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Prisma Francés : l’association par les entrepreneurs, pour les entrepreneurs au Chili

L'entrepreneuriat en expatriation peut parfois en impressionner plus d’un. Pour permettre de mieux appréhender cette situation, Nicolas Perinetti, expatrié depuis 11 ans au Chili, a créé Prisma Francés. Avec cette association, le Chili offre un véritable avantage pour tout entrepreneur français. Il nous explique l’importance de Prisma dans un pays où l'entrepreneuriat est au cœur de la société : “Le Chili est un pays d'entrepreneurs.”

Nicolas Perinetti, créateur de Prisma FrancésNicolas Perinetti, créateur de Prisma Francés
Écrit par Paul Le Quément
Publié le 20 mars 2024, mis à jour le 12 avril 2024

Pourquoi vous êtes-vous expatrié au Chili ? 

J'étais plus intéressé par l'expatriation que le pays en tant que tel au début. J’ai commencé ma carrière très tôt, à l'âge de 19 ans en tant que producteur et réalisateur audiovisuel. J'ai travaillé pendant près de huit ans dans différents secteurs : la publicité, le cinéma… Puis j’ai créé ma première entreprise qui a bien fonctionné grâce au très bon réseau de mes associés. Lorsque j’ai créé une autre entreprise, seul, je me suis rendu compte de l’importance du réseau surtout en France. Il faut toujours avoir un ticket d’entrée pour pouvoir accéder à des projets professionnels.

J’ai eu la sensation d’avoir un plafond de verre au-dessus de ma tête où j’étais trop jeune pour des projets senior et trop vieux pour des projets juniors. Il y avait un entre deux qui me posait de plus en plus de problèmes. Paris est aussi une ville qui coûte pas mal d'énergie. Donc j’ai décidé de sauter le pas. Je ne m'étais jamais expatrié, mais j’avais beaucoup voyagé dans ma vie. Mon meilleur ami de la fac, déjà installé au Chili depuis deux ans, me vantait ce pays avec ses 9 mois d’été par an, du travail à foison et beaucoup de choses à faire. Je suis donc venu avec mon baluchon et je ne suis jamais reparti.

D'où vous est venue l’idée de créer Prisma Francés ?

Tout a commencé lors d’une soirée du 14 juillet organisée par l'ambassade. L'ambassadeur invite ceux qui sont déjà enregistrés au consulat et ceux qu’il estime importants. Nous étions un groupe d'entrepreneurs installés au Chili depuis un moment mais sans pour autant exister aux yeux de l'ambassade. Nous sommes enregistrés au consulat en tant que Français à l'étranger, mais pas reconnus en tant qu'entrepreneur ni acteur favorisant le rayonnement de la France. Nous n'étions pas représentés et il y avait vraiment un vide entre le français lambda qui s'installe au Chili et celui qui possède son entreprise. Beaucoup de Français restaient isolés et ne cherchaient pas forcément à se connecter avec la communauté parce qu'ils ne s'y retrouvaient pas. 

L’association Prisma Francés permet de tous nous réunir sous un seul nom. Cela permet d’avoir plus de poids pour pouvoir discuter avec les institutions et travailler sur une reconnaissance. Dès le début de l’association, beaucoup d'entreprises sont arrivées d’un coup. Aujourd'hui, nous avons passé la barre des 48 entreprises françaises au Chili. Un sacré nombre qui nous permet d’avoir la reconnaissance des institutions et de pouvoir aider les Français qui en ont besoin. Maintenant, ils savent par où passer. Je ne sais pas comment tout cela se passe dans les autres pays, mais il y a un véritable problème de communication au Chili entre tous les acteurs français. C'est-à-dire que tout le monde fait un peu sa confiture de son côté et il n'y a pas vraiment un élément qui fédère la communauté. 

