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Arthur Becker, un boulanger français en plein milieu du désert d'Atacama au Chili

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Édouard Maury - Le panneau de la Franchuteria visible depuis la rue Licancabur à San Pedro de Atacama.
Écrit par Édouard Maury
Publié le 30 juillet 2021, mis à jour le 30 juillet 2021

Dans le désert le plus aride au monde, le désert d’Atacama, il est possible de trouver une boulangerie française : la Franchuteria. Installé depuis plus de 10 ans à San Pedro, Arthur Becker, le propriétaire de l'établissement, entretient une histoire encore plus surprenante que ce bout de France perdu au milieu des plaines et des montagnes désertiques du Chili.

 

Si vous apercevez une boulangerie française en plein milieu du désert d’Atacama, ce n’est pas un mirage ! Sur Licancabur, l’avenue principale du village de San Pedro de Atacama, il est possible de tomber nez à nez avec un panneau indiquant "Franchuteria". En pénétrant dans l’allée qui nous amène jusqu’à un bâtiment en bois clair, on retrouve une dizaine de tables, toutes entourées d’arbres fins typiques de la région, très nombreux sur la terrasse. Mais c’est en entrant dans le commerce que le choc est le plus brutal. Derrière un comptoir : des baguettes, des croissants, et une discrète photo de la tour Eiffel qui nous assure bel et bien que nous sommes en territoire français, si l’accordéon et la musique typique de l’hexagone ne nous avaient pas déjà mis la puce à l’oreille. Et c’est derrière ce comptoir que nous attendait Arthur Becker.

 

 

Le boulanger globetrotter

Originaire de Beaune en Bourgogne, Arthur Becker a d’abord suivi des études d’hôtellerie. Après l’obtention de son bac, le boulanger eut une opportunité hors du commun : "Une connaissance de mes parents m’a proposé de partir travailler en Terre Adélie (une terre française située en Antarctique, NDLR), comme cuisinier, raconte Arthur Becker. Je n’ai pas beaucoup hésiter ! Et seulement quelques mois après l’obtention de mon bac, j’embarquais dans la mission scientifique qui rejoignait la base française. J’y suis resté 13 mois à préparer le pain pour 26 personnes et proposer un dessert différent chaque jour. Ce fut une expérience extraordinaire."

Après cela, Arthur Becker a successivement travaillé dans l’hexagone, à l'île de La Réunion, ou encore en Russie, où en tant que chef privé il a été amené à cuisiner pour Vladimir Poutine. Mais c’est il y a 10 ans que la vie d’Arthur Becker a basculé. "Une amie m’a proposé de la suivre au Chili pour y passer des vacances, se remémore-t-il. J’avais un billet aller mais pas de retour. Je ne savais pas vraiment combien de temps j’allais y rester." Arrivé à Santiago, il nous raconte avoir voyagé dans le pays avant de passer par San Pedro de Atacama où il eut un coup de cœur pour la ville.

 

 

La lente naissance de la boulangerie Franchuteria

Son commerce la Franchuteria, Arthur Becker a attendu des années avant de le monter. "Quand je suis arrivé à San Pedro, j’ai commencé à louer une chambre dans un hostal. Au départ, je préparais du pain le matin pour mes colocataires, explique-t-il. C’était par plaisir et générosité plus qu’autre chose. Mais ils tenaient à me rémunérer. Voyant le succès, j’ai alors commencé à préparer du pain pour les habitants du village. Je sortais de chez moi et je marchais 100 mètres. Arrivé au panneau Stop du carrefour, j’avais déjà écoulé toutes mes baguettes.Mais cette réussite restait mitigée. Malgré des ventes en flèche, le boulanger français manquait de matériel adéquat pour répondre à la demande. Sans four à pain, Arthur Becker ne pouvait préparer qu’une centaine de baguettes chaque jour, une quantité insuffisante pour être rentable et gagner sa vie. "J’ai continué comme cela pendant 7 ans. Le travail était harassant. Je travaillais tous les jours pendant 18 heures et je gagnais à peine de quoi vivre. Le problème n’était pas la demande, c’était l’offre. Je fabriquais mon pain de façon archaïque avec du matériel très exigeant. J’ai gardé des séquelles de cette époque. Beaucoup de fatigue et une tendinite à chaque bras."

Avec l’argent qu’il lui restait de ces premières expériences et de ses ventes, Arthur Becker commença à monter son commerce. Mais son salut vint d’un riche mania local : "Un jour, un entrepreneur est venu me voir et il m’a proposé de me fournir du bon matériel et un local pour vendre mon pain. Je me suis donc installé à côté de l’Hostal que j’occupais pendant toutes ces années." Avec du matériel adéquat, de l’argent pour payer fournitures et employés, le talent du bourguignon pouvait enfin être pleinement exprimé. La partie boulangerie fut la première à voir le jour avec vente de baguettes et viennoiseries. Puis, est née la partie restauration avec une terrasse pouvant accueillir une trentaine de personne pour manger un petit-déjeuner ou déguster des pizzas artisanales. "Aujourd’hui, la Franchuteria est un succès, se réjouit Arthur Becker. Tout le monde nous connaît dans le coin. Et même quand je me rends à Santiago, les gens connaissent de près ou de loin notre commerce. Le côté français aide beaucoup bien évidemment. Mais j’estime que c’est avant tout la qualité de nos produits qui attirent les clients."

 

 

Un commerce pas épargné par la pandémie

Le désert d’Atacama est réputé pour son aridité, son ciel parfait pour observer les étoiles, et ses lieux uniques comme les Jeysers del Tatio ou les Ojos del Salar. San Pedro en est la ville principale. Les touristes viennent s’y installer le temps de leur voyage, et en profitent pour découvrir les nombreux commerces. La base de la clientèle de la Franchuteria repose donc en grande partie sur cette composante. "Certaines personnes viennent même exprès d’au-delà des frontières chiliennes pour goûter nos produits", se félicite Arthur Becker. Mais lorsqu’est apparue la pandémie de coronavirus, cet équilibre a volé en éclat. La boulangerie qui comptait alors 22 employés a dû licencier pour traverser cette épreuve. "La chance que nous ayons eue, c’est que lorsque la plupart des commerces de San Pedro étaient fermés et en souffrance, nous avons pu rester ouvert à la vente à emporter. Sans les touristes, ce sont alors les habitants de San Pedro qui nous ont sauvés. Je leur en suis extrêmement reconnaissant", remercie le boulanger.

Après être passé par des hauts et des bas, Arthur Becker estime désormais que son commerce a la tête sortie de l’eau grâce notamment au retour progressif des touristes. Et c’est avec des reins plus solides que la boulangerie veut désormais se lancer dans un nouveau projet : des croissants surgelés. "Nous avons déjà de premiers contacts avec des commerces locaux. L’idée serait de permettre à tous de trouver des croissants dans son magasin de proximité", ambitionne Arthur Becker. Les mirages seront donc bientôt accessibles dans les rayons surgelés de vos supermarchés.

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