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Jacques Weber : « je souhaitais remettre Victor Hugo parmi nous »

Jacques Weber Hugo au bistrotJacques Weber Hugo au bistrot
Écrit par La Rédaction Séoul
Publié le 22 mars 2018, mis à jour le 23 mars 2018

Jacques Weber est monté sur la scène séoulienne à deux reprises. Une première, afin de présenter, mercredi, sa nouvelle pièce  « Hugo au bistrot », dans le cadre de la Fête de la francophonie. Puis, hier, afin de rentrer dans la peau de Victor Hugo et lire ses textes face à un public franco-coréen.


Au cours de cette conférence de presse qui s’est tenue au Novotel Ambassador de Gangnam, le comédien de 68 ans a aussi eu l’occasion de revenir sur son dernier ouvrage : Vivre en bourgeois, penser en demi-dieu, publié aux éditions Fayard. Mais les questions posées ce jour-là proviennent de journalistes de différents médias et non d'une entrevue individuelle. Donc lepetitjournal.com Séoul relate ici les propos de Jacques Weber selon les thématiques abordées au cours de cet après-midi.

 

Premières impressions sur le pays du Matin calme

Tout d’abord, je ne me permettrais pas de définir précisément par une généralité convenue, le public franco-coréen. J’ai joué devant un certain public, dans certaines circonstances. Parfois curieuses, d’autres pittoresques. À Hong Kong et Macao notamment. J’ai d’ailleurs trouvé cette dernière plutôt terrorisante… Mais en ce qui concerne le public, je trouve qu’il est toujours dangereux de le définir de façon généraliste. Néanmoins, je viens de découvrir les rues de Séoul et de rencontrer certains habitants de cette ville. Et pour le moment j’ai une sensation d’être dans un lieu plus calme et modéré que les endroits que j’ai dernièrement visités en Asie.

D’où vient l’idée de jouer Victor Hugo ?

L’élection du nouveau président de la République a entraîné une période au cours de laquelle de nombreux politiques se sont exprimés. Et quelle que soit leur opinion, j’ai remarqué que tous citaient Victor Hugo. J’ai trouvé ça étrange. Notamment car ils s’adressent à un large public composé de couches sociales diverses et variées. Donc, penser qu’une phrase de Victor Hugo va pouvoir être importante pour les séduire — car hélas, il est question de séduction dans une élection au suffrage universel —, il doit y avoir quelque chose. Ce quelque chose est un lyrisme extrêmement direct et accessible, avec des mots puissants, forts, simples, reconnaissables et dans une rythmique de phrases tout aussi puissante, audible, forte, simple et rapidement touchante. Ce qui n’est pas forcément le cas d’autres lyrismes et d’autres écritures. Et ce lyrisme est porteur de grands questionnements. Or, Marguerite Duras nous mettait justement en garde à propos des années 2000 : « Le grand danger c’est qu’il n’y aura plus de questions, il n’y aura que des réponses ».

Et pour quelles raisons cette pièce a-t-elle pour décor un bistrot ?

Le bistrot est un lieu d’échange et d’empathie. Un environnement ouvert et généreux dans lequel les rapports sont simples. Je souhaitais remettre Hugo parmi nous et non plus présenté par le biais d’une grande soirée académique et littéraire dans laquelle on regarde les gens de haut. Ce qui est beau, c’est de jouer les textes de Hugo en confidence, presque les yeux dans les yeux. Et non plus du haut vers le bas. Car l’auteur touche tout le monde et tous les sujets. Vieillesse, naissance, jeunesse, amour… Je suis persuadé que Victor Hugo a parlé de tout. Même d’un drame que peu de gens ont vécu, à savoir la perte d’un enfant. Mais à mes yeux, ses discours du haut de la chambre des députés sont les plus importants.

Les textes de Victor Hugo choisis pour la pièce.

