Bolsonaro l’avait dit, et il l’a fait. Il s’est mêlé personnellement de l’élection du président des deux chambres du Parlement brésilien : le Sénat et la Chambre des Députés. Et il a ainsi fait gagner ses deux candidats, avec les méthodes de la vieille politique, celle-là même qu’il avait pourtant pourfendue lors de son élection à la Présidence de la République en 2018.
C'était à la sortie d'une réunion avec des parlementaires de son ancien parti, le PSL (Parti Social-Libéral), le 27 janvier dernier ; le président brésilien avait alors admis: "nous sommes venus faire une réunion, là, avec 30 parlementaires du PSL et nous allons, si Dieu le veut, participer, influer sur la présidence de la chambre."
Selon ses adversaires et les commentateurs brésiliens, les négociations individuelles ou par petits groupes ont alors pris de la vitesse à mesure que le jour de l'élection des deux présidents des deux chambres du pouvoir Législatif approchait.
Réformes constitutionnelles en vue
Subventions, nominations, possibilités d'amendements, contournement des partis à travers les bancadas (les bancs) dit de la « balle » (pour la vente libre des armes), de la « bible » (évangélistes conservateurs) ou du « boeuf » (députés ruraux défendant les intérêts de l’agro-business), le Président Bolsonaro aurait donc mis tout son poids dans la balance pour prendre ces deux présidences, et se mettre ainsi à l’abri des commissions d’enquête et autres procédures d’impeachment qui menacent son gouvernement et la fin de son mandat.
Cité par le magazine Isto É, le précédent président de la Chambre, Rodrigo Maia (Démocrates), dont la cohésion du parti a volé en éclats à ce petit jeu pipé du plus offrant, la facture des promesses faites s'élèverait à 20 milliards de Réaux (3 milliards d'euros). Une paille quand le pays manque de vaccins, et que la population la plus pauvre souffre des conséquences économiques de la pandémie.
Au final, au Sénat, Rrodrigo Pacheco (Démocrates) a obtenu 57 voix contre 21 à son adversaire, Simone Tebet (MDB-Mouvement Démocrate Brésilien), lâchée par son parti en rase campagne. Dans son discours de candidature, celle-ci a mis les pieds dans le plat de lentilles (ou de feijão, ici), en admettant qu'elle n'avait ni argent, ni nominations, ni amendements à offrir, seulement du travail "collectif".
Et à la Chambre des Députés, Artur Lira (Progressistes) a obtenu 302 voix sur les 503 suffrages exprimés. Un score élevé, surprenant pour tous les commentateurs (il lui fallait 257 voix sur 513 députés fédéraux). Ce total place son bloc du centrão (ce "gros centre" élargi et malléable, négociateur de postes et de voix avec tous les exécutifs depuis la fin de la dictature) à 6 voix seulement du seuil des 308 voix nécessaires pour faire adopter des réformes constitutionnelles. Un autre souhait déclaré du président de la république brésilien.