Dans le contexte pandémique et à l’approche de Noël, lepetitjournal.com do Brasil propose une série de reportages sur des ONG où brésiliens et français unissent leurs efforts en faveur des plus vulnérables. Episode 1 avec l’ONG A.A.Criança, une association implantée dans le quartier de la Luz à São Paulo, et qui intervient auprès des enfants “en situation de rue“, des filles mères, et des familles sans abri stable.
C’est une ONG née dans les années quatre-vingt dix, “sur les marches de la cathédrale de la Sé“, (prononcer “sè“), selon le mot de l’une de ses fondatrices, Maria-Cecilia Leme. A l’époque, la cause des enfants semblait progresser, au moins sur le papier, avec l’adoption en 1989 de la Convention des Droits de l’Enfant par une Assemblée générale des Nations Unies unanime.
Mais dans les rues de Rio, Recife, Salvador ou São Paulo, l’histoire était tout autre. Comme souvent, un mouvement positif déclenchait son contraire, en réaction, et les enfants des rues étaient régulièrement assassinés par des milices infanticides - souvent des policiers convaincus que cette question ne souffrait qu’une réponse répressive. On se souvient en particulier du massacre de la Candelaria, à Rio. C’était il y a 27 ans ; 8 enfants tués devant l’église éponyme.
C’est dans cette violence qu’une lumière est apparue dans le quartier de la Luz, à São Paulo. Quelques fidèles ont commencé à s’intéresser aux enfants qui gravitaient autour de la cathédrale de la Sé, à “aller vers“ eux. Puis un français qui passait par là s’est intéressé à leur action et leur a prêté main forte. Les deux piliers de soutien de la future association étaient ainsi plantés : communauté catholique d’un côté, française de l’autre.
Depuis, l’une et l’autre ne se sont jamais dérobées. L’église d’abord, dont la paroisse de la Sé, à l’instar du diocèse, a une longue histoire militante, engagée auprès des plus faibles ; la marque du cardinal Paulo Evaristo Arms, évêque de São Paulo et figure emblématique de la théologie de la libération.
Un « appui magique » de la communauté française
Ensuite la communauté française, très active depuis cette première rencontre fortuite qui a scellé la suite. A.A.Criança (version courte de “Associação de Apoio aos Meninos e Meninas da Região Sé“) est l’une des sept ONG soutenues par São Paulo Accueil. Et ce soutien n’a pas faibli pendant la pandémie, au contraire. Dès le 28 mars, un système de collecte de produits de première nécessité s’est mis en place, avant de basculer en juillet vers une formule de dons mensuels permettant d’acheter des “cestas básicas“, des “paniers d’essentiels“ préparés et livrés par une entreprise spécialisée. Depuis le début de la crise sanitaire, ce sont ainsi plus de 15 tonnes d’aide alimentaire qui ont pu être distribuées. Un “appui magique“, selon Everaldo Santos Oliveira, le coordinateur intarissable et passionné de l’association.
Mais au-delà de cette adaptation à l’urgence du moment, A.A.Criança, c’est avant tout un travail de terrain, enraciné dans la rue et les squats, aux côtés de ceux que la vie a laissé dériver, à commencer par les enfants. D’ailleurs, ne dites pas “enfants des rues“, mais “en situation de rue“, nous rappelle Everaldo, manière de rappeler que la rue n’est pas une adresse choisie, mais un état de fait résultant d’une somme de facteurs familiaux et sociaux.
Après les premières actions adossées à la Pastoral do Menor (la Pastorale du mineur, ministère créé par la soeur du cardinal Paulo Evaristo Arms), le besoin d’une structure d’appui s’est très vite fait sentir. Ainsi est née l’ONG à la fin des années quatre-vingt-dix, avec un fort soutien de la municipalité, ce qui lui a permis de se développer rapidement, d’élargir son champ d’action aux jeunes mères et aux familles sans abri, et de créer un Centre de défense des enfants et adolescents, le CEDECA Mariano Kleber dos Santos - Sé, du nom d’un enfant assassiné.
