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Yves Teyssier d’Orfeuil : “Il y a une volonté commune d’apaisement“

Consul général Sao PauloConsul général Sao Paulo
Yves Teyssier d'Orfeuil, nouveau Consul Général de France à São Paulo - © Guillaume Thieriot
Écrit par Guillaume Thieriot
Publié le 1 novembre 2020, mis à jour le 1 novembre 2020

Rencontre avec le nouveau Consul Général de France à São Paulo, qui a pris ses fonctions fin septembre: son regard sur le Brésil, sur la relation franco-brésilienne, ainsi que ses priorités dans le contexte sanitaire et sécuritaire actuel.

Yves Teyssier d’Orfeuil n’était pas programmé pour prendre un poste en Amérique Latine, au Brésil. Arabisant, il est entré au Ministère des Affaires Étrangères il y a une vingtaine d’années par le concours d’Orient, et a été logiquement envoyé d’abord en Palestine, puis en Libye et en Tunisie. Un détour par Bruxelles, et le voilà sur un autre versant peu connu de l’activité diplomatique : les affaires religieuses, avant l’Ambassade près le Saint Siège, au Vatican, où il était numéro deux jusqu’au mois d’août dernier.

Cependant, le Brésil ne lui est pas tout à fait étranger. Ses grands parents maternels étaient en effet brésiliens, et sa mère est partie en France avec eux lorsqu’elle avait 11 ans. Ce qui aurait dû n’être qu’un passage de quelques années à l’UNESCO est devenu installation définitive à Paris, où il est né.

Pour autant, il ne parle pas (encore) portugais avec aisance, même s’il le comprend et le lit, grâce à son grand-père, qui a toujours communiqué avec lui dans sa langue. A-t-il eu un pressentiment inconscient lorsqu’à 18 ans, regrettant de ne pas savoir parler portugais, il a proposé à son grand-père de lire un livre avec lui ? Ce dernier lui a alors mis dans les mains un monument de la littérature lusophone, Les Maia, de Eça de Queiroz, qu’il lui a vendu comme le Balzac portugais pour faire passer les mille pages, lues à raison d’une heure par semaine.

Lui a-t-il dit aussi que Eça de Queiroz avait été diplomate ? Et même Consul du Portugal à Paris à la fin de sa carrière ? Un signe, qui sait.

Paroles de Consul :

Premières impressions à São Paulo

Ma première impression c’est d’abord le gigantisme de la Ville. Assez rapidement nous sommes montés avec mon adjoint Christophe Alamelama, qui est arrivé en même temps que moi, au sommet de cette tour de 25 étages (le Consulat Général est au quatorzième étage d’un building de l’Avenue Paulista - NDLR), et puis on a vu une forêt de tours sans fin. Je n’avais jamais vu dans ma vie un spectacle pareil, c’est très impressionnant. Je suis né à Paris, donc j’ai l’habitude des grandes villes, mais ici Paris semble assez petit. Quand on est à Montmartre ou au sommet de la Tour Eiffel, on voit des collines vertes pas très loin. Ici c’est vraiment une très grande forêt de béton. Le contraste est très impressionnant.

Premiers contacts

Il y a un aspect un peu étrange d’arriver pendant la crise sanitaire. Tout fonctionne à un rythme très particulier, comme un peu partout dans le monde évidemment. Tous les collègues n’étaient pas présents, on n’a pas repris le rythme normal ici. J’ai mis du temps à tous les rencontrer. Et puis c’est une ville où, la plupart du temps, on fait connaissance par écrans interposés.

Il y a eu quelques contacts individuels, présentiels, à la résidence consulaire ou ici, mais la plupart  des réunions sont virtuels. On trinque éventuellement par zoom comme on l’a fait hier soir lorsque le président du conseil délibératif de l’Alliance française a invité tout le monde à lever son verre à la fin de la réunion. On trinque désormais devant nos écrans !

Réouverture du consulat

L’évolution de la pandémie fait qu’on essaye de s’ajuster au mieux. On est en train d’adapter les orientations que mon prédécesseur avait laissées, parce que la situation est en train de s’améliorer un petit peu ici, mais avec prudence, parce qu’on voit ce qui se passe en Europe. On fait évoluer la reprise d’activité en présentiel, mais de façon encore assez limitée.

Pour ce qui concerne le consulat, beaucoup de choses ont été suspendues au début de la crise. Les visas ont repris à partir du 22 juillet, mais seulement certaines catégories bien précises de personnes ont la possibilité d’en obtenir, et on a repris l’ouverture au public le 3 août, mais de façon limitée également avec prise de rendez-vous obligatoire, de façon à ce que les personnes ne se croisent pas.

La sécurité d’abord

La priorité est liée au contexte, elle est de maintenir la sécurité des collègues. C’est bien l’enjeu de réfléchir à une reprise progressive afin qu’on ne prenne pas de risque. C’est une vraie préoccupation pour les agents, pour nous tous, c’est pour cela qu’on est très précautionneux à l’intérieur des locaux. ça s’impose comme la priorité première.

Il y a aussi la sécurité d’une façon plus générale, qui est toujours un point d’attention important dans une ambassade ou un consulat général. Malheureusement le contexte du mois d’octobre et de ces derniers jours montre qu’on doit toujours rester vigilant. Cela nécessite de nous sensibiliser aux questions de sécurité, même si on n’est pas dans une des zones les plus affectées par la fièvre que l’on observe aujourd’hui.

Continuité des actions du consulat

La priorité ensuite, c’est la continuité des actions du consulat qui, au-delà des activités consulaires, doit agir en soutien aux activités culturelles et économiques, car on est ici dans la capitale économique et culturelle du pays, une ville essentielle au Brésil. Toute la programmation 2020 a été suspendue, transformée, reprogrammée autrement et on s’adapte à cette situation qui doit durer encore le temps de la pandémie.

