Nous en étions restés au pic de la vague suivant la levée des restrictions. Tous terrés chez nous, soit malades, soit en auto-confinement, soit dépités que tout soit fermé… C’était aussi le désert au niveau des données Covid Chine.
Nous sommes passés d’une « trêve des confiseurs » annoncée le jour de Noël par la NHC (National Health Commission) qui, face à la bronca de l’OMS sur la définition restreinte des décès passe le relais à la CDC sans autre précision. La vie a repris maintenant, et Solidarité Covid – Français de Chine a repris un rythme de travail beaucoup plus supportable afin de maintenir l’expertise sur l’analyse de la pandémie (ou ex-pandémie ?) en Chine sur l’analyse des bulletins de la CDC nouveau format.
Everyone, everywhere, all at once
C’est (quasiment) le titre du premier film hollywoodien au casting presque entièrement asiatique primé aux Oscars, cela peut résumer le tsunami Covid qui a touché la Chine : des variants plus contagieux propulsés sur une population jamais exposée au virus, cela a été violent, rapide, instantané. En l’espace de quelques semaines, 80% de la population a été contaminée, selon les estimations des autorités, totalement invérifiable et incomparable aux pays exposés depuis 3 ans du fait de l’absence de dépistage.
Les taux d’infection rapportés dans les pays ne dépassent pas les 70% et il y a beaucoup de micro-Etats en tête. Une étude a estimé que la prévalence cumulée depuis 2020 en Angleterre serait de plus de 200%, avec 90% des infections au 4ème trimestre 2022 qui seraient des réinfections. A noter que la France est très haut dans le classement : c’est l’effet de la gratuité des tests maintenue jusqu’en février 2023.
A Solidarité Covid, nous avons pensé être en « chômage technique » à l’annonce du 25 décembre, mais en fait, nous nous sommes aperçues que les données globales continuaient à livrer des cas et quelques décès (bien trop peu au vu des témoignages sur les queues dans les funérariums…) pour la Chine. La NHC avait annoncé l’interruption du bulletin quotidien, et un point mensuel de la CDC. Le bulletin fut en fait transféré sur le site de la CDC, publié chaque jour exactement dans le même format que précédemment, avec bien trop peu de cas « confirmés » (notamment dans les provinces plus rurales), de décès, de cas sévères (bien qu’en forte hausse).
Cette mascarade s’arrête brusquement le 8 janvier sans aucune annonce cette fois-ci… Nous venions de terminer la saisie des 2 semaines de bulletins archivés. Pendant 6 jours, rien… Puis le 15 janvier, le premier bulletin nouvelle formule de la CDC est publié : il fait état de 59 938 décès à l’hôpital au 12 janvier, c’est peu au regard des simulations de Fudan University en mai 2022, d’un bureau d’études au UK, et de notre propre simulation, mais cela n’inclut que les patients décédés à l’hôpital, et les experts ajoutent qu’ils travailleront sur des calculs d’excès de mortalité.
Le CDC est revenu discrètement sur la définition des décès puisque qu’il est précisé que 9% de ces décès sont issus de détresse respiratoire sans maladie chronique associée. Mais même avec cette culbute, nous sommes encore très loin de la réalité.
Sur le graphique des cas sévères, 2 échelles différentes entre les courbes du Hubei en 2020 et celles de l’hiver 2022-2023. Néanmoins le reflux de la courbe est plus rapide en 2023 qu’en 2020, preuve de la concentration de l’épidémie et de la plus forte saturation.
Nous pourrons évaluer l’écart de « couverture » entre les bulletins quotidiens avec l’examen des cas sévères. Le premier rapport de la CDC fait état de 128 000 cas sévères à l’hôpital au pic du 5 janvier. A cette même date le bulletin quotidien affichait 4509 cas sévères, un sacré écart.
Bulletin CDC à la loupe : les cas sévères
Un terrible constat : c’est la simulation du nombre de cas éligibles à l’hospitalisation (9.5 millions alors que la Chine dispose de 5.6 millions de lits) et des cas sévères nécessitant un séjour en réanimation. Pour cela, nous utilisons des comparaisons avec les données France et nos données Chine pré Big-Bang : cela donnerait trois fois plus de cas sévères que de respirateurs disponibles et 3.5 fois le pic. Nous serons cités dans le quotidien Le Monde sur cette simulation.
