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Axel Rimbaud : "La sécurité routière au Chili est très préoccupante"

photo des membres du Mouvement contre l'excès de vitesse mortelphoto des membres du Mouvement contre l'excès de vitesse mortel
Les membres du Mouvement contre l'Excès de vitesse Létal | Source : Axel Rimbaud
Écrit par Édouard Maury
Publié le 27 avril 2021, mis à jour le 28 avril 2021

En 2019, près de 2 000 personnes sont mortes sur les routes chiliennes. Alors qu’en France la principale cause d’accidents mortels est la consommation d’alcool, au Chili c’est davantage l'excès de vitesse qui est pointé du doigt. Discussion avec Axel Rimbaud, ingénieur français et fondateur de l’association chilienne Mouvement contre l’Excès de vitesse Létal (Movimiento contra el Exceso de velocidad Letal).

Le Sénat a récemment approuvé la loi CATI qui vise à implanter les tous premiers radars automatiques au Chili. Un enjeu majeur en termes de sécurité routière puisqu’entre 2010 et 2019, 29 % des accidents mortels ont eu pour cause un excès de vitesse, selon la Commission Nationale de la Sécurité des Transports (CONASET). Axel Rimbaud, ingénieur français installé au Chili, se reconnaît dans ces statistiques. En 2018, il a perdu sa compagne dans un accident impliquant un chauffeur à grand excès de vitesse. Ce conducteur récidiviste n’a pourtant pas eu de condamnation ferme. Face à cette impunité, Axel Rimbaud décida de créer le Mouvement contre l’Excès de vitesse Létal.

Le Chili est-il reconnu en Amérique du Sud pour la dangerosité de son trafic routier ?

Axel Rimbaud : Le Chili compte moins de morts sur les routes en comparaison à d’autres pays d’Amérique latine. Il y a moins d’accidents sur notre territoire qu’il peut y en avoir en Bolivie ou au Pérou par exemple. Cela n’empêche qu’en termes de sécurité routière, la situation au Chili reste très préoccupante.

La délinquance et l'insécurité captent davantage d’audience que la problématique de la sécurité routière qui fait pourtant bien plus de morts. C’est la première cause de mortalité chez les enfants et chez les jeunes adultes. 

Chaque année, on recense près de 2 000 morts suite à des accidents de la route. En comparaison, la France en compte 3 500, mais sa population est quatre fois supérieure à celle du Chili (NDLR : Il y a 104 morts sur les routes chiliennes pour 1 000 000 d'habitants chaque année, contre 48 en France selon l'OCDE). Comment expliquer ce chiffre aussi élevé ?

A.R : Depuis le début des années 1990, le nombre de voitures sur les routes est en constante augmentation au Chili. Il y a presque deux fois plus de voitures aujourd’hui qu’il n’y en avait il y a 10 ans. Le fait qu'il y avait jusqu'à récemment un faible taux de motorisation explique pourquoi il n’y a pas encore eu de grandes manœuvres au niveau des pouvoirs publics pour la sécurité routière. C’est un sujet encore jeune auquel les politiques commencent seulement à s’intéresser. Il n’est pas non plus une priorité comme peuvent l’être l’éducation, la santé, la retraite ou actuellement la pandémie. Autre exemple, la délinquance et l’insécurité captent davantage d’audience que la problématique de la sécurité routière qui fait pourtant bien plus de morts. C’est la première cause de mortalité chez les enfants et chez les jeunes adultes. 

Quelles sont les principales causes d’accidents de la route au Chili ?

A.R : Beaucoup de facteurs sont à prendre en compte mais la vitesse est la principale cause de mortalité sur la route. Il y a plus d’accidents dû à d’autres facteurs mais ils sont bien moins mortels que ceux impliquant l'excès de vitesse. Autrement, je dirai que les raisons de ce tel fléau sont avant tout culturelles. Les automobilistes ne craignent pas les sanctions et les contrôles sont peu fréquents. Et puis, au Chili, les radars étaient encore interdits ces dernières années. 

