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Le Street Art "dans les murs" à Shanghai

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Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 mars 2018

"Mais que se passe-t-il au Bund 18 ?" a-t-on pu entendre ces derniers jours... En effet, depuis le 20 octobre, le Bund 18, à l'occasion de ses dix ans et avant d'entamer des travaux de rénovation, a ouvert un espace de 400m² à une douzaine d'artistes du Street Art, sous l'égide de la galerie Magda Danysz (Paris, Shanghai). Après un mois d'expérience créative sans relâche, cet espace est maintenant ouvert au grand public, et ce jusqu'au 1er décembre. Ne tardez pas, le 2 décembre, tout aura disparu !

Fin octobre, des artistes shanghaiens, mais aussi de New-York, San Francisco, Paris sont venus, travailler de jour, de nuit, côte à côte, ou parfois ensemble, se partageant un même mur, un escalier… Le Bund 18 s'est alors transformé quelque temps durant en "résidence d'artistes", le public pouvant même contempler à travers les fenêtres le travail en cours de réalisation. Et le 20 novembre dernier, à l'occasion d'une passionnante conférence in situ, organisée par le CFS (Cercle Francophone de Shanghai), Magda Danysz a présenté le Street Art, LE mouvement d'art contemporain que nous avons la chance de voir vivre, qui est tout sauf anecdotique.

 

Le Street Art, art contemporain depuis 40 ans déjà…

A l'origine furent… les grottes de Lascaux… mais aussi une inscription répétée sur les caisses d'armement américain en Europe lors de la Seconde Guerre Mondiale : "Kilroy was here !"…Le premier artiste reconnu de ce mouvement fut Cornbread dans les années 50 à Philadelphie, qui signait partout son nom. Mais le phénomène dut attendre la fin des années 60 pour se répandre à New-York avec une surenchère intensive entre les artistes naissants (qui se renvoyaient les rames de métro décorées !). On vit alors très vite apparaître des personnages, des couleurs, des nuages… de nombreux effets de style variés déjà, portés par un artiste comme StayHigh149 notamment.

C'est alors que furent inventés toujours plus de styles, on put observer une diversification de l'écriture, des utilisations très différentes des bombes aérosols, bref, une réelle maîtrise de l'outil. Keith Haring et Jean-Michel Basquiat ont alors reconnu être fascinés et interpelés par ce mouvement. Le début des années 80 vit ainsi naître une nouvelle génération avec Futura (l'un des fondateurs du mouvement) et Seen. Le développement du Street Art s'accélère de façon inouïe, on passe du métro aux murs, façon feux d'artifice de couleurs, on sort du cliché des jeunes des banlieues qui tagguent et dégradent. Le contexte de répression des mairies, à New-York notamment, s'intensifie, imposant des peines très lourdes aux fraudeurs. Et en parallèle, on observe une prise de conscience des collectionneurs, de nombreuses expositions et vernissages, des articles de presse spécialisée, des portes qui s'ouvrent dans des musées d'art contemporain… nous sommes bien en présence d'un mouvement artistique et non d'un phénomène de mode ponctuel !

 

Un art fondé sur la diversité et le contexte

En effet, sa première caractéristique est sa diversité. Le terme Street Art englobe en réalité des pratiques artistiques extrêmement variées telles que le writting, le graffiti, le subway art…et le Street art. Et toutes ces variantes sont d'abord et avant tout inspirées par le contexte (lieu, époque…).

L'artiste Tanc se spécialise dans les calligraphies inspirées du monde entier. Quik, noir américain né dans les années 50 et victime de la ségrégation, s'exprime de façon très engagée, contre le Ku Klux Klan notamment. Jonone, inspiré par tous ses pairs de la culture du graffiti, créée des œuvres très abstraites, colorées. Les échanges entre les pays, France, Etats-Unis, Australie sont une source de renouveau très riche et de nouvelles techniques voient le jour : collages, pochoirs (Blek Le Rat, Bansky), portraits (comme celui d'Obama par Shepard Fairey en 2008 ou encore les séries de JR dans des villes du monde entier), mosaïques (type pixellisées façon jeux vidéos chez Invader)… Chaque artiste du Street Art explore et trouve sa propre voie, toujours à la recherche de terrains d'expression différents ou nouveaux.

 

Le Street Art, enfin reconnu dans notre société aujourd'hui ?

C'est un fait, le Street Art est peu à peu accepté et reconnu en tant qu'art et bien différencié des tags et graffitis des vandales, qui eux, ne se proclament pas du tout artistes. Saviez-vous qu'il existe un responsable de l'action culturelle à la RATP ?... Les mairies ont, elles aussi, évolué de façon très positive, mais parfois trop, car il arrive qu'elles passent des commandes, pour décorer tel ou tel espace, donnant des directives très précises, tuant ainsi la liberté de création, la spontanéité, la magie du contexte…

Le mécénat s'est lui aussi ouvert à cet art et cela favorise son développement. Des œuvres s'exposent et se vendent en galeries. Si ces artistes peuvent vivre de cet art, c'est plutôt une bonne nouvelle ! Les œuvres de commande quant à elles restent rares, car assez contradictoires avec l'essence même de cette discipline. Certains artistes ont parfois collaboré avec des marques pour une campagne de communication, sous condition de sincérité du discours et de liberté artistique maximale. Mais cela reste un phénomène ponctuel.

Et en Chine, qu'en est-il ? Le mouvement émerge aujourd'hui, à Shanghai, à Pékin. On peut voir de plus en plus de créations des jeunes générations dans les rues, sur les nombreux chantiers et terrains désaffectés, qu'il faut oser aller explorer ! Ces artistes restent cependant très illustratifs et peu engagés, ils n'écrivent pas en mandarin et ne véhiculent pas de message de façon frontale, ne créant pas de rupture réelle avec la culture chinoise.

Pour conclure cette présentation panoramique, la conférence du CFS a créé la surprise avec un happening étonnant : sur un mur encore vierge de l'espace du Bund 18, un artiste de Shanghai, a créé en direct sous les yeux de l'assistance une œuvre à la bombe. Originaire de Hong-Kong, et travaillant en agence de communication, il créé en parallèle dans les rues de Shanghai. Retenez son nom, The Orangeblowfish… Et peut-être croiserez-vous une de ses créations au détour d'une rue lors de vos flâneries…

Mais en attendant, n'oubliez pas que le Street Art est un art souvent éphémère, ses créations sont vouées à disparaître du jour au lendemain. Tel sera le destin de celles exposées au Bund 18, courez-y donc sans attendre !

Présents à l'exposition : Futura, Jonone, L'Atlas, Thomas Canto, André, Ludo, Katre, Nasty, Poesia, Psy, Seth, Tanc, YZ, Popil, Chen Yanfei.

Delphine Gourgues - Mardi 25 novembre 2014

 

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 24 novembre 2014, mis à jour le 6 mars 2018
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