Néanmoins, ce chiffre de 0.04% est mesuré en situation de dépistage permanent, et l’on sait que dépistage et traitement précoces évitent la détérioration des cas : c’est écrit noir sur blanc sur la notice de Paxlovid que le médicament doit être pris dans les 5 jours suivant la contamination, et probablement sur celle du médicament chinois de Azvudine de Genuine Biotech. Ce dernier a été inclus dans la liste de remboursement de la CFDA (l’autorité de régulation des médicaments chinoise) alors que Paxlovid a été contraint (ou choisi ?) de maintenir son prix très élevé pour moins de volume.
Un diagramme américain comparant les traitements anti-viraux ciblés Covid de Merck (aussi approuvé en Chine) et Pfizer. D’après une étude sur 1505 patients /29 jours, l’efficacité de Azvudine serait de 59% de réduction de risque de cas sévère et de 74% pour les décès. Pre-print publié le 23 janvier 2023, https://doi.org/10.1101/2023.01.23.23284899.
Le bulletin de la CDC ne donne pas de chiffre d’admission à l’hôpital ou en réanimation, mais un discours du leader suprême mentionne le 15 février que 800 000 cas sévères ont été traités avec succès (ce qui veut dire ne sont pas décédés en réanimation). Avec un pic de cas sévères hospitalisés à 128 000 et 800 000 admissions cumulées, la durée de séjour en réanimation et à l’hôpital a dû être écourtée : il fallait faire de la place rapidement pour accueillir de nouveaux patients. Ci-dessous une comparaison des indicateurs d’admission en réanimation vs pic de la première vague Omicron France – Chine, avec un multiple 30% plus élevé pour la Chine.
Bulletin CDC à la loupe : les décès
Vague de contamination concentrée sur 4 semaines, pas assez de lits d’hôpital pendant plusieurs semaines, pas assez de lits de réanimation, des scènes d’hôpitaux débordés dans toutes les grandes villes, cela fait des décès en dehors de l’hôpital, forcément… Et ces décès-là, partout dans le monde, ils ont été difficiles à évaluer en 2020. Même à l’hôpital, beaucoup de décès ne seront pas classifiés Covid, soit en application de la définition des décès de début décembre, soit à la demande des familles qui craignaient que le corps de leur parent ne leur soit pas restitué en cas de décès marqué Covid. C’est pour cela que la seule méthode qui vaille, c’est le calcul d’excès de mortalité sur les décès toutes causes. Et là, nous risquons d’attendre longtemps si l’on se cale sur le rythme habituel du bureau des statistiques. Tous les ans, nous avons un nombre de décès dès la mi-janvier sur l’année passée : Il est pour la première fois en 2022 supérieur à celui des naissances, et en hausse de 2.66% par rapport à 2021, donc rien d’exceptionnel.
Format image sans libellés, personne n’a su convertir les courbes des bulletins de la CDC en série chiffrée, d’où l’absence de données de cas et de décès dans les plateformes de données globales pour la Chine depuis le 9 janvier. Encore pire pour les données de nouveaux cas par province, un essai sans lendemain a été fait le 28 janvier, les vignettes étaient à peine lisibles.
Sans accélération du calendrier du Bureau national des statistiques, nous aurons donc cette estimation en janvier 2024 pour le total Chine. Quant aux données par province et ville, cela met plusieurs années. Nous n’avons toujours rien de publié sur les décès toutes causes de Wuhan en 2019-2020 (là aussi à cheval sur deux années pour complexifier l’analyse…) ni sur le site du Bureau national des Statistiques, ni sur les fichiers intermédiaires que l’on trouve sur Taobao… Inutile de hurler à la manipulation et vilipender les autorités, c’est le rythme habituel de publication de cet immense pays largement décentralisé.
Ce que l’on peut néanmoins constater, à l’instar de la comparaison avec Hubei 2020 sur les cas sévères, c’est une forte décélération des cas sévères et des décès, bien plus rapide en Chine qu’en France en janvier 2022.
