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1 an après le début de la pandémie les écoles restent fermées au Chili

une salle de classe videune salle de classe vide
MChe Lee - Source : unsplash.com
Écrit par Naïla Derroisné
Publié le 26 avril 2021, mis à jour le 29 avril 2021

Dépression, manque de motivation ou encore difficultés pour dormir... Ce sont quelques-unes des conséquences de la pandémie sur les enfants et adolescents au Chili. Cela va faire plus d’un an qu’ils n’ont pas mis les pieds à l’école, les cours se faisant en ligne. Témoignages de mamans françaises installées au Chili.

En 2020, à cause de la pandémie, les enfants ont suivi leurs cours en ligne tout au long de l’année scolaire. Cette année la rentrée en présentiel a bien eu lieu début mars (les vacances d’été sont en janvier-février au Chili NDLR) mais une semaine après, le gouvernement a décidé de fermer les écoles en raison du retour en force de l’épidémie. Les parents sont donc, à nouveau, confrontés à la lourde tâche des cours en ligne.  

"Je n’ai absolument pas de temps pour moi", raconte Jennifer, une française installée au Chili depuis plusieurs années et mère de Luna, 6 ans, et Matteo, 5 ans. Son fils suit une pédagogie alternative. "L’école nous envoie des chansons ou des histoires audios, mais il n’y a pas de cours en ligne. Heureusement mon garçon s’occupe très bien tout seul", explique Jennifer. C’est sa fille qui lui demande plus d’attention : "Elle a une à trois heures de cours en ligne par jour. Il faut s’assurer d’être bien connecté à la classe, gérer le matériel pour les activités, suivre les devoirs... C’est assez stressant de tout assurer en plus des tâches quotidiennes, le repas, le boulot, etc." Jennifer travaille donc le soir, après avoir couché ses enfants. Elle écrit des articles pour un magazine publié en France. "Je me lève dans la nuit, généralement vers 3 h du matin, pour faire les interviews, car dans la journée je n’ai pas le temps. Et désormais, nous avons 6 heures de décalage avec la France." 

un enfant suit un cours en ligne
Thomas Park - Source : unsplash.com


Au second semestre de l’année 2020, la Fondation Action Éduquer et la Direction de l’Éducation Publique de Chinchorro, ont réalisé un sondage auprès d’enfants et d’adolescents dans les régions d’Arica et de Parinacota. Les résultats sont alarmants. Environ 73 % des lycéens disent avoir ressenti des symptômes de la dépression. Plus de 31 % n'ont plus de motivation pour suivre leurs activités extrascolaires. "Mon garçon de 13 ans est souvent enfermé dans sa chambre et pour le faire sortir de la maison c’est la croix et la bannière. Mon petit de 7 ans dort mal et a des crises de larmes", raconte Emeline enseignante et présidente du centre éducatif Florecer, à Santiago. Ses trois enfants suivent les programmes du CNED. "Pour nous, l’école à la maison n’est pas un problème, on sait gérer, explique-t-elle. La vraie difficulté, c’est le sentiment d’enfermement et le manque de socialisation." Emeline raconte que sa fille de 16 ans, Ema, est sujette à l’autisme et a des troubles déficitaires de l’attention et trouble multi-dys : "Ema se socialise à travers les activités qu’elle réalise. Elle ne va pas se faire d’amis sur les réseaux sociaux. Et elle a besoin d’une stimulation physique, elle doit faire beaucoup de sport. Donc, forcément, avec le confinement tout ça devient plus compliqué. Nous devons redoubler d’imagination. Mais elle a régressé, ça c’est sûr. Elle est plus isolée, et le long confinement de l’année dernière a eu de lourdes conséquences médicales."  

Tous les week-ends on sort se balader en forêt avec les enfants. On a jamais vu de contrôles.

Au Chili, lorsqu’une commune se trouve en phase 1, autrement dit en confinement total, le gouvernement n’autorise que deux sorties par semaine et par personne. Alors pour Jennifer et sa famille "le plus difficile c’est de ne pas pouvoir sortir et se déplacer librement". Ils vivent dans un appartement à Ñuñoa, et dans leur immeuble il y a bien un petit coin de nature mais "chaque famille ne peut réserver qu'une heure pour pouvoir en profiter", explique-t-elle. Et de poursuivre : "Il suffirait juste qu’on puisse sortir quand on veut, dans un rayon de quelques kilomètres autour de la maison, comme ça se fait en France !" 

un enfant avec son masque et son cartable attend seul devant l ecole
Kelly Sikkema - Source : unsplash.com


