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Le Chili, à la pointe de la norme antisismique

Construction du bâtiment du congrès national au chili a valparaisoConstruction du bâtiment du congrès national au chili a valparaiso
Bibliothèque du Congrès National chilien - Construction du parlement chilien à Valparaíso, en 1988 - Licence Creative Commons (CC BY 3.0 CL)
Écrit par Édouard Maury
Publié le 27 mai 2021, mis à jour le 15 janvier 2024

Ces quatre dernières semaines, lepetitjournal.com Santiago s’est chargé de vous faire comprendre le lien fort qui existe entre le Chili et son activité sismique. Après avoir présenté le tremblement de terre dévastateur de 2010 et la relation ambiguë qu’entretiennent les Chiliens avec les séismes, il est temps de conclure cette série d’articles en abordant la question de la résilience du pays face aux secousses.

"Le Chili compte davantage de sismologues de renommée internationale et d'ingénieurs spécialisés par tête qu'aucun autre pays", déclarait Brian Tucker, président de l'ONG GeoHazards International. Le territoire andin est l’une des zones de la planète la plus frappée par les séismes. Sur la seule année 2017, 352 secousses ont été ressenties dans le pays selon l’Office National des urgences (Onemi), soit presqu’une par jour.

Un modèle d’adaptation

En 2015, le séisme d’Illapel, au nord de Santiago, était d’une magnitude comparable au tremblement de terre dévastateur de 2010, dans le sud du Chili. Pourtant les dégâts humains et matériels furent bien moindre. De même, si l’on compare les tremblements de terre qui eurent lieu à un mois d’écart entre Haïti et le Chili en 2010, le premier était d’une magnitude de 7 à 7,3 et entraîna la mort de plus de 200 000 personnes, tandis que celui du 27 février au Chili était d’une magnitude de 8,8 et fit 700 morts.
 

Des bâtiments détruits à cause du tremblement de terre
Marco Dormino | The United Nations


"Quand vous observez l'architecture au Chili, vous voyez des bâtiments endommagés, mais pas cet effet de crêpe que vous avez en Haïti", note au micro de CNN Cameron Sinclair, directeur général de l'ONG Architecture for Humanity. Au-delà des aspects économiques et sociaux qui expliquent la différence de dégâts entre les deux pays, l’architecture chilienne joue un rôle fondamental dans la sécurité des bâtiments. Elle respecte des normes strictes, évitant ainsi l’effondrement des édifices lorsque la terre tremble. De même, le système d’alerte chilien est bien plus efficace aujourd’hui, tandis qu’en Haïti la population ne connaissait pas les bons réflexes à adopter en cas de séismes. En 2015, l’ONU distinguait le Chili pour sa préparation antisismique qui lui permet de réduire le nombre de victime et de dommages lors de tremblements de terre.

Un Centre Sismologique National chilien créé dès le début du XXe siècle

Le service sismique national chilien a été créé en 1908 par le polytechnicien français Fernand de Montessus de Balore. Au total, 30 observatoires étaient installés dans le pays en 1909, formant l’un des réseaux les plus à la pointe de la technologie de l’époque. Et ces dispositifs se sont perfectionnés au fil du temps. En 1985, les premières règles de construction furent mises en place après un puissant tremblement de terre. Ce fut la même chose après les séismes de 1996, 2009 et 2010. L’expert en analyse sismique Ricardo Guendelman expliquait à El Mercurio qu'"après chaque terremoto, on étudie ce qui n’a pas fonctionné et ce qui nécessite une amélioration".


D’un point de vue architectural, c’est tout une réflexion qui a été faite autour des bâtiments. Jaime Diaz, architecte professeur à l’université du Chili, disait à la BBC Monde : "Les normes de construction assurent que les structures soient assez résistantes pour sauver des vies humaines, pas pour protéger les bâtiments." Le secret de cette réussite repose sur deux éléments : le béton armé qui ne rompt pas, et un acier suffisamment flexible et résistant pour que l’édifice bouge, se déforme, mais jamais ne cède.

Ces normes très strictes empêchent de nombreuses constructions de voir le jour et rajoutent un coup important à l’élévation de bâtiments. Mais elles sont salvatrices. Si l’on regarde les dégâts causés par le terremoto de 2015 qui était pourtant de magnitude 8.3, 98 % des bâtiments sont restés intacts, et les quelques-uns qui s’étaient écroulés avait été construits avant les réglementations de 1985. Selon les experts chiliens, la confiance est telle en leurs dispositifs qu’un cataclysme de magnitude 9, ou plus, pourrait survenir sans que les bâtiments ne soient endommagés.

Un système d’alerte renforcé

La constitution chilienne établissait déjà en 1973 l’obligation pour le gouvernement de répondre aux dangers que représentent les tremblements de terre. En 2002, un premier plan d’action avait été dévoilé pour agir efficacement en cas de séismes. Mais la défaillance des protocoles d’actions lors du tremblement de terre de 2010 a marqué le pays de telle sorte que les mesures de sécurité ont dû être revues.

Pour éviter une aggravation du nombre de morts en cas de séismes, la communication a tout d’abord été renforcée. Dès que des secousses ont lieu, des messages automatiques sont envoyés sur les téléphones portables des personnes situées dans les zones concernées pour les prévenir d'une éventuelle évacuation, et des alertes apparaissent sur les postes de télévision. De même, les gestes à réaliser en cas de tremblements de terres sont enseignés partout. Dans les collèges, des simulations d’urgence sont obligatoires trois fois par an. Des programmes de sensibilisations et des entretiens sont réalisés auprès de la population, dans la rue, ou dans les entreprises assez régulièrement. Enfin, le gouvernement a renforcé les contrôles au sein des entreprises qui travaillent dans le bâtiment. L’objectif étant de détecter celles qui ne respecteraient pas les normes sismiques dans le but de réduire leurs coûts de construction.


Malgré tout, de temps en temps, il y a quelques couacs. En début d’année, en pleine période estivale, un séisme s’est fait ressentir dans l’Océan Pacifique, au large des côtes chiliennes. L'ordre a été donné d'évacuer le littoral. Tous les habitants du pays avaient alors reçu un message sur leur téléphone portable. Pendant quelques minutes, la panique s’est emparée de ceux qui se trouvaient en vacances en bord de mer. Pourtant, quelques instants plus tard, l’Office National des urgences précisait que cette évacuation ne concernait que la base O’Higgings, située dans la partie Antarctique du pays. Sur les réseaux sociaux, les réactions sont tombées immédiatement. Certains se moquant, d’autres critiquant l’Office National des urgences qui s’était manifestement trompé en envoyant une alerte sur les téléphones portables des quelques 19 millions de Chiliens. 

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