Tous les indicateurs proches ou équivalents baissent beaucoup plus rapidement en Chine qu’en France sur la première vague Omicron.
La décrue est aussi plus rapide comparée aux territoires étant sortis du Zéro Covid à l’ère Omicron. Ils ne sont pas nombreux, et ils ont vu comme la Chine, une population naïve être exposée à Omicron. La courbe des décès relatifs au pic est plus resserrée pour la Chine frappée par BA.5 que pour Hong Kong BA.1/2 (et aussi Delta). C’est l’effet contagiosité de BA.5, saturation maximale, et donc excès de mortalité, la dernière pierre manquante à la Tour de Babel vertigineuse de la Covid en Chine.
A J23 du pic des décès, les décès en Chine continentale ont décru de 40% de plus qu’à Hong Kong. Au 16 mars, cela fait 3 semaines qu’il n’y a plus de décès Covid déclaré et 7 cas sévères dans toute la Chine.
Bonus CDC : les séquençages
Du côté des tests, la chute des coûteux dépistages a été vertigineuse. Il a été demandé aux malades de faire des auto-tests (en rupture de stock partout fin décembre), afin d’éviter la contamination en stand de test et encourager leur auto-confinement fixé à 7 jours. Il n’a pas été recommandé non plus de déclarer les auto-tests sur l’appli dédiée qui existait pourtant à Shanghai depuis le confinement, d’où un très faible nombre de cas déclarés par rapport aux PCR (à l’inverse du reste du monde).
Et le nombre de PCR positifs déclarés (terminée la segmentation confirmés / asymptomatiques) ne dépasse pas 6% des contaminations estimées totales. Dans ces conditions, difficile de séquencer une proportion acceptable de cas positifs aux yeux des occidentaux afin d’identifier un potentiel nouveau variant. Il n’est quasiment rien sorti de nouveau des 10625 séquençages du 12 décembre au 1er janvier annoncés dans les bulletins à partir du 25 janvier.
Il n’est rien sorti non plus des contrôles sanitaires mis en place dans 20 pays à l’arrivée des vols en provenance de Chine : mis en place trop tard, mal ficelés et échauffant du coup les esprits tout politiques, certains pays ne faisaient même pas de test à l’arrivée, ce qui ne permettait pas de séquencer… Cet épisode ubuesque est heureusement quasiment terminé maintenant avec en bonus une exemption de PCR pré-vol vers la Chine pour une vingtaine de pays dont la France.
Alors que Hong Kong était reparti à la hausse à 68 jours du pic Omicron BA.1, l’immunité de la population de la Chine reste forte, avec encore une faible présence des multiples sous-branches des variants XBB et BQ.1.
Bonus CDC : la vaccination des seniors
Intégré maintenant au bulletin hebdomadaire, les chiffres cumulés de la vaccination 1-2-3 doses, et pour la première fois de façon régulière, celle des 60 ans +, c’est un progrès car nous n’avions eu qu’en avril 2022 des premiers chiffres sur l’état de la vaccination par tranche d’âge en Chine. Mais c’est dommage que le détail sur les 80 ans + ne soit pas inclus dans le bulletin hebdomadaire. La dernière mesure est de 66.4% pour 2 doses pour les plus âgés.
Entre les erreurs dans les communications, les ajustements sur les données de recensement publiées tardivement, il y a eu beaucoup de versions sur ce tableau qui est maintenant mis à jour chaque semaine au national et 60 ans +.
Cas positifs, séquençages, décès, cas sévères, vaccination Covid, et d’autres indicateurs de visites à l’hôpital qui couvrent également la forte épidémie de grippe en cours, le bulletin CDC nouvelle formule intègre plusieurs de requêtes de la communauté scientifique, mais il donne surtout une trajectoire tout unique au monde de la vertigineuse phase de contamination Omicron BA.5 / BF.7 sur population naïve.
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Plusieurs interviews en français ont été diffusées depuis début janvier : sur la vague, sur les contrôles sanitaires à l’étranger. Retrouvez-les sur https://solidaritecovid.com/live-events-in-english/
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