Deux maisons et la sollicitude en action
Las, les alternances politiques ont eu raison de ce soutien et, depuis 2012, la municipalité a fermé le robinet à subventions, privilégiant de nouvelles modalités de financement, qui visaient à orienter davantage l’action des associations selon les priorités du moment, nonobstant le travail de fond que chacune pouvait réaliser sur le terrain. A.A.Criança n’a pas voulu de cette ingérence, ni surtout renoncer à l’essence de son travail, convaincue de la nécessité de le poursuivre ainsi, toujours au plus près de ses publics. Elle a donc dû réduire la voilure, mais l’équipe (de 7 personnes aujourd’hui, psychologues, éducateurs, assistante sociale) tient toujours son cap, grâce à ses soutiens de toujours et aux dons reçus de particuliers, d’organismes religieux (comme l’Instituição das Irmãs Santa Cruz) et d’entreprises (notamment françaises, comme le Crédit Agricole CIB cette année).
Entre la rue et les deux maisonnettes que lui prête le diocèse, l’association reste ainsi fidèle à ses fondamentaux, à savoir le travail dans la rue, le « aller-vers », une action qui s’apparente à une opération de sauvetage des personnes dans la durée (“et il ne peut en être qu’ainsi“, insiste son coordinateur), et un accueil sans aucune forme de jugement moral. En termes plus modernes, on parlerait ici volontiers d’un prototype du care, en français la sollicitude ; état d’esprit que l’on ressent très vite en circulant dans ces locaux, exigus en taille mais larges en esprit. Ici on reçoit, individuellement ou en groupe, les jeunes mères, les familles ainsi que les enfants en situation de rue, ce qui leur permet de se nourrir et de se laver une fois par semaine, et d’avoir un commencement de chez eux autre que le dehors. Ce sont d’ailleurs les enfants qui ont peint et nommé l’une des deux maisons la Casa 20 (vinte, ou vingt en français, qui n’est autre que le numéro de la rue, en même temps qu’un siècle que l’on voudrait enfin dépasser, s’agissant des violences faites à ces enfants qui perdurent).
En sortant de leurs locaux, dans la rue paisible, nous rencontrons deux jeunes femmes venues chercher leurs cestas básicas. L’une a sept enfants, mais a dû quitter le domicile conjugal pour ne plus être battue, au risque de la prostitution d’abord, puis de la vie insalubre dans un squat. La seconde survit comme elle peut, avec ses quatre enfants et un mari qui a sombré dans la drogue, et qui remonte la pente peu à peu. L’une et l’autre parlent avec émotion de l’assistante sociale de l’ONG, Claudia, et de cet endroit où on les reçoit sans les juger, et où on devance même leurs questions, leurs demandes, leurs besoins. Sollicitude, disais-je.
Comment aider A.A.Criança ?
L’association A.A.Criança a toujours besoin de bénévoles et de moyens financiers supplémentaires pour répondre aux besoins de ses publics. Contact : Everaldo Santos Oliveira, diretor executivo, tel. +55 11 97898337 (portable), ou au siège +55 11 32294045.
Pour suivre leurs actions, voir la page Facebook de l’association.
Pour les cestas básicas et contribuer aux prochaines récoltes de fonds, contactez sur WhatsApp Carolina (+5511977566169) ou Tania (+33665636284), de São Paulo Accueil. A ce jour, chaque cesta coûte 53 réais. Pas de limite au nombre de cestas bien sûr.
Pour un soutien financier, deux possibilités:
- dons directs à l’association, en contactant son responsable directement.
- sinon une formule simple (et indolore) consiste à s’enregistrer sur l’application Nota Fiscal Paulista, à télécharger ici sur son portable, et de choisir l’ONG A.A.Criança comme bénéficiaire des reversements de ses “crédits de consommation“ (les donations sont dans le menu à gauche, cliquer sur Entidades->doação de cupons com CPF Automática“, puis rentrer l’association comme bénéficiaire en saisissant son numéro CNPJ: 74.121.880/0001-90). Penser bien sûr à donner ensuite son numéro de CPF à chaque achat. (- CPF na nota ? - Agora sim !)
Parrainages de Noël : comme chaque année, l’ONG prévoit de donner des cadeaux d’un montant moyen de 100 réais aux enfants qu’elle accompagne. Vous pouvez soit acheter le.s cadeau.x et le.s leur porter, soit leur verser la somme correspondant au nombre de cadeaux souhaité.