La crise sanitaire que traverse actuellement le Brésil se double d’une crise économique – tout cela en plus d’une crise politique. Les conséquences sont visibles dans la capitale fluminense, où le nombre de personnes vivant dans la rue a augmenté depuis le début de pandémie, témoignant aussi des inégalités de la société brésilienne.
7272. C’est le nombre de personnes “en situation de rue“ à Rio de Janeiro, selon un recensement organisé par la Préfecture. Ce phénomène s’ajoute à l’accroissement de la précarité dans les quartiers populaires et les favelas – et a augmenté depuis le début de la pandémie de Covid-19.
La plupart de ces personnes vivent dans le Centro (quasiment 32%), comme l’explique Carolina Carvalho, assistante de recherche à l’Institut Rio21 : “Le chômage dans ce quartier s’est intensifié avec la pandémie, on voit que beaucoup d’entreprises ont abandonné leurs locaux et que de nombreux commerces n’ont pas survécu. Cet abandon pourrait aggraver encore plus la situation des personnes qui vivent dans la rue dans le Centro.“ Après le Centro, vient la Zona Sul, où vivent 15,8% des personnes sans domicile, principalement dans les quartiers de Copacabana et Glória.
Une représentation démographique inégalitaire
L’étude permet aussi de dresser un portrait de la répartition démographique des personnes vivant dans la rue : ce sont en très grande majorité des hommes adultes (plus de 71%), qui ont un niveau scolaire bas et n’ont pas terminé l’ensino fundamental (“enseignement fondamental“, ce qui correspond au Brésil à l’équivalent de l’école primaire et du collège).
Autre donnée importante, la couleur de peau : on voit en effet que près de 80% des personnes sans domicile sont des personnes noires ou métis ; à peine 20 % sont des personnes blanches. Ce chiffre est très éloigné de la composition raciale du Brésil, puisqu’on trouve une quasi-égalité numérique dans le pays, avec 50,7% des citoyens déclarant être noirs ou métis, et 47,7% se déclarant blancs.
Les données du sondage ne sont malheureusement pas surprenantes, car cette inégalité raciale est un problème récurrent au Brésil où, dans tous les domaines, la part de personnes noires ou métis en situation de précarité est plus importante que celle de personnes blanches.
Le Covid et la faim
Un autre sondage publié le 1er avril par Poder 360 étudie cette fois-ci le rapport à la faim ces derniers mois au Brésil. Les chiffres, édifiants, montrent que 36% des Brésiliens déclarent avoir mangé moins à cause de la crise du Covid-19 ; parmi eux, 7% disent avoir parfois dû arrêter de manger, ce qui représente presque 15 millions de personnes.
Avec ces sondages, on voit bien la difficulté de mettre en place des mesures sanitaires efficaces dans un pays où l’Etat apporte peu ou pas du tout de support économique. A Rio, le maire Eduardo Paes a lancé une aide financière pour que les personnes les plus démunies puissent faire face à ce nouveau confinement : elle concerne à la fois les familles les plus pauvres, qui peuvent recevoir 200 reais, et les vendeurs ambulants, qui n’ont plus le droit de travailler actuellement et qui peuvent recevoir une aide de 500 reais.
Mais ces mesures restent relativement faibles, et, surtout, la question se pose de savoir si la ville aura les ressources financières pour les faire durer dans le temps (spoiler alert : probablement pas). Alors, aux dernières nouvelles, les commerces et les restaurants devraient rouvrir vendredi 9 avril à Rio ; même si la ville bat depuis trois jours le nombre record de morts depuis le début de la pandémie, avec 411 décès recensés le 3 avril.