus graves de COVID-19. Elles pourraient servir de référence aux médecins du monde entier qui se trouve maintenant confrontés au virus. Il est cependant nécessaire de poursuivre les études aléatoires et les recherches prouvant l’efficacité de l'hydroxy-chloroquine en suivant les modalités du plan d'action Shanghai.

Le professeur Hu Bijie a effectué cette analyse sur les patients atteints de COVID-19 à Shanghai. Il insiste sur le fait que les traitements envisagés et prodigués aux patients n’ont pas été effectués à assez grande échelle pour tirer des conclusions fermes. Il est primordial de poursuivre les études à plus grande échelle et en respectant les protocoles.

COVID-19 est devenu pandémique et s’avère être l’un des plus grands et difficiles challenge de l'histoire de la médecine moderne. Professeur Hu Bijie et son équipe pensent que cette pandémie a presque atteint son paroxysme et qu'il est possible d'apercevoir une lueur d’espoir grâce aux efforts conjoints des chercheurs et des médecins du monde entier.

Les membres du groupe de travail médical de Shanghai COVID-19 a renouvelé alors sa conviction que l'hydroxy-chloroquine pourrait être un bon choix. Après l'utilisation de cette dernière par les patients, la progression du nombre de cas clinique de la classe « légère » à la classe « sévère » et de la classe « sévère » à la classe « critique » a été considérablement réduit. De plus, les effets secondaires de l'hydroxy-chloroquine n'ont pas été aussi graves que prévus. Certains experts suggèrent que parmi la famille des chloroquines, l'effet secondaire toxique de l'hydroxy-chloroquine est assez faible.

Les soignants de Shanghai ont donc utilisé la dose maximale selon la recommandation du fabricant, 400 mg QD. Par ailleurs, des experts en rhumatologie ont convenus que l'hydroxy-chloroquine est relativement sûre pour être utilisée dans ce cas et que les effets secondaires sont considérés comme normaux comparé à une utilisation normale de cette dernière.

Avec le traitement à l'hydroxy-chloroquine, l'utilisation d'antibiotiques a été considérablement réduite. Selon les statistiques, les patients « bénins » avaient besoin de beaucoup moins d'antibiotiques. Les équipes médicales ont donc cessé toute utilisation d'antibiotiques. Le résultat a été satisfaisant.

Les recommandations nationales sont donc les suivantes, en plus de l'hydroxy-chloroquine, il est aussi recommandé d’utiliser phosphate de chloroquine, l’arbitor et de l'Interfron.

La semaine dernière, les États-Unis, par l’intermédiaire de leur président ont annoncé que l'hydroxy-chloroquine et le Remdesivir avaient été approuvés par la FDA pour un usage spécial. Cette annonce suscite l’espoir de la population en vue d’inverser la tendance de la pandémie.

 

Et pour les cas bénins ?

Dans certains cas, pour le maintien et le soutien des fonctions du système immunitaire du patient, l'utilisation de la thymosine a été proposée. Elle a montré des résultats bénéfiques, en particulier chez les patients à faible CD4 + et a montré des effets encore plus bénéfiques sur les groupes d’âges plus jeune en phase I.

La gammaglobuline a également été testée au cours de la phase I, puis arrêtée au cours de la phase II, car il apparaît que l’effet de la gammaglobuline est limité.

Pour les patients qui avait contracté le virus et qui continuaient d’excréter le virus, les équipes ont utilisé du plasma extrait de patients convalescents et transfusé à ces patients. Cette approche thérapeutique suscite un grand espoir.

Au stade de la convalescence, certains patients ont présenté des résultats de test RT-PCR négatifs mais sont redevenus positifs après 3 jours. Pour cette raison, il faut rester prudents et tester de manière plus approfondie avant de mettre en place cette routine.

 

Quels sont les symptômes à surveiller après un test positif ?

Quel est le plus important indicateur à suivre entre les résultats de laboratoire ou résultats cliniques pour diagnostiquer la pneumonie au COVID-19 ?

Lors de la phase de diagnostic, les symptômes respiratoires et la fièvre ne sont pas tant significatifs. Ces symptômes ne sont pas suffisamment marqués pour pouvoir les détecter. En revanche, le scanner thoracique est plus précis pour effectuer ce diagnostic. A noter que les tests RT-PCR peuvent présenter des résultats faussement négatifs. Pour la tomodensitométrie thoracique, il faut poursuivre les tests afin d’éviter le diagnostic de cas. En effet, il est nécessaire que le praticien soit aguerri à la symptomatologie du COVID 19 car elle peut être très proche d’un cas sain. A Shanghai, le diagnostic a été complété avec un test supplémentaire et l’analyse des résultats sériques.

