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PIERRE SLED - « Il ne faut pas chercher à être dans les normes, il faut être soi-même »

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 10 mai 2017, mis à jour le 11 mai 2017

De la radio à la télévision, Pierre Sled a tout connu dans le monde du journalisme français. Fondateur de l'émission L'équipe du Dimanche sur Canal +, présentateur de Stade 2, il a bercé l'enfance des amoureux du sport. Une carrière riche en souvenirs qui l'a conduit à s'installer en Italie, à Rome. Lepetitjournal.com l'a rencontré pour vous.

Pierre Sled aux côtés de Pelé pour commenter la finale de la Coupe du monde 98. 

Lepetitjournal.com de Rome : Pouvez-vous rappeler votre parcours aux lecteurs du petit journal?

Pierre Sled : J'ai commencé par un baccalauréat scientifique, puis l'UREPS (équivalent du STAPS). Au bout de 4 ans, j'ai eu le CAPES. En parallèle de mes études, j'ai commencé à jouer au football en même temps, en club et à l'université. À 23 ans, j'étais en 3e division à Corbeil-Essonnes. J'ai joué notamment avec Jean-Philippe Durand, Philippe Tibeuf ou encore José Garcia, le père de Rudi, entraîneur de l'O.M. Puis j'ai décidé soudainement de tout plaquer, alors que j'avais des propositions pour jouer en 1ère division, notamment à Auxerre et Toulouse.

LPJC : Pourquoi avoir changé de plan de carrière?

PS : Je me suis dit que je ne serais jamais un grand joueur de football, comme Zidane par exemple... En revanche, j'avais fait des études supérieures et je parlais deux langues. Je me suis dit qu'il y avait des opportunités à saisir dans l'audiovisuel. C'est ainsi que je me suis intéressé au journalisme.

LPJC : Vous étiez passionné de journalisme dans votre enfance?

PS : Non pas vraiment. Je suis passionné de sports, certes, mais le journalisme n'était pas mon rêve de gosse. Quand je suis arrivé dans le métier, on m'a tout de suite mis à l'antenne. Très rapidement, j'ai même présenté le journal. J'ai commencé d'abord à Radio France Creuse, puis à RFO (Réseau France Outre-mer) sur ma spécialité, le sport. Au bout de trois semaines, j'étais en plateau et je me suis retrouvé à présenter le JT.

Tout s'est fait à deux cent à l'heure. Je n'avais jamais fait cela de ma vie. À l'époque, c'était le dimanche soir sur France 3 National, à 20 heures. C'était une heure de grande écoute, et j'avais 2 minutes 30 d'antenne pour le magasine RFO hebdo.

LPJC : Avez-vous ressenti un peu de stress, la pression du direct?

PS : Je ne m'en souviens plus. Enfin, sûrement. Mais par la suite, j'ai quand même été plutôt serein. Je me suis persuadé qu'en télévision, et même en radio, il ne faut pas chercher à être dans les normes. Il faut être soi-même. Si ta personnalité séduit les gens, tant mieux, mais il ne faut pas être faussement séducteur. C'est l'authenticité qui prime à mon avis. Il est vrai que pour pouvoir improviser, il fallait avoir de l'expérience.

LPJC : Après RFO, que s'est-il passé?

PS : Je suis arrivé à Canal +, grâce à un casting le 1er septembre 1985 et j'en suis parti le 1er septembre 1995. La veille de mes débuts, je me suis rompu le tendon d'Achille en jouant au foot. C'est vraiment mal tombé car on travaillait énormément. J'étais au service des sports avec entre autres Roger Zabel et Jean-Philippe Lustik.

Ces années à Canal + sont une fierté. J'ai participé à quelque chose qui n'existera peut-être plus à la télévision française, c'est-à-dire une start-up devenue l'une des chaînes les plus puissantes. J'ai grandi avec Canal +. En 1990, Dietry m'a confié une émission dont il fallait que je trouve le concept. Il m'a dit « voilà, tu as les buts anglais, les buts allemands, russes etc. Démerde-toi pour produire une émission. Tu as trois mois pour le faire » (rires).

Ainsi est née l'Équipe du Dimanche. C'était une émission branchée à l'époque. C'était chic, nous étions les seuls à proposer les buts étrangers à la télévision française. Il faut dire qu'il y avait très peu de joueurs français à l'étranger. Il y a eu Cantona (à Manchester United), ensuite Papin (à l'AC Milan) et puis cela s'est décanté très vite. Je les avais au téléphone pendant l'émission. C'était très prisé. Quand on croisait des couples, les femmes me disait «alors c'est toi qui me pourris tous mes dimanches soirs ».

Cette émission a quand même duré plus de 26 ans. Puis France 2 m'appelle pour présenter le journal de 20 heures. Sur les conseils de mon ex-femme, j'ai refusé. Ont suivi d'autres propositions et j'ai fini par accepter de présenter Stade 2. 

LPJC : Pourquoi avoir refusé de présenter le JT?

