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CINÉMA - Huit bonnes raisons d'aller voir Black Coal, Thin Ice

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 31 mars 2014

Le film chinois Black Coal, Thin Ice (que l'on pourrait traduire par Charbon noir, glace fragile) est en ce moment à l'affiche dans les cinémas du pays. Perdu parmi les superproductions chinoises ou US, il serait pourtant dommage de passer à côté de ce polar, doublement récompensé au dernier festival de Berlin. Lepetitjournal de Pékin s'est associé avec Hailv Zhang, journaliste cinéma pour le magazine Across, pour vous donner 8 bonnes raisons, chiffre porte-bonheur, de vous faire une petite toile cette semaine.

1. Un film primé. Le film, dont le nom chinois est 白日焰火 (bai ri yan huo, feux d'artifice en plein jour) a reçu, le 15 février, l'Ours d'or au 64e festival international du film de Berlin, l'un des trois plus prestigieux prix européens avec Cannes et Venise. Il a battu les 23 autres films de la sélection officielle, dont The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, et son casting 4 étoiles, ou encore la dernière oeuvre de feu Alain Resnais Aimer, boire et chanter. Pour Hailv Zhang, qui était à Berlin, ce fut une surprise. "Il n'y a pas eu de conférence de presse sur le verdict du jury, donc difficile de connaître les raisons de ce choix, mais je pense que son émotion profonde et ses personnages complexes ont touché les jurés".

2. Un réalisateur prometteur. Diao Yinan, âgé de seulement 45 ans, est tout jeune dans le métier. Voici sa présentation par Hailv Zhang : "Même au sein des médias chinois, Diao Yinan est un nom récent. Il a réalisé deux films indépendants en 2003 (Zhifu) et 2005 (Yeche), à l'audience limitée. Il est plus connu en tant que scénariste pour des romances modernes. Black Coal, Thin Ice est donc son premier film "commercial". C'est en tout cas comme ça qu'il fallait le vendre car malheureusement, dans l'industrie du film chinois aujourd'hui, un film d'auteur ne se verra proposer qu'un nombre de copies très limité, car il est supposé ne pas attirer de spectateurs. C'est une triste réalité, pire que la censure."

3. L'acteur principal Liao Fan. Il a reçu pour son interprétation l'Ours d'argent du meilleur acteur. "Un merveilleux cadeau pour (son) 40e anniversaire", expliquait-il en recevant son prix. Lui n'est pas un nouveau talent, mais "un second rôle reconnu dans de nombreuses comédies populaires" précise Hailv Zhang. Au tout début du film, il partage pour la dernière fois une chambre d'hôtel avec sa femme. L'occasion d'une dernière étreinte : elle a obtenu le divorce. Lui, policier, se raccroche à son enquête, pour ne pas se noyer un peu plus, alors que l'alcool coule déjà à flots dans ses veines. Rustre, peu bavard, à la dérive, ses investigations le mènent cependant sur le chemin d'une belle blanchisseuse, femme fatale ô combien éloignée des pin-ups hollywoodiennes, mais qui ranime tout autant le feu d'une passion incandescente.

L'acteur chinois Liao Fan et la Taïwanaise Gwei Lun Mei, extrait de Black Coal, Thin Ice

4. L'ambiance glauque du polar. Black Coal, Thin Ice est un film noir, avec des éruptions de violence, qui ne durent que quelques secondes, mais laissent une marque indélébile. L'histoire débute en 1999, quand un corps en plusieurs morceaux est découvert dans une usine. L'enquête de notre policier récemment divorcé ne se passe pas bien, entraînant la mort de plusieurs de ses collègues. Quelques années plus tard, alors qu'il a changé de métier, au fond du trou, plusieurs cadavres resurgissent. Tous ces corps auront pour dernier méfait d'avoir aimé une même femme. C'est fou comme le son étouffé des pas dans la neige peut-être menaçant.

5. Découvrir un visage de la Chine que l'on ne visite pas. Celui de toutes les villes du pays qui se ressemblent les unes les autres, construites sur un schéma impersonnel et identique dans les années 90. Celles que l'on parcourt parce qu'on y vit, mais que l'on traverse, indifférent face à cette mer grise, pour aller de l'usine à la maison, et de la maison à l'usine. Celles des petites gens, qui travaillent dans le charbon, et se font un rare plaisir sur la patinoire, dans le train-train quotidien du dur labeur. Le tout dans un blanc manteau d'hiver qui atténue encore, s'il était possible, ces caractéristiques.

6. Le film n'est pas censuré, en tout cas pas au point d'être retiré des cinémas, ce qui n'est malheureusement pas le cas de A touch of sin de son compatriote Jia Zhangke, lui-même primé au dernier festival de Cannes. "Les deux films sont très différents, bien que tous les deux traitant d'une certaine réalité sociale", explique Hailv Zhang. "A touch of sin est centré sur le côté sombre de la Chine, sur une société cruelle et impitoyable, alors que Black Coal, Thin Ice est d'abord une enquête policière et une histoire d'amour." Le pamphlet social n'est donc pas ici le propos, récoltant l'aval de la censure. Pour autant, le film n'est pas déconnecté d'un contexte social prégnant. Il reste possible de lire entre les lignes quelques traits de cette Chine contemporaine. Quand un simple contrôle dans un salon de coiffure tourne en bain de sang, on se rapproche de ces violents faits divers qui nourrissent l'actualité chinoise, leur donnant une substance assez effrayante.

 

Séance de patinage pour Liao Fan et Gwei Lun Mei, extrait de Black Coal, Thin Ice

7. L'écriture visuelle. Propre au style du film noir, beaucoup de scènes sont nocturnes. C'est l'occasion pour le réalisateur de jouer avec les différents néons et autres lumières artificielles rouges, jaunes, roses qui ponctuent le film, lui donnant une réalité somme toute distante, comme dans un mauvais rêve. Ce n'est pas pour rien que l'on retrouve seulement à la fin du film un ciel bleu réconfortant, et ces fameux feux d'artifices du nom chinois du film, tirés en plein jour. Ce sont pourtant bien ces feux d'artifices qui, selon le réalisateur, masquent la réalité, pour mieux se protéger de la cruauté du monde.

8. Pour travailler son chinois. Car oui, un gros handicap du film est qu'il est sans sous-titres anglais. Il vaut donc mieux baragouiner un peu le mandarin. Mais encore une fois, pour toutes les raisons ci-dessus, la barrière de la langue ne doit pas être un frein. Le langage du cinéma n'est après tout pas qu'une question de langue.

Joseph Chun Bancaud (lepetitjournal.com/pekin) Mardi 1er avril 2014

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 31 mars 2014, mis à jour le 31 mars 2014
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