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"Avoir 20 ans au Chili" : María-José, l’éternelle optimiste

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Matthew Ball - Source : unsplash.com
Écrit par Naïla Derroisné
Publié le 3 février 2021, mis à jour le 4 février 2021

Pour les 20 ans de Lepetitjournal.com, nous vous proposons des articles autour du chiffre 20. Celui-ci est le premier de la série Avoir 20 ans au Chili. María-José est étudiante en soins infirmiers, elle est végétarienne, féministe et a voté "Apruebo" au référendum sur la nouvelle constitution. La jeune Chilienne porte dans sa voix une douce musique d’espoir.

"Ça fait un an que je ne suis pas allée à l’université. Une année pendant laquelle je n’ai presque pas vu mes ami.e.s. Je n’ai pas profité de ma vie étudiante", s’attriste María-José. Au Chili, comme en France et beaucoup d’autres pays dans le monde, les étudiants souffrent très fortement de la pandémie de coronavirus. María-José n’en est pas épargnée. À 20 ans, elle entre dans sa troisième année d’étude à l’Université Catholique. María-José veut devenir infirmière : "La pratique c’est quelque chose de très important dans ma filière. Malheureusement, je n’ai pas mis les pieds dans une salle de classe depuis des mois. Je n’ai pas non plus pu faire de stages." Mais malgré la dureté du moment, la jeune Chilienne se sent fière d’avoir choisi cette profession : "J’ai pensé à un moment que si j’avais deux ou trois années de plus, c’est moi qui aurais été en première ligne, pour combattre la pandémie." Cette sensation l’a davantage conforté dans l’idée de poursuivre ses études d’infirmière : "Ce métier est fondamental pour la société, souligne-t-elle. Et j'aime ce que je fais. Pas un seul moment je n’ai pensé arrêter mes études, même si c’est très difficile d’étudier dans ce contexte."

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À 20 ans, María-José est végétarienne, féministe et est en faveur d'une nouvelle constitution pour son pays.

Une jeunesse consciente et combative

Aujourd’hui, c’est la pandémie, mais il y a un peu plus d’un an le Chili connaissait un tout autre contexte. En octobre 2019, les lycéens ont lancé le fort mouvement de contestation sociale qui a secoué tout le pays. Ils ont très rapidement été suivis par les étudiants et le reste de la population. Leur colère a éclaté après que le gouvernement eût annoncé l’augmentation de 30 pesos (environ 3 centimes) du prix du ticket de métro. Une augmentation non-négligeable pour les familles chiliennes. María-José analyse : "Il y a beaucoup trop d’injustices dans ce pays. Et les inégalités se voient clairement entre les secteurs les plus aisés et le reste de la population. L’augmentation du prix du ticket de métro, c’était la goutte d’eau. À côté de ça, ce sont les salaires qui sont bas, et le coût de la vie qui est trop élevé." L’étudiante a voté "Apruebo" lors du référendum du mois d’octobre 2020, pour le projet de rédaction d’une nouvelle constitution. "Il faut que notre constitution soit plus juste, qu’elle prenne en compte le droit des peuples indigènes, qu’elle soit aussi plus respectueuse du bien-être animal, c’est un sujet qui m’importe beaucoup", commente María-José.

Instagram a été un outil afin de me renseigner, et cette démarche m’a définitivement poussé à devenir végétarienne.

Le végétarisme est un monde vers lequel l'étudiante s’est dirigée petit à petit : "Je me suis beaucoup renseignée à propos de la maltraitance animale dans le secteur de l’industrie alimentaire. Et ce que j’ai appris m’a convaincu d’arrêter de manger de la viande. Aujourd’hui, il ne me reste plus qu’à arrêter le poisson. À l’avenir, j’aimerais atteindre le stade du véganisme et ne plus manger de produits laitiers, ni d’œufs", affirme-t-elle. Dans les restaurants de Santiago, il est désormais tout à fait naturel de trouver une option "vegan" ou "végétarienne". Les boutiques qui portent ce concept fleurissent dans de nombreuses communes. Et dans les grandes surfaces, des rayons "végétariens" voient également le jour. La vague du végétarisme déferle sur une partie de la population et en particulier sur les jeunes qui s’informent à propos de ces thématiques et partagent beaucoup de contenus sur les réseaux sociaux. "Je connaissais des personnes dans mon entourage qui avaient déjà fait le choix d’arrêter de manger de la viande, raconte María-José. Aussi, depuis toute petite, je suis très attachée aux animaux. Mais c’est vraiment sur les réseaux sociaux où j’ai vu des vidéos et où je me suis beaucoup informée à ce sujet. Instagram a été un outil afin de me renseigner et cette démarche m’a définitivement poussé à devenir végétarienne."

La puissance d’Instagram

"On utilise tous Instagram, c’est le réseau social le plus important dans le pays", explique María-José. Elle était d'ailleurs très connectée à l'application au moment de la crise sociale. C’est aussi via ce canal que le mouvement féministe chilien se déploie aujourd'hui. On y trouve des dizaines et des dizaines de comptes dédiés à la lutte féministe. En mars 2020, pour la journée internationale des droits des femmes, deux millions de Chiliennes ont manifesté dans les rues de tout le pays. Sur l’avenue principale de Santiago, des milliers de jeunes femmes étaient présentes, foulards verts ou violets autour du cou. María-José y était aussi ce jour-là : "Il y avait beaucoup de jeunes femmes de mon âge, mais aussi des femmes plus âgés ou encore des petites filles. Ça m’a beaucoup ému. Aujourd’hui, je sens que je fais entièrement partie de ce mouvement féministe. Il y a encore quelque temps, je normalisais le fait qu’un homme me siffle dans la rue ou qu’il me regarde de la tête aux pieds. Mais maintenant, je suis consciente que ces comportements ce n’est pas quelque chose de normale." María-José relaye de nombreuses informations en lien avec le féminisme sur son compte Instagram. Cependant, son militantisme ne se limite pas à la sphère virtuelle. Elle a deux sœurs, l’une a 19 ans, l’autre 24. "Avec ma mère, on est quatre femmes à la maison. Et on est toutes féministes. On parle très souvent de ces sujets", raconte-t-elle. Et de poursuivre : "Mon père, lui, ne s’intéresse pas beaucoup à tout ça, mais je note quand mêmes quelques changements. Beaucoup d’hommes ont des comportements machistes, car ils ont été élevés dans un environnement qui prônait la supérioté du genre masculin. Malgré tout, mon père change, petit à petit", explique-t-elle, le sourire aux lèvres.

Depuis toujours, les jeunes Chiliens et les jeunes Chiliennes se mobilisent sur tous les fronts pour faire valoir leurs droits et défendre leurs libertés. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont l’une de leur arme favorite dans le combat pour plus d’égalité, de justice et de dignité. "Mais tout ne se fait pas seulement via les réseaux sociaux, souligne María-José. Car même si on s’informe en permanence sur Instagram par exemple, on discute aussi beaucoup entre ami.e.s."

Pour l’avenir, María-José espère beaucoup de choses. D’abord, sortir de cette crise sanitaire qui n’en finit plus : "J’espère que les gens retiendront la leçon et prendront plus soin d’eux." Elle voit également dans le projet de nouvelle constitution le moyen pour son pays d’aller de l’avant : "J’ai envie d’être positive", termine-t-elle.    

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