PS : Canal + était à la pointe en terme de sports et j'étais encore très jeune. Puis le Stade 2 de Robert Chapatte, c'était la Mecque pour nous. C'est Gérard Holtz qui a contribué à populariser l'émission. Je l'ai présentée pendant 5 ans. J'ai décidé de changer un peu la forme : je présentais debout devant un public, l'émission s'est aussi féminisée : le nombre de femmes regardant Stade 2 a été multiplié par 5! J'ai eu la chance de vivre de grands moments. À Canal +, c'était un bonheur de commenter avec Yannick, Jean-Louis Le Grand, Michel Platini. À France 2, j'ai commenté avec Pelé.

En 2000, après 15 ans de service, je pensais avoir réalisé tout ce dont un journaliste peut rêver. À part commenter un match de tennis sur la lune (rires).

LPJC : Qu'avez-vous décidé ensuite?

PS : Un jour, j'ai croisé Jean-Pierre Elkabbach. À l'époque, il était président à France 2 donc quelque part, c'est un peu lui qui m'avait fait venir. Ce jour-là, on prend un café ensemble pas loin du siège d'Europe 1. Il m'a dit : « Tu aimes la politique? ». Dans ma famille, on parle de politique depuis que je suis petit... Il m'a proposé de venir présenter une émission sur Public Sénat. Pour être franc, je ne connaissais même pas, mais pourquoi pas. Après 24 heures de réflexion, je lui donne une réponse positive. Sur Public Sénat, j'ai proposé un nouveau concept qui s'appelle Bouge La France. L'émission a cartonné, pendant les années Sarkozy où la politique était en vogue. Puis sur LCP, j'ai crée une autre émission quotidienne, Politique Matin, qui existe depuis 8 ans. Après deux années sur LCP, j'ai été appelé pour être directeur des programmes sur France 3.

Pour résumer, ce qui me plaît, c'est faire des choses que je n'ai pas encore faites. C'est pour cela que je suis en Italie.

LPJC : Justement, qu'est-ce qui vous a amené à Rome?

PS : J'ai des origines italiennes et polonaises. J'ai de la famille qui vit dans le Piémont. Mais c'est seulement la conséquence. En réalité, j'ai rencontré une belle italienne, il y a de cela 4 ans. Les Italiens ont quelque chose d'exceptionnel, c'est que même s'ils parlent d'autres langues, avec eux, on se doit de parler italien. Elle a tout fait pour que j'apprenne à parler italien. C'était l'occasion d'apprendre une nouvelle langue, découvrir une nouvelle culture.

Je n'avais jamais vécu à l'étranger, donc c'était l'occasion parfaite. Cela fait maintenant 5 mois que je suis installé ici. J'ai demandé la double nationalité, je travaille pour la RAI et RDS, sur la politique et le sport. Je suis également correspondant pour plusieurs journaux français.

LPJC : Qu'est-ce qui vous plaît à Rome?

PS : La vie, les gens, la culture. Le rythme de vie est différent. J'en avais surtout un petit peu marre de la France. Quand je suis en Italie, je respire. Quand je vois les gens dans la rue, qui n'ont pas plus de raisons que nous de se réjouir de leur situation, bien au contraire, je ressens de bonnes ondes. Ce n'est pas ma culture, donc je ne saisis pas encore les petits défauts du quotidien. Mais, en règle générale, les Italiens sont sympas. Je risque de partir à Milan, pour raisons professionnelles. Mais les meilleures conditions de vie sont à Rome. C'est la plus belle ville du monde!

LPJC : Voyez-vous des différences dans la manière de traiter l'information, entre la France et l'Italie?

PS : Je suis venu en Italie pour me confirmer ce que je ressentais de la France. Notre métier dérive dangereusement, y compris chez les grands professionnels. Par exemple, on ne peut pas dire quelque chose sans faire référence aux réseaux sociaux. Évidemment, c'est plus confortable pour les journalistes. Il y a moins de travail. Mais je pense réellement que la télévision française est en train de sombrer, en partie à cause de cela. Nous avons une télévision haineuse, qui surfe sur la méchanceté. Elle ne remplit plus son rôle pédagogique. À l'inverse de la télévision italienne, bienveillante et très avancée par rapport à la notre à mon goût. Je pense qu'on a beaucoup à apprendre de l'Italie.

LPJC : Quels sont vos conseils pour les jeunes journalistes?

PS : Soyez curieux, cultivez-vous. Arrêtez de regarder sans cesse les réseaux sociaux. Bannissez-les de votre réflexion. Cela amène seulement un pseudo-confort, artificiel, qui fera de vous des journalistes médiocres. Rien ne vaut la culture, l'expérience. Quand tu arrives à obtenir un poste, le jour où tu as le sentiment que tu as fait le tour, pars tout de suite. Il faut prendre des risques. Si tu peux faire trois mois dans un magasine de chasse et pêche, il faut y aller. Tu apprendras des choses. J'ai commencé par commenter les Grand Prix Moto. Alors que je n'étais jamais monté sur une moto. Mais cela m'a passionné.

 

Propos recueillis par Valentin Basso (Lepetitjournal.com de Rome) - Jeudi 11 mai 2017.

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