Axel Rimbaud, président, Mouvement contre l'excès de vitesse mortel
Axel Rimbaud, fondateur du Mouvement contre l'Excès de vitesse Létal | Source : Axel Rimbaud


Y a-t-il un problème au niveau de la formation des conducteurs ?

A.R : Il y a eu des mesures mises en place pour améliorer la formation des conducteurs, et ainsi réduire les risques d’accidents. Par exemple, l’examen du permis de conduire a été renforcé en 2012. Désormais, le taux de réussite n’est plus que de 50 % contre 98 % il y a dix ans. Mais à vrai dire, l’un des plus grands problèmes à l’heure actuelle, c’est la falsification du permis. Aujourd’hui encore, ce n’est qu’un simple document papier que l’on peut facilement reproduire. Le trafic de permis est important dans le pays et beaucoup roulent sans avoir passés l’examen. De même, l’auto-école n’est pas obligatoire au Chili donc certaines personnes sautent cette étape car elle représente un coût non négligeable. Un projet de loi est en cours d’examen afin de rendre la conduite accompagnée obligatoire.

Pourquoi avez-vous décidé de fonder le Mouvement contre l’Excès de vitesse Mortel (Movimiento contra el Exceso de velocidad Letal) ?

A.R : L’association, qui compte aujourd’hui 15 à 20 personnes, a été créée après le décès de ma petite amie Mélodie. Elle a été renversée par un chauffard récidiviste. Il roulait à 140 kilomètres heure au lieu de 60, dans une rue passante. Malgré ce drame, le conducteur n’a pas été condamné, on lui a simplement suspendu son permis de conduire. Cette impunité et ce manque de justice m’a amené, au côté de la famille de ma petite amie, à chercher des solutions. La loi n’est pas assez sévère quand il y a des accidents de la route. Elle n’attribue pas non plus de responsabilité lorsqu’il y a des morts. Il n’y a pas suffisamment de sanctions, donc les gens ne sont pas incités à rouler moins vite, ou à respecter davantage le code de la route.

Qui sont les autres membres de l’association ?

Il y a des personnes dont un proche a été victime d’un accident de la route ou qui ont elles-mêmes été victimes. Mon histoire n'est pas un cas isolé. Et puis il y a aussi des Chiliens excédés par la dangerosité du trafic routier qui nous ont rejoint pour agir. Enfin, on trouve même des étrangers qui arrivent au Chili et qui sont choqués par la vitesse des automobilistes.

Membres mouvement contre l'excès de vitesse mortel chambre des députés
Les membres du Mouvement à la chambre des députés | Source : Axel Rimbaud


Quels sont les projets que vous mettez en place ?

A.R : Nous produisons des campagnes sur internet, nous sensibilisons les gens dans la rue, nous menons aussi des études de données sur la sécurité routière et la vitesse. En 2018, nous avons pris part au côté de plusieurs associations et ONG, à l’élaboration de la proposition de loi pour réduire la vitesse en ville de 60 à 50 km/h. Il doit aussi y avoir plus de contrôles, c’est capital pour enfin pouvoir réduire la vitesse des conducteurs. Nous avons soutenu un projet de loi présenté devant l’assemblée des députés, afin d’installer des radars aux endroits où les accidents sont le plus fréquents. L'idée générale du projet a été approuvé récemment, le 14 avril. C’est un vrai succès pour nous ! Enfin, nous travaillons avec des parlementaires pour faire avancer un nouveau projet de loi sur les grands excès de vitesse, dans le but qu’ils soient considérés comme des délits et non plus comme des infractions. Le thème de la sécurité routière est un sujet transversal. Et c’est une chance pour nous car, ainsi, tous les partis politiques se sentent concernés et sont à l’écoute. À voir maintenant si nos projets de lois seront concrétisés.

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