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Rencontre avec Nicolas Hazard, directeur de la KITAC

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Écrit par La Rédaction Séoul
Publié le 14 février 2018, mis à jour le 14 février 2018

La France et la Corée du Sud se réunissent sur scène. Un couple pour chaque nationalité dans une pièce proposée par la Korean International Theatre and Arts Company. Tout semble opposer ces deux pays. Pourtant, Nicolas Hazard réalise une mise en scène qui vise à installer la confusion chez le spectateur. À tel point que tous les repères s’effacent. Le metteur en scène et fondateur de la KITAC révèle les rouages de cette plongée dans une société multiculturelle qui semble toujours plus absurde.

 

Portrait Nicolas Hazard
Nicolas Hazard (©KITAC)

 

Lepetitjournal.com/Seoul - «Qui êtes-vous » est votre quatrième pièce de théâtre. Et chacune d'elles est jouée à la fois en français et en coréen. À tel point que dans celle-ci, les quatre acteurs forment deux couples : l'un est français, l'autre coréen. D'où vient cet attrait pour une telle dualité ?

Nicolas Hazard : Depuis mon arrivée en Corée du Sud, ces deux langues — ainsi que l'anglais — rythment ma vie. Je suis professeur de lettres au lycée International Xavier (lycée français privé de Séoul) et je côtoie des élèves de nationalités diverses. Bien sûr, il y a une nette majorité de Coréens, qui représentent 80 % des étudiants, mais tous parlent couramment français et anglais.
Il y a quelques années, j'y ai créé un atelier théâtre. Au départ, il s'agissait uniquement de projets modestes avec des collégiens. Mais à chaque fois, j'essayais d’y apporter davantage d’ambitions et de défis. Et puisque j’écrivais ces pièces, j’ai toujours été dans l'optique qu'elles soient multilingues afin de les adapter à ces jeunes acteurs aux nationalités diverses.

 

Un multilinguisme que vous avez gardé lorsque vous avez fondé la KITAC…

Tout à fait. Suite à cette expérience au lycée International Xavier, j'ai été engagé en tant qu’assistant-metteur en scène par une compagnie professionnelle coréenne. Leur pièce de théâtre mêlait des comédiens français et coréens. Puis, avec certains de ces acteurs, j'ai voulu réitérer le concept. J'ai alors créé la Korean International Theater and Arts Company (KITAC).

 

Quelle est la plus-value de cette bi-nationalité dans votre nouvelle pièce «Qui êtes-vous ?» ?

Tout d'abord, il faut savoir que cette pièce n'a pas vocation à être internationale puisqu'elle prend place durant la dictature sud-coréenne des années 1970. L’auteur, Yi Hyon-Hwa, a d’ailleurs eu des démêlés avec la censure. Car ses textes traduisent les violences de l’époque et critiquent le régime en place.

Au-delà d'une simple critique de l’autoritarisme, l'auteur aborde l'identité sociale. Sous une dictature, le régime impose un comportement. Cette uniformisation engendre cette perte d’identité. Je veux traiter ce thème de l'identité sous un angle culturel. D'où la présence d'un couple de Coréens parlant français et un autre couple de Français parlant coréen.

 

En apparence, tout semble opposer les cultures françaises et coréennes. Donc comment parvenir à insuffler cette confusion chez le spectateur ?

Pour perdre leur identité, les personnages se confondent. Ils agissent de la même manière, ils portent les mêmes vêtements, exercent le même métier… Alors, qu'ils soient Coréens ou Français, la nationalité des personnages n'a plus d’importance. Ceux qui semblent se différencier par leurs traits physiques s'avèrent être interchangeables. Une conformité qui traduit un multiculturalisme toujours plus présent de nos jours. Ce mélange entraîne une perte de repères culturels et linguistiques. Pour l'illustrer, lorsque le couple coréen sera seul sur scène, les comédiens échangeront dans leur langue. Mais le reste du temps, ils parleront en français. À tel point que le spectateur sera amené à s'interroger sur le lieu géographique de la pièce. Une image de notre société dans laquelle les codes culturels ont tendance à s'effacer au contact des étrangers. Cette perte n'est pas mauvaise en soi, au contraire, à condition d'être vécue comme le commencement d’une réflexion plus profonde sur soi-même, sur ce qui fait notre identité personnelle.

 

Est-ce que le rapport au travail est le même avec les acteurs coréens et français ?

Leurs méthodes de travail sont diamétralement opposées. Les Sud-Coréens sont très méthodiques. Parfois trop précautionneux même. Ils préparent la pièce étape par étape et cultivent un véritable culte pour le metteur en scène. À tel point qu'ils estiment qu'il ne faut pratiquement rien leur demander. Contrairement aux Français qui entretiennent un esprit collaboratif avec le metteur en scène. Même s'il prend les décisions, la construction collective est omniprésente.
Ce n'est pas facile de trouver des acteurs professionnels francophones en Corée du Sud. Les quelques-uns présents dans la péninsule jouent dans les dramas et non dans l'univers théâtral. Donc les acteurs francophones sont bien souvent des amateurs. À l'inverse de leurs homologues Coréens qui sont des professionnels.

 

Vous évoquez des relations avec le metteur en scène bien distinctes selon la nationalité des comédiens. De manière plus globale, est-ce que ces différences de rapport se retrouvent entre le théâtre et ces deux pays ?

Il n'y a pas de culture théâtrale en Corée du Sud. Du moins, elle est bien moindre qu'en France. Par exemple, ce n'est pas enseigné au lycée car les Sud-Coréens ne l’estiment pas en tant que texte littéraire. Ils le considèrent plutôt comme un script, ou un simple scénario. Contrairement à la France, il n'y a pas de respect des textes. Ce n'est d’ailleurs pas anodin qu’ils en coupent ou modifient des parties puisqu'ils veulent absolument les moderniser. Néanmoins, ils sont très forts en ce qui concerne l’esthétique visuelle. Les scénographies sont bien soignées. Donc, j’essaie de mêler ces deux aspects.

 

Après «Qui êtes-vous ?», envisagez-vous de monter d’autres pièces ? Avec d'autres langues peut-être ?

Dans un futur proche, nous jouerons «Bonsoir chéri» (la KITAC a joué cette pièce en juin 2017 et elle avait été subventionnée par la Seoul Foundation for Arts and Culture, ndlr) au festival d'Avignon, qui a lieu en juillet. Puis nous avons un nouveau projet de pièce, le vaudeville français «Un petit jeu sans conséquences» qui sera présentée à l’automne prochain. En parallèle, j'écris un conte inspiré de Pinocchio. Là encore, il s'agira d’une pièce qui sera jouée en français et en coréen. Mais pour le moment, je reste fidèle à ma langue natale. D'une part, car j'écris en français. Et d'autre part, la communauté française n'a pas de compagnie. Or, je connais l’importance de la culture théâtrale en France.

 

Informations :

Dates : Du 29 mars au 1er avril

Lieu : SANGMYUNG ART HALL 2

KITAC

La KITAC est la première compagnie à proposer du théâtre multiculturel à Séoul. Elle est plus largement une plateforme de création et d’expression pour les artistes. La KITAC pourra continuer à se développer, enrichir ses projets et accueillir de nouvelles créations artistiques si elle continue à obtenir des aides publiques et privées. Toute forme d’aide matérielle comme financière est accueillie et appréciée à sa juste valeur.


Contact KITAC:
Facebook : https://www.facebook.com/kitac.company/
Instagram : kitac_company

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Publié le 14 février 2018, mis à jour le 14 février 2018

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