À Rio de Janeiro, l'ancien musée de l'Indien est occupé par l'Aldeia Maracanã, une communauté indigène issue du métissage de plusieurs groupes. Ce village qui rassemble plusieurs familles autochtones est le fruit d’une mobilisation politique qui vise à préserver leurs cultures et traditions face aux menaces d’expulsion et d’effacement culturel.


Nichés entre l’autoroute et la soucoupe de béton de l’emblématique stade Maracãna, de grands arbres enlacent une façade coloniale. Derrière les murs se cache l’auto-proclamé “unique village indigène de Rio de Janeiro” occupé par l'Aldeia Maracanã. Le temps semble au ralenti en cette fin d’après-midi, comme si les cris des enfants courant après les poules étouffaient le bruit des klaxons. “Ici on ne parle pas portugais, mais Ze’egte”, explique le cacique José Guajajara qui se présente dans sa langue maternelle.
“Refuser de partir est un acte de résistance”
“Aujourd’hui, nous sommes 14 familles, mais il y a quelques années c’était très compliqué”, se souvient-il. En 2013, à l’approche de la Coupe du Monde de football, l'État de Rio de Janeiro a racheté le bâtiment pour le détruire. Le gouvernement propose alors une solution de relogement mais Guajajara et une partie du village choisissent de rester dans les lieux. “Refuser de partir est un acte de résistance, on réclame le droit à notre terre”, explique le cacique.
La résistance de la communauté s’inscrit dans un mouvement national de récupération des terres indigènes selon la professeure Alessandra Seixlack, spécialiste des questions indigènes à l’Université de l’Etat de Rio de Janeiro. “La question du départ forcé et de l’expulsion des populations indigènes se confronte à la thèse du marco temporal”, explique-t-elle. Un principe qui soutient que seules les terres occupées par des communautés indigènes le cinq octobre 1988, peuvent leur être réattribuées. Mais en 2023, le tribunal suprême fédéral, plus haute juridiction brésilienne, prend la décision de déclarer la thèse inconstitutionnelle.
“Il est inscrit dans notre Constitution que le droit des peuples indigènes à leur terre est un droit originel, soit un droit antérieur à la création de l’Etat”, explique la professeure. Cela n’avait pas empêché le Congrès d’approuver huit jours plus tard un projet de loi visant à inclure le principe du marco temporal dans la loi fédérale. Pour la spécialiste, l’approbation de cette loi revient donc à “ignorer les départs forcés et les expulsions des populations indigènes qui ont eu lieu tout au long de l’histoire brésilienne”.
Quelle place pour l’identité indigène aujourd’hui ?
En 2022, 54% des personnes se considérant indigènes vivaient dans des villes, résultant notamment des déplacements forcés et des flux d’immigration, d’après l’Institut Brésilien de géographie et de statistiques (IBGE). Un cas bien présent à l’Aldeia Maracanã où le cacique raconte que “l’on reçoit des personnes qui immigrent d’Amazonie car les conditions de travail sont meilleures ici”. Le village illustre alors l'évolution des cultures et des identités, en renégociation constante.
Pour autant, la question de l’identité indigène fait débat au sein du mouvement. Alessandra Seixlack rappelle que “la colonisation a commencé au XVIème siècle, avec des mariages forcés et des processus d’assimilation”. Ainsi, une partie de la population brésilienne possède aujourd’hui une ascendance indigène. Le processus de “retomada”, ou réappropriation culturelle, est alors mal vu par certains groupes indigènes qui estiment qu’il décrédibilise leur identité. En 2022, 0.83% de la population brésilienne se reconnaissait indigène contre 0.43% en 2010, selon l’IBGE. L’Aldeia Maracanã est souvent critiquée pour son accompagnement des individus dans ce processus. Mais aussi pour son ancrage citadin contraire aux pratiques traditionnelles. Confronté à ces accusations, le cacique persiste et signe : refuser de partir et s’implanter en milieu urbain fait partie d’un “cheminement individuel, communautaire et historique”, en adéquation avec le Brésil actuel.
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