La communauté d’affaires est très importante à São Paulo. Je suis en lien avec tous les acteurs économiques (Conseillers du commerce extérieur, Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Brésilienne), on est ici au coeur du milieu d’affaires et en soutien aux activités françaises pour aider au développement des relations entre la France et le Brésil.

Le consulat s’appuie aussi sur un réseau de consuls honoraires. Nous avons cinq Etats dans la circonscription consulaire et sept consuls honoraires. Ce sont des relais du consulat général pour la communauté française, pour des démarches administratives, mais aussi en termes de liens avec les autorités locales. Ce sont des relais importants dans la diplomatie économique et culturelle. J’ai fait connaissance avec eux par WhatsApp, mais j’espère pouvoir les rencontrer prochainement.

La relation France-Brésil

Il y a une volonté commune d’apaisement. Il y a eu des difficultés, mais il y a une volonté de part et d’autre que les choses se normalisent. Il y a des contacts qui reprennent ; c’est le travail de l’Ambassade à Brasilia au premier chef, et après de façon déconcentrée des consuls généraux dans les contacts qu’ils auront avec les uns et les autres. La relation, elle se travaille à tous niveaux, les échanges culturels, les liens avec le monde économique. Ici en étant à São Paulo, c’est le lien avec la municipalité et l’État d’abord, ainsi que les autres États de la circonscription. Après je constate qu’il y a des liens à d’autres niveaux,  comme par exemple les liens réguliers entre la municipalité avec la Ville de Paris.

Le Grand lycée Pasteur et l’Alliance française

Le lycée pasteur est un lycée ancien à São Paulo, qui va fêter son centenaire en 2023. Il y a un projet de grand lycée Pasteur qui a été lancé par mon prédécesseur, que je vais suivre et accompagner dans son développement, et qui vise à faire en sorte que de 1200 élèves aujourd’hui, on puisse accueillir en 2030 jusqu’à 2500 élèves. C’est un projet à la fois architectural et financier, un projet ambitieux de développement de l’établissement.

Quant à l’alliance française, qui est un lieu de référence de la vie culturelle à São Paulo, elle est fermée, mais elle a bien rebondi, elle s’est bien adaptée à la crise en basculant dans les cours en ligne, qui ont très bien fonctionné. Les inscriptions au deuxième semestre sont en hausse. l’alliance s’en sort bien de ce côté-là et a également réussi à continuer les activités culturelles en ligne, au-delà des cours de français. C’est encourageant de voir qu’il y a eu une adaptation réussie aux circonstances actuelles. Pour les autres, c’est plus ou moins facile, il y a 20 alliances dans la circonscription (sur les 37 du pays - NDLR). Mais pour São Paulo, c’est encourageant.

La communauté française : en diminution mais active

La première chose qui m’a frappé ici, c’est que la communauté française est plutôt en diminution. En 2015, on était à près de 11.000 français inscrits au registre, et en 2020 on est à près de 8.000. C’est sensible comme diminution. C’est dû à la crise au Brésil mais aussi le fait qu’il y a de moins en moins d’expatriation dans les grands groupes.

Mais il y a aussi un nombre important de personnes qui sont au Brésil depuis très longtemps, voire depuis plusieurs générations, ils sont plus brésiliens, mais ils souhaitent garder le lien. C’est une vraie réalité, surtout dans le sud du Brésil.

Pour un pays de 210 millions d’habitants, c’est une petite communauté, mais très active, notamment en ce qui concerne les liens économiques, culturels. Les investissements directs au Brésil sont très importants. Il y a vraiment une volonté française d’être présent au Brésil qui est manifeste.

A titre d’exemple, la gastronomie est passée par un moment très difficile durant la crise. Les français ont résisté, ont maintenu les emplois et continuent d’investir. C’est un bel exemple des investissements de Français qui croient au Brésil.

Le tissu associatif

Il y a un tissu associatif français important qui existe ici, des associations de bienfaisance, de solidarité, d’aide à la communauté française. Le consulat travaille en lien étroit avec ces associations françaises ou franco-brésiliennes. Je constate que cela fait vivre la communauté française dans une dynamique de solidarité au sein de la société brésilienne. De ce point de vue, c’est important, c’est un des acteurs de notre réalité.

Les inquiétudes de la communauté française

L’inquiétude des français, telle que je la ressens, c’est le développement de la pandémie, malgré l’amélioration, c’est les interrogations sur une possible deuxième vague que l’on voit en Europe.
Les liaisons aériennes ont toujours été maintenues. Donc, pour la communauté française, il y a une possibilité de retourner en France. Mais c’est la crise sanitaire qui complique cette situation. On est en décalage. On l’a été dans ces derniers mois, on va sans doute l’être dans les première et deuxième vagues. C’est la difficulté à avoir des échanges normalisés dans les liens familiaux avec la France.

On évoque souvent la résilience des Brésiliens. Mais je pense que la communauté française ici se montre très résiliente par rapport à cette situation et sait qu’on va devoir continuer sur un mode très particulier. On se doit d’être prudents sur nos perspectives, nos programmations. il est très difficile de construire de façon précise dans le contexte actuel.

Le prolongement du plan d’urgence ?

Il n’y a pas encore d’informations mais on va faire un point là-dessus. Une réunion du conseil consulaire pour la protection et l’action sociale est prévue prochainement avec nos élus. Les élections des Français de l'étranger sont une des échéances de l'année prochaine ; elles devaient avoir lieu en mai dernier mais ont été repoussées en raison de la pandémie et devraient avoir lieu en mai prochain.

Consul general Sao Paulo
Fin d'interview “présentielle“ mais “distanciée“.

 

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