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EDSON CORDEIRO ET DENISE PAES LEME - "Le secteur dans lequel Solidariedade França-Brasil a le plus apporté est celui de la formation"

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 26 mai 2016, mis à jour le 26 mai 2016

Association de référence à Rio menée par une équipe franco-brésilienne depuis 1986, Solidariedade França-Brasil (SFB) commémore cette année ses 30 ans. Trente années de défense des droits des enfants des quartiers défavorisés de la banlieue de Rio. Lepetitjournal.com vous propose ainsi une semaine spéciale SFB avec trois entretiens. Le troisième et dernier concernant le secteur de l'éducation de l'ONG avec Edson Cordeiro, coordinateur du programme "Mobilisation pour les droits", et Denise Paes Leme, coordinatrice du centre social Fé e alegria de Marambaia (Nova Iguaçu), institution bénéficiaire des actions de SFB.

Lepetitjournal.com : Produit d'un projet SFB initié en 2013, le Plan municipal pour la petite enfance de Nova Iguaçu est devenu à la fin de l'année dernière une loi municipale. Qu'est-ce que cela va changer concrètement ?
Edson Cordeiro :
Ce plan est composé de 13 thématiques liées à la petite enfance. Pour nous, cette période de 0 à 6 ans est fondamentale car elle a une répercussion sur le développement futur de l'enfant. Parmi ces thématiques, on retrouve par exemple la santé de l'enfant, l'éducation infantile, l'assistance sociale, l'urbanisme et l'environnement, la consommation? Pour chaque thématique, nous avons trois étapes de réalisation. Tout d'abord, il y a une analyse du dispositif légal : que dit la législation internationale jusqu'à la législation municipale sur la petite enfance ? Puis nous faisons un diagnostic de la réalité : combien y a-t-il de crèches et combien d'enfants y sont inscrits par exemple. Et ensuite nous pensons les actions : quelles actions nous devons entreprendre pour résoudre les problématiques liées à la petite enfance ? Concernant l'accompagnememnt de ce plan, il sera réalisé grâce à l'instauration d'une commission d'accompagnement et d'évaluation. L'année 2022, bicentenaire de l'indépendance du Brésil, a été choisie comme objectif pour la mise en place de toutes les actions. Construire ce plan n'a pas été la chose la plus difficile, maintenant il faut faire en sorte qu'il ne reste pas dans les tiroirs et, même s'il est encore récent, nous avons déjà pu voir des choses se concrétiser. Par exemple, quand nous avons fait le diagnostic du secteur de la santé de la petite enfance, nous avons constaté que la mortalité infantile à Nova Iguaçu augmentait ces dernières années, alors qu'elle est en baisse partout, notamment dans l'Etat de Rio de Janeiro et au Brésil. Nous avons identifié la raison qui était la fermeture d'une maternité qui recevait les femmes présentant des grossesses à risques, particulièrement les adolescentes. L'action permise par le plan municipal a été la réouverture immédiate de la maternité. Les statistiques sont de nouveau en baisse et l'établissement va même être agrandi. Cet exemple démontre que désormais, de telles actions peuvent se concrétiser et changer réellement la vie des enfants.
Denise Paes Leme : Cela a été un honneur pour le centre social Fé e alegria de participer à l'élaboration de ce plan. Auparavant, nous n'avions pas vraiment d'ouverture pour améliorer nos actions qui sont de favoriser le développement des enfants en travaillant avec eux et leurs parents. Nous faisons un travail différent du réseau d'éducation traditionnel, proposant ouverture et écoute pour apporter le meilleur aux enfants avec une participation effective des familles. SFB nous a ainsi orientés et aidés à obtenir cette grande opportunité, car c'est la première fois en 24 ans que nous avons pu construire ensemble un tel document. Maintenant, si nous croyons aux changements et au renforcement des politiques publiques pour garantir les droits de la petite enfance et de son développement, nous devons continuer à accompagner ce plan pour voir si ses mesures seront effectives. Ce qui est positif, c'est qu'il est venu de la base, des éducateurs, des parents et des enfants. De plus, ce document inscrit dans le marbre ce que nous faisons, ce qui nous donne plus d'assurance que les droits des enfants seront défendus en tenant compte de leur opinion.