Le comité de direction de Prisma Francés
Le comité de direction de Prisma Francés

 

Le leitmotiv principal était de réunir les Français qui souhaitent se connecter à la communauté française sans passer forcément par une chambre de commerce ou une association locale comme Santiago Accueil et l'Union des Français du Chili. Prisma Francés est un long travail avec six fondateurs. J'ai lancé l'idée et j'ai appelé ces cinq personnes. Nous avons ensuite commencé à créer une charte, une philosophie à l'association... L’objectif était d’avoir quelque chose qui était à la fois professionnel, qui puisse nous aider pour nous développer dans notre pays d'adoption, mais qui ne soit pas animé par l'argent. Le dernier point est très important, l'argent ne devait pas être le moteur mais seulement un outil. Les membres de l’association sont tous bénévoles. Pour donner un exemple concret, le flux financier de l'association provient à environ 70 % des abonnements annuels de nos membres. Le reste de l’argent est obtenu grâce à du parrainage et à du sponsoring. 

En quoi consiste votre association Prisma Francés ? 

L'association Prisma Francés travaille sur trois axes principaux. Le premier est de créer un espace d'échange où les entrepreneurs sont, pour la plupart, des PME. Que ce soit un chef d’entreprise sans d'employés ou un entrepreneur avec 150 employés à la tête d'une entreprise pesant plusieurs millions de dollars. En polarisant ces acteurs dans un groupe multisectoriel, énormément d'échanges se réalisent. Près de 500 contrats ont été signés entre les membres de l'association. Mon entreprise personnelle travaille avec une dizaine de membres. Tout cela crée une sorte d'écosystème assez efficace où tout le monde peut échanger et trouver des opportunités commerciales. Nous avons aussi créé plusieurs processus, dont une sorte de brainstorming annuel dont le but est de connaître les objectifs de nos membres pour l’année qui arrive. 

Malgré la pandémie, aucun membre de l’association n’a mis la clé sous la porte.

À partir de là, des ateliers sont créés chaque mois, directement inspirés des thèmes émis lors du brainstorming. Nous organisons aussi mensuellement des évènements de type “afterwork” ouvert au public et à nos partenaires. Le deuxième axe porte sur la reconnaissance institutionnelle. Avec 48 entreprises sous le nom de Prisma Francés, cela nous permet de toquer aux portes des ambassades, des chambres de commerce et de créer des partenariats sur des événements. Le troisième axe est purement économique et concerne la connexion avec les grandes entreprises. Nous sommes beaucoup spécialisés dans le B2B mais aussi le B2C. Prisma Francés permet de trouver tous les prestataires nécessaires pour développer un business. Nous offrons une alternative à Business France pour les PME ne réunissant pas assez d’argent. Nous avons réussi à placer Prisma Francès dans l’échiquier de l’organigramme comme un interlocuteur crédible. Je suis fier de cette structure très flexible et réactive. Malgré la pandémie, aucun membre de l’association n’a mis la clé sous la porte. Chaque fois qu'il y a une nouvelle idée ou un nouveau besoin exprimé, il est solutionné en quelques jours. 

 

Atelier thématique organisé chaque mois par Prisma Francés
Atelier thématique organisé chaque mois par Prisma Francés 

 

Quelle est la situation de l’entrepreneuriat français au Chili ? Est-ce qu’il y a un avant/après Prisma Francés ?

Je ne pense pas vraiment qu'il y ait un avant après Prisma. Je pense que l’association a juste été dans la lignée de l'évolution. Nous n’avons rien bouleversé, mais juste proposé une solution alternative. Il y a beaucoup de membres qui sont rassurés d’avoir Prisma Francés après des expériences non concluantes  avec les chambres de commerce. Cela leur a fait comprendre qu’ils ne sont pas tout seuls dans ce cas de figure. Nos entreprises sont dans les mêmes secteurs. Dès qu'il y a une problématique qui s'exprime à l'un d'eux, ils peuvent en parler aux autres. Grâce à cela, tout le monde est préparé à ce problème-là. Nous avons offert un espace sécurisé pour nos membres et où ils peuvent échanger de manière totalement ouverte.

Comment allez-vous faire évoluer votre association dans le futur ? 

Au début de l'association, il y avait un plan sur 4 ou 5 ans. Mais nous avons dû revoir nos ambitions à cause de la pandémie. L’objectif est de créer un espace pour les entrepreneurs avec des événements comme la nuit des entrepreneurs et donc via du B2B et B2C. Mais le travail concret effectué par Prisma consiste à collecter de la data. Il y a 48 entreprises qui travaillent et chacune amène son réseau de contacts. Toutes ces informations sont réunies et traitées de manière intelligente pour ainsi créer des nouvelles connexions et opportunités. 

