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CRASH RIO-PARIS – Le rapport final vu par un pilote

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 6 juillet 2012, mis à jour le 20 novembre 2012

Trois ans après le crash du vol AF 447 Rio-Paris, qui a coûté la vie à 228 personnes le 1er juin 2009, le Bureau d'Enquêtes et d'Analyses a rendu son rapport final jeudi 5 juillet. Les experts attribuent l'accident à une combinaison de facteurs techniques et humains. Gérard Feldzer, ancien pilote de ligne, décrypte ce compte-rendu pour Lepetitjournal.com

Lepetitjournal.com - Le rapport du BEA sorti le 5 juillet retient définitivement le givrage des sondes de vitesse "Pitot" comme cause première de l'accident. A quoi servent les sondes de vitesse Pitot ? Quelles sont les conséquences d'un tel problème technique ?
Les sondes "Pitot" mesurent la pression de l'air et envoient cette information aux ordinateurs, qui eux mêmes traitent ce signal (en le pondérant avec la température), pour donner aux pilotes les indications de vitesse et d'altitude. Des ordinateurs transmettent ces informations aux pilotes. Si les sondes sont bouchées (petits trous dans un tube), par exemple à cause de la glace (normalement les tubes sont chauffés, donc dégivrés en permanence), l'ordinateur, arrête de fonctionner, le pilote automatique est débrayé, le pilote n'ayant plus d'indications devient "aveugle" surtout de nuit. Il ne sait plus à quelle vitesse il évolue. Si l'indicateur lui dit qu'il est en "survitesse", le pilote va cabrer* l'avion qui va décrocher** : c'est ce qui s'est passé.

Le rapport évoque également "des procédures d'urgence inadéquates". Que cela signifie-t-il ?
Nous n'avions pas prévu que l'avion puisse décrocher à haute altitude. Dans ces circonstances, il n'y avait pas de procédures prévues pour rattraper l'avion qui avait décroché.

Outre les défaillances techniques, les experts du BEA pointent des responsabilités humaines. Que reproche-t-on exactement à l'équipage ? Comment aurait-il dû réagir dans cette situation ?
Le pilote aux commandes a donné l'ordre de cabrer* l'avion, car il a probablement été induit en erreur par de fausses indications. L'autre pilote ne voyait pas ce qu'il faisait - car les commandes (les mini manches) ne bougent pas. Il a fait une bonne manoeuvre pendant quelques secondes - c'est-à-dire piquer*** l'avion pour reprendre de la vitesse - mais l'alarme s'est déclenchée, alors qu'elle était stoppée (Un automatisme coupe l'alarme car l'avion se croit à l'atterrissage en-dessous de 100km/h). Cette anomalie du pilote automatique a été corrigée depuis. Car le constructeur ne pouvait pas imaginer qu'un jour un avion se trouverait à 10.000m à 100km/h...

Le rapport met en avant des failles dans la formation des membres d'équipage. Quelles sont, selon vous, ces défaillances ? Quelles pistes pourraient être envisagées pour y remédier ?
Il faut revenir aux fondamentaux dans la formation initiale, faire de la voltige, des décrochages... Il faut également travailler sur les interfaces hommes-machines. Il faut mieux comprendre les systèmes, mais aussi les facteurs humains comme notamment les relations entre les membres d'équipage. C'est d'ailleurs ce qui s'est fait depuis l'accident avec le programme "Trajectoire" (NDLR.Programme interne d'Air France sur deux ans lancé fin 2009 avec notamment pour mission de proposer et étudier des initiatives en termes de sécurité des vols.)

On parle également de mettre des caméras dans les cockpits. Qu'en pensez-vous ?

C'est possible, si on ne s'en sert qu'en cas d'accident ou d'incident grave.

Au-delà de la responsabilité d'Air France et des membres de l'équipage, le fabriquant Airbus est également mis en cause. Pourquoi?
Trois pilotes qui ne comprennent pas une situation cela veut dire qu'il y a difficulté dans la compréhension des systèmes. Il faudra probablement équiper les avions d'un indicateur d'incidence**** qui lèvera le doute dans des cas d'attitudes aussi aberrantes.

En conclusion, quelles leçons peuvent tirer les compagnies aériennes et le constructeur aéronautique de cet accident ?
On en retiendra que la sécurité est une boucle et que tout le monde est concerné. Pour Air France, l'attention se portera certainement sur la formation des équipages. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) devra renforcer le contrôle des compétences. Quant à Airbus, il devra se pencher sur des problématiques techniques telles que la défaillance des sondes, ou encore l'ergonomie de l'avion.

Propos recueillis par ALS (www.lepetitjournal.com - Brésil) vendredi 6 juillet 2012

Lexique :

*
Cabrer un avion. En relever la partie antérieure, soit pour lui faire prendre une ligne de vol ascendante, soit pour faire diminuer sa vitesse. (ressources CNRTL)

** Décrocher. L'avion n'a plus assez de vitesse pour se maintenir dans l'air, il tombe

*** Piquer l'avion.
Descendre brusquement selon une trajectoire presque verticale (avant de se redresser rapidement)(ressources CNRTL)

**** Incidence (angle formé entre le nez de l'avion et sa trajectoire). Le BEA évoque l'opportunité d'équiper les appareils d'un nouvel appareil, un indicateur d'angle d'incidence qui soit directement accessible par les pilotes.

Pour en savoir plus, téléchargez l'ensemble du rapport final sur le site internet du BEA en cliquant ici

lepetitjournal.com Rio
Publié le 6 juillet 2012, mis à jour le 20 novembre 2012

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