J’arrive sur scène. Seul. J’ai avec moi, des textes que j’ai choisi, que je ne représente ni par ordre thématique ni par ordre chronologique. Rien n’est défini. Tout dépend des soirs, de la représentation mais aussi du public devant lequel je joue.
Certains textes sont lus, d’autres sont interprétés, voire parfois expliqués. Telle est la différence entre ce spectacle et une matinée poétique (soirée académique, ndlr). Qui plus est, je suis de nature à me jeter corps et âme dans un rôle, dans un texte plutôt que de la prendre à distance. Donc je crois que ce rapport physique avec le texte agit de telle sorte que cette pièce est réellement du théâtre.

Qu’est-ce qui caractérise Vivre en bourgeois, penser en demi-dieu ?

Il est courant d’entendre que, contrairement au cinéma, le spectateur d’une pièce de théâtre décide du cadrage. Il choisit ses gros plans. Ce serait l’une des différences entre ces deux arts. Selon moi, cette affirmation est à la fois vraie et fausse puisque la mise en scène propose un cadre qui va être reçu différemment selon chaque personne. Donc je pense que plus l’intimité d’un individu est riche, sensible et ouverte au monde, plus elle est susceptible de recevoir de manière unique et originale le rapport que lui propose l’œuvre qu’il lit ou entend. C’est ainsi que j’ai bâti le livre sur Flaubert. Puisque j’avais à le jouer, j’ai constaté qu’à chaque moment que je lis cet auteur, quel que soit le thème ou le décor décrit, je suis touché puisqu’il me renvoie, soit à des souvenirs extrêmement précis, soit à des réflexions que je fréquente assidûment.

Victor Hugo, Flaubert… Une préférence pour le théâtre classique ? 

Comme vous avez pu le constater, je n’ai plus vingt ans. Je suis donc issu d’une culture classique. Ce qui ne signifie pas que j’en ai la nostalgie. D’ailleurs, je ne travaille jamais de façon nostalgique ! Et puis, je joue régulièrement des rôles contemporains. Seulement, je ne peux pas cacher la vérité : je suis l’un des rares acteurs français à avoir joué 300, 400 voire 500 fois des rôles aussi classiques que Don Juan ou Tartuffe. Ou bien des pièces de Molière ou encore Brecht… D'ailleurs, Tchekhov est le seul auteur que je regrette de ne pas avoir joué.
« Pour que l’arbre bourgeonne, il faut des racines. » Peut-être pensez-vous que je suis plus du côté des racines que des bourgeons ? En ce sens-là, vous avez bien raison. Mais j’estime que des auteurs de rap tels que Booba sont tout aussi importants que Jean Renoir, Godard, Hong Sang-soo ou John Ford. La correspondance entre les temps crée une connaissance plus intéressante, plus touchante, plus vivante que simplement décréter : « ça c’est fini, ça c’est nouveau ».

En Corée du Sud, lancement de la première édition du festival de théâtre francophone 2019

Je vous le dis avec une sincère humilité, je suis touché — le mot « honoré » me fait peur — que l’on me demande d’être le parrain de cette aventure, de cette formidable initiative.

Un projet franco-coréen en perspective ?

Il me semble qu’il y a un réel intérêt pour la culture française en Corée du Sud. On a évoqué plusieurs fois des possibilités d’échanges, de relations. Et j’estime qu’il est extrêmement positif que les langues dialoguent les unes avec les autres et qu’elles se capilarisent. 
Je suis disposé à travailler sur de tels échanges. Je dois y réfléchir... Pourquoi pas monter une pièce en France avec des acteurs français — ce que je dois faire très prochainement. Puis, me déplacer en Corée du Sud afin de retrouver cette mise en scène, mais avec des acteurs sud-coréens dans la langue sud-coréenne. Enfin, je pourrais envisager la possibilité d’un échange : le spectacle se déplacerait à Séoul et vice-versa. Oui, ce projet me plairait beaucoup. 

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