Le projet Prisma Francés arrive quasiment à maturité au Chili. Maintenant, mon rêve est de pouvoir le dupliquer à grande échelle et inviter d'autres pays à créer des structures identiques. Prisma Francés est l'élément manquant dans l’échiquier économique français à l’étranger. Les chambres de commerces ne peuvent pas traiter de la même façon des grosses entreprises et des PME. Prisma Francés pourrait être “l'antichambre” des chambres de commerce. Une fois la maturité entrepreneuriale acquise, alors l’entreprise peut passer un cap et rentrer dans une chambre de commerce. Les Trophées des Français de l'étranger sont d'ailleurs une vraie opportunité pour l’association notamment en présentant le projet au Quai d'Orsay. Je pense que le concept Prisma pourrait être duplicable et aider beaucoup de Français à l'étranger.

 

La première édition de la nuit des entrepreneurs organisé par Prisma Francés
La première édition de la nuit des entrepreneurs organisé par Prisma Francés 

 

Avez-vous des conseils pour quelqu’un qui veut se lancer dans l'entrepreneuriat au Chili ? 

D’abord, il ne faut pas se sentir seul. Il y a des centaines de personnes qui sont dans ce cas-là. Il y a des membres qui viennent sans avoir créé leur entreprise, mais qui ont juste envie de quitter leur boulot pour entreprendre. Ils viennent aussi à Prisma Francés parce que notre aide est multisectorielle. Le Chili est un pays d'entrepreneurs. Ici, tout le modèle économique, même au niveau des impôts, est fait pour les entrepreneurs. C'est-à-dire que vous payez beaucoup plus d'impôts en étant salarié qu'en étant chef d'entreprise, à l’inverse de la France. Il est compliqué d’avoir un très bon salaire sans venir au Chili avec beaucoup de diplômes ou avec une grosse entreprise. 

Prisma Francés est très concret. L'élément sur lequel les entrepreneurs perdent le plus de temps est le fond. Alors que l’idéal est de créer la forme, se lancer, puis adapter le contenu au fur et à mesure. Il est impossible de vouloir le produit parfait dès le début, cela demande beaucoup de temps. Alors quand, au contraire, vous travaillez sur la forme avec un logo, un nom, une image de marque… Tout cela permet de travailler sur la création légale de son entreprise et d’ainsi faire un premier pas dans le monde de l'entrepreneuriat. Il ne faut pas trop tergiverser sur le projet parce que personne n'est unique. Aucune idée n’est unique. Nous sommes toujours une inspiration pour quelqu'un. La création d’une entreprise nécessite de maîtriser son produit et d’en connaître tous les détails. Il ne faut pas rester isolé, mais plutôt rentrer dans des structures comme Prisma Francés, Réseaux Entreprendre… Cela va vous permettre d’apprendre la gymnastique de l'entrepreneuriat. 

Si l’argent est le moteur et non l’outil, alors l’échec est assuré.

Selon Gérard Mulliez (fondateur d’Auchan), l'entrepreneuriat se divise en trois points : technicité, professionnalisme et créativité. Il ne suffit que de deux points sur trois pour connaître le succès. Si vous respectez les trois points, votre réussite est assurée. Mais tout cela demande de la foi et de l'énergie. La confiance est un maître-mot dans ce domaine. J'assimile beaucoup l'entrepreneuriat français, qui est unique, au statut d’intermittent du spectacle. C'est-à-dire que, du jour au lendemain, tout peut s’écrouler. Vous pouvez perdre votre travail et connaître la précarité sans savoir comment payer les factures dans deux mois. Il faut jouer de cette précarité et l’accepter. Mon père me dit toujours de vivre avec l’argent gagné il y a trois mois. Avec des détails similaires, la pression quotidienne de l’argent n'existe pas. Si l’argent est le moteur et non l’outil, alors l’échec est assuré. Mais, si vous avancez en faisant vos preuves, en vous concentrant sur votre métier et non sur le salaire qu’il y a derrière, alors la réussite vous attend. Cette formule est imbattable.

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