Comme dans beaucoup de pays, le confinement au Chili se vit différemment en fonction du lieu de vie. Julie est ingénieure civile et habite dans le sud du pays, à Puerto Varas, avec son mari et ses deux enfants de 4 et 6 ans. Actuellement, leur commune est en phase 2, les enfants peuvent donc aller à l’école. Et même s’il existe des restrictions "le confinement n’est pas si terrible ici, concède Julie. Nous vivons dans une maison avec un petit jardin. Nous avons de l'espace et les enfants peuvent se retrouver pour jouer dans le lotissement. Et puis les week-ends, nous essayons toujours de sortir, d’aller se balader en forêt. Nous n’avons jamais vu de contrôles. Je pense qu’il y en a davantage à Santiago."

Une autorisation de sortie pour les personnes âgées mais pas pour les enfants

Le gouvernement a récemment autorisé les personnes à sortir de chez elles entre 6 h et 9 h du matin pour pratiquer des activités sportives, en plein air et individuellement. Emeline, son mari et ses 3 enfants, profitent de ce moment pour enfiler leurs baskets et sortir faire du vélo. "Ensuite, on rentre à la maison, les enfants se mettent à étudier, je leur fais la classe et je travaille l’après-midi. Mon mari prend ensuite la relève. Lui, travaille le matin et se dégage du temps pour s’occuper des enfants après le déjeuner. Nous avons de la chance d’être deux !" Pour Jennifer, c’est plus compliqué : "Ma fille a son premier cours à 8 h 30 le matin. Je ne vais quand même pas la lever à 6 h pour aller se balader ?" se demande-t-elle ironiquement.  

Les trois mamans sont néanmoins toutes d’accord sur un point : "il faut mettre en place une autorisation de sortie pour les enfants", nous commentent-elles. "L’année dernière, le gouvernement avait mis en place un permis spécial pour permettre aux personnes âgées de sortir, et rien n’a été fait pour les enfants, s’indigne Jennifer. Il y avait même des permis pour promener les animaux de compagnie !" Le fait de ne pas pouvoir sortir à un impact direct sur les enfants. Julie s’en est bien rendue compte l’année dernière lorsque la commune de Puerto Varas est sortie de confinement : "La première fois que les enfants sont sortis de la maison, ils étaient fous de joie. Ils avaient réellement besoin de voir autre chose." 

Quitte à choisir, je préfère être confinée en France. Je ne veux pas que mes enfants revivent le cauchemar du confinement de l'année dernière.

Dans un article publié sur le site de l’Université du Chili, le psychologue et coordinateur des études interdisciplinaires de l’enfance à l’Université du Chili, Camilo Morales, pointe du doigt le manque de considération envers les enfants : "Ils ne sont pas pris en compte dans l’élaboration des mesures sanitaires. Ils ne peuvent pas exercer leur droit à l’activité physique, à la récréation, au loisir et au jeu […] Les crèches, les collèges et les lycées ont été fermés mais rien n'a été fait pour aider les enfants à supporter l'épreuve de la pandémie. Alors même que le reste de la population a accès à un certain nombre d’autorisations de sortie, pour aller travailler notamment."

Face à cette situation, le mouvement citoyen EscuelasAbiertas (écoles ouvertes NDLR) s’est créé au Chili. Principalement composé de parents d’élèves, son objectif est de permettre le retour en classe dans le contexte de la crise sanitaire et de systématiser l’école en présentiel. L’organisation a lancé une pétition et envisage de porter plainte auprès de la Superintendance de l’Éducation pour dénoncer les établissements scolaires qui demeurent fermés alors même que la situation sanitaire dans leur commune est bonne.  

L’année dernière, le confinement a duré plus de 6 mois au Chili. Et la majorité des enfants et des adolescents chiliens ont suivi leurs cours en ligne tout au long de l'année scolaire. Jennifer, Julie et Emeline ne veulent absolument pas revivre cette situation. Emeline et sa famille avaient prévu de rentrer définitivement en France en juillet, finalement le départ a été avancé à fin mai. "Quitte à choisir, je préfère être confinée en France. Je ne veux pas que mes enfants revivent le cauchemar du confinement de l’année dernière", lâche-t-elle. Jennifer, quant à elle, s'est assurée que son passeport ainsi que ceux de ses enfants soient valides. "Avant l’arrivée de l’hiver au Chili, j'ai envie qu’on aille en vacances en France, pour prendre l'air. Là-bas, le confinement est quand même bien plus souple et les enfants sont pris en compte", conclut-elle.  

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