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Brésil: le retour de la faim

Le retour de la faim au BrésilLe retour de la faim au Brésil
Affiche sur l'Avenue Paulista: "la faim est de retour" / Vincent Bosson
Écrit par Vincent Bosson
Publié le 23 juin 2022, mis à jour le 30 septembre 2024

La 2e enquête nationale sur l'insécurité alimentaire au Brésil, dans le contexte de la pandémie, a été publiée ce mois de juin et révèle que 33 millions de personnes souffrent de la faim dans le pays. Devant ce chiffre effroyable, une question nous brûle les lèvres : Pourquoi 15% de la population brésilienne a-t-elle faim en 2022 ?

 

infographie la faim au Brésil

 

Géographie de la faim. Le dilemme brésilien : pain ou acier 

La faim revêt différents masques au Brésil, marqué par son histoire et les inégalités sociales qui persistent encore aujourd’hui. Ainsi, l’accès à une alimentation saine et nutritive apparaît comme un élément important pour comprendre la problématique. Pour l'économiste Francisco Menezes, ancien président du Conseil national de la sécurité alimentaire et de la nutrition (Consea), la faim a acquis de nouveaux visages au fil du temps, même lorsque les gens n'ont pas faim. Il cite les propos du chercheur et écrivain brésilien Josué de Castro, auteur de l'ouvrage « Géographie de la faim. Le dilemme brésilien : pain ou acier » (1951), dans lequel l'auteur dévoile « la faim cachée », une carence en protéines et autres nutriments. « Au Brésil, ce type de faim est de plus en plus répandu. Dans les couches de revenus les plus faibles, la présence de surpoids est très forte par exemple et s'explique en grande partie par une mauvaise alimentation ».

 

Un homme cherche à manger dans la rivière
Un homme cherche à manger dans le Rio de Tamanduateí / Vincent Bosson

 

La lutte contre la faim au Brésil

Les données de la faim au Brésil de 2022 correspondent à la situation du pays dans les années 90. Ce retour en arrière peut être attribué à différents facteurs, dont les politiques publiques mises en place pour lutter contre la faim dans le pays. Dans un texte de Céli Regina Jardim Pinto, sociologue au département de science politique à l’université fédérale de Rio Grande do Sul, l’auteur revient sur « l'Action citoyenne contre la faim » et la figue d'Herbert de Souza, surnommé Betinho, sociologue et militant de la gauche catholique, qui a créé l'Institut brésilien d'analyses sociales et économiques (Ibase), en 1980. Cette organisation est devenue un acteur majeur de la lutte pour la démocratie et la justice sociale. L’auteur note toutefois que, malgré son indépendance, Ibase a toujours été marqué par ses relations avec l'Église catholique et le Parti des travailleurs.

 

En mars 1993, l’année suivant la destitution de Fernando Collor, le secrétariat exécutif national de l'action citoyenne est fondé, comprenant Caritas et la CNBB, deux importantes institutions catholiques au Brésil. Lula (PT) remet au Président de la République d’alors, Itamar Franco, une proposition de lutte contre la faim avec la création d’un Conseil de sécurité alimentaire (Consea). Supprimé par la suite, le conseil a été recréé avec l'investiture de Lula en janvier 2003.

 

Des personnes attendent les poubelles du Marché Municipal à São Paulo / Vincent Bosson
Des personnes attendent les poubelles du Marché Municipal à São Paulo / Vincent Bosson

 

Le démantèlement des politiques publiques

Depuis 2016, le gouvernement brésilien réduit les politiques publiques de lutte contre la faim et, par conséquent, explique une partie de la situation actuelle.

En outre, le ministère du développement agraire, qui était destiné à la création de petites et moyennes exploitations familiales, a été supprimé par le gouvernement Temer en 2016. Le gouvernement Bolsonaro, quant à lui, a supprimé le Conseil national pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle (Consea), lors sa première mesure provisoire en 2019.

Aussi, malgré les politiques de transferts monétaires visant à atténuer la crise provoquée par la pandémie en 2022, l’année suivante a été marquée par un appauvrissement important des Brésiliens. Avec la suppression de l'aide d'urgence, la situation s’est empirée.

Mais le problème n'est pas seulement une question des transferts de revenus, car le Brésil présente des inégalités historiques qui n'ont jamais été complètement résolues. La faim a aussi une couleur, un sexe, une condition sociale et un lieu de vie.

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