Comment fonctionne le système éducatif de la petite enfance au Brésil et notamment dans la banlieue de Rio ?
Edson Cordeiro :
Nous avons au Brésil une législation liée à la petite enfance très avancée, mais entre ce qu'il est écrit sur le papier et la réalité, il y a un pas important, le processus n'est pas automatique. Et c'est dans ce sens que SFB se mobilise et agit car la petite enfance est l'un des secteurs les plus abandonnés par les politiques municipales, et ce n'est pas qu'une question de financement. Ces 30 dernières années, cette législation a bougé, pas seulement à cause de nous, mais nous y avons participé. En 1986, le contexte d'accueil des enfants était complètement différent : l'accueil en crèche était bien plus lié à l'assistance sociale, afin de libérer les parents pour qu'ils puissent travailler. Avec la Constitution du Brésil de 1988, cet accueil a été confié aux pouvoirs publics et généralisé à toutes les villes, sortant du secteur de l'assistance sociale pour passer à celui de l'éducation. Ensuite, en 1990, a été créé le statut de l'enfant et de l'adolescent, sanctionnant de crime de responsabilité le non-accueil des enfants à l'école. Cela a permis de renforcer l'offre pour la petite enfance, même si cela est resté comme une option de la famille, qui n'a pas l'obligation de placer ses enfants en crèche. Cependant, la municipalité doit tout de même proposer cette offre et il doit y avoir des places disponibles. En 1996, la loi sur les directives et les bases de l'éducation a été votée, c'est une première étape qui a donneé un statut à l'éducation infantile. En 2009, la maternelle est devenue obligatoire autant pour les pouvoirs publics qui doivent proposer des structures d'accueil que pour les parents qui doivent y inscrire leurs enfants. A l'époque, l'objectif était qu'en 2016 soit généralisé cette prise en charge, soit 100% des enfants de 4 à 5 ans inscrits en maternelle. Mais aujourd'hui nous sommes encore loin du compte à cause notamment de conflits de responsabilité entre les différents niveaux, fédéral, de l'Etat de Rio et municipal. La crèche reste donc une option et c'est pour cela que SFB soutient depuis toutes ces années les crèches communautaires, qui palient les manques des structures publiques.
Denise Paes Leme : Notre centre social ne fonctionne pas de la même manière que les écoles traditionnelles. Nous ne sommes pas meilleurs qu'elles, mais nous sommes différents et je crois en mieux. Dans le réseau traditionnel, les méthodes sont radicales, il n'est pas possible de se manifester et je ne crois pas en cette éducation. C'est pour cela que j'en suis sortie et que je me suis identifiée à Fé e alegria où le travail est partagé. Il existe des écoles un peu plus ouvertes que d'autres, mais les droits des parents pour y participer sont en réalité très limités. Donc nous savons comment cela devrait fonctionner, mais malheureusement, même si l'éducation en général va mieux, il y a encore beaucoup négligence et d'abandon dans la banlieue de Rio où les lois ne sont pas appliquées. Il y a heureusement des conquêtes comme ce plan de municipal de Nova Iguaçu qui est un instrument utilisé et respecté par toutes les parties prenantes, dont la société civile et principalement les pouvoirs publics. Il doit être pris au sérieux pour faire valoir les droits des enfants et des adolescents.

Quel a été l'impact de SFB ces 30 dernières années sur le droit à l'éducation dans la banlieue de Rio ?
Edson Cordeiro :
La banlieue de Rio a malheureusement les pires statistiques de l'Etat de Rio de Janeiro, et c'est pour cela que SFB s'y dédie. Mais cela a été surtout un important travail de réseau avec d'autres groupes, partenaires et institutions. Le secteur dans lequel SFB a le plus apporté est notamment celui de la formation. En 1986, les éducateurs qui intervenaient dans les communautés n'avaient aucune formation ou diplôme pour travailler avec les enfants. Au fil des ans, SFB a ainsi agi sur deux fronts : celui de la formation continue, au quotidien, travaillant sur la pédagogie, l'administration, et celui du programme "Volta à Escola" ("Retour à l'école") qui a offert pendant de nombreuses années une bourse pour permettre aux éducateurs de compléter leur formation universitaire. Aujourd'hui, tous les éducateurs ont la formation minimum requise. SFB s'est montrée également particulièrement présente dans le domaine de la promotion des droits et des devoirs dans le secteur de l'éducation infantile. Quand on regarde 30 ans en arrière, on se rend compte de comment tous ces éducateurs dans les communautés se sont renforcés, et nous allons désormais même au-delà des communautés en investissant le réseau éducatif public. Enfin, indirectement, SFB a aussi eu une influence sur la législation locale en matière d'éducation parce que nous avons participé à ces discussions, pour obtenir la loi municipale de Nova Iguaçu par exemple. Il reste encore beaucoup à faire bien entendu et nous allons continuer d'y contribuer.
Denise Paes Leme : Cela fait dix ans que SFB est partenaire de Fé e alegria et elle nous a permis de traverser des murailles. Le travail qu'elle développe demande beaucoup de lutte et de persévérance, mais il débouche sur de nombreuses conquêtes. Le fait qu'il soit en réseau, ce qui nous a permis de le connaître et de collaborer ensemble, renforce les liens et nous ouvre à tous des horizons en nous permettant de conquérir des espaces et faire valoir nos droits. Concrètement, SFB a contribué à former nos éducateurs, ce qui a apporté beaucoup de changements et d'améliorations. Sa formation est grandiose, elle nous apporte de la réflexion et nous permet de ne jamais rester paralysés, d'aller constamment au-delà de ce que nous apprenons. Nous cherchons donc en permanence toutes les opportunités que SFB peut nous offrir. Ce partenariat est fondamental et nous en sommes très heureux, je crois que nous sommes sur la même ligne et nous nous renforçons ensemble.

Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) vendredi 27 mai 2016

*Légende photo : Denise Paes Leme (à gauche) / Edson Cordeiro (à droite)

- Voir le site de Solidariedade França Brasil

- Lire le premier entretien sur l'histoire et la gestion de SFB

- Lire le deuxième entretien sur le secteur de la santé de SFB

Conférence de Roland Villard au bénéfice de SFB

Le chef français interviendra lors d'une conférence à La Maison du consulat général de France à Rio (voir notre agenda) jeudi 25 octobre à 19h sur l'"influence de la culture brésilienne dans la gastronomie française".

Le tarif est de 50 reais. Tous les bénéfices seront reversés à SFB.

lepetitjournal.com Rio
Publié le 26 mai 2016, mis à jour le 26 mai 2016

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