A ce stade, il s’agit d’une piste intéressante en vue du prochain développement d’un kit de test même si la stabilité et la fiabilité de ces derniers ne sont pas encore complètement résolues. De plus, les tests sériques ne donnent que des résultats qualitatifs et non quantitatifs. Il est donc important de poursuivre les recherches afin d’accumuler plus d'expériences sur ces questions techniques avant une utilisation généralisée.

 

Comment établir un diagnostic fiable pour le Covid-19

A ce stade, il est encore difficile d’être complètement sure et il est nécessaire de poursuivre les études et recherches pour choisir les indicateurs les plus pertinents parmi les résultats des symptômes et des signes respiratoires, les résultats de la toxicité de la maladie, les résultats de l'imagerie thoracique, les résultats de la RT-PCR et les tests et la surveillance des anticorps spécifiques  pour diagnostiquer le COVID-19.

 

Quelles sont les directives nationales pour la sortie des patients des hôpitaux à Shanghai ?

- Température corporelle normale pendant 3 jours consécutifs.
- Amélioration significative des symptômes respiratoires.
- L’étude des radios thoraciques doit montrer une amélioration significative par rapport aux résultats du stade aigu.
- Deux résultats négatifs consécutifs sur les échantillons des sécrétions des voies respiratoires (l'échantillonnage doit être effectué à 24 heures d'intervalle).
- Après avoir effectué deux tests consécutifs de sécrétion respiratoire, un échantillon de selles doit également montrer un résultat négatif au test d'acide nucléique viral.
- Amélioration constante sur la maladie > 2 semaines.

A Shanghai les critères de sortie de l'hôpital suite au COVID-19 sont plus exigeants (utilisation de deux indicateurs supplémentaires) par rapport aux critères nationaux de sortie de l'hôpital COVID-19. Les experts de Shanghai ont estimé qu’il était nécessaire d’ajouter ces deux tests par rapport aux directives nationales . En effet, il a été constaté que même après 4 semaines de test négatif il y a avait encore une probabilité de risque de contagion par les selles. Pour ces raisons avant leur retour à domicile, les patients doivent désinfecter leurs toilettes avec de la javel après chaque utilisation.

Après deux tests par écouvillonnages respiratoires négatifs consécutifs, l'échantillon de selles doit également montrer un résultat négatif au test d'acide nucléique viral. En ce qui concerne le deuxième test, il a été observé que si la durée de l'excrétion virale pour le test de prélèvement de sécrétion des voies respiratoires est en effet différente de celle des échantillons de selles, l’excrétion virale est beaucoup plus longue dans les selles par rapport aux voies respiratoires. C’est pour ces raisons que ce test a également été ajouté aux deux tests consécutifs de sécrétion des voies respiratoires.

En principe, la plupart des infections virales sont toujours contagieuses dans la période de 2 semaines, après ce temps certains virus sont auto-limités et auto-résolus, même sans aucun médicament. Mais outre les deux critères énumérés ci-dessus, il est demandé également aux médecins experts du Groupe de travail d'examiner les radios thoraciques des patients et de confirmer la résolution des pathologies parenchymateuses pulmonaires avant la sortie.

 

Le Professeur Hu a tenu a exprimer sa réflexion sur cette pandémie qui nous fait prendre un peu plus conscience que le monde est globalisé, et qu’il reste important de favoriser l’entre aide entre les pays et les institutions. C’est en partageant et travaillant ensemble que nous pourrons vaincre le virus, a assuré le Professeur.

 

Définition :
Excrétion virale : C’est l’expulsion des particules virales du corps. Les voies importantes incluent le tractus respiratoire, le tractus génital, et le tractus intestinal. L'expulsion des particules virales du corps. L'expulsion virale est un moyen important de transmission verticale (transmission des maladies)
Écouvillon : « Coton-tige » permettant le prélèvement nasal pour effectuer le test de dépistage du COVID-19.
Test RT-PCR : est une méthode de détection directe du génome des agents infectieux ou parasitaires. La PCR est un moyen très performant de diagnostic direct des maladies infectieuses ou parasitaires, notamment dans les phases précoces de l’infection.

 

Crédit : Pr Hu Bijie

Traduction Cn-English : Dr. Yao Lily

Traduction En-Fr: Guillaume Sergent.

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 6 avril 2020, mis à jour le 6 avril 2020

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