Elle n'est pas carioca, mais presque. Issue de la plus ancienne famille de carnavaliers niçois, l'historienne et présidente de "Carnaval sans frontières" Annie Sidro a été pendant près de 25 ans responsable à la mairie de Nice du jumelage entre sa ville et Rio. Elle est encore conseillère auprès de la municipalité française aujourd'hui. Lepetitjournal.com l'a rencontrée à l'occasion du passage à Rio du maire de Nice, Christian Estrosi. Voici la seconde partie de notre entretien avec cette figure du carnaval niçois.
Lepetitjournal.com : La ferveur autour du carnaval est-elle aussi présente à Nice qu'à Rio ?
Annie Sidro : Malheureusement non, pas encore assez. Elle a existé, puis, petit à petit, elle a disparu. C'est pour cela que quand Christian Estrosi est arrivé à la mairie de Nice en 2008, en compagnie de son adjoint Rudy Salles, ils ont vraiment voulu rétablir un carnaval de proximité. Nous avons désormais deux grands carnavals à Nice, l'officiel géré par l'office du tourisme et des carnavals de quartier pour chacun des huit territoires niçois réalisés avec la synergie locale (mairies, ateliers culturels, etc.). Au début, ces derniers avaient réuni 10.000 personnes et aujourd'hui, nous en sommes à 40.000. Cela va aller en se développant, tous les Niçois sont associés à ces carnavals.
Les écoles de samba cariocas ont-elles déjà défilé à Nice ?
Oui et j'étais d'ailleurs chargée, de 1986 à 1990, d'aller tous les ans à Rio visiter les écoles de samba pour les inviter à venir défiler à Nice. On a créé à cette époque un grand festival brésilien et elles venaient régulièrement. Je suis ainsi membre d'honneur de six écoles de samba de Rio dont Império Serrano et Beija-Flor. Nice est la ville qui a reçu le plus d'écoles de samba chez elle. C'est pour cela qu'en 2009, quand il y a eu l'année de la France au Brésil, nous avons obtenu un petit retour d'ascenseur avec le défilé au Sambodrome d'un char sur la ville de Nice, réalisé à Rio et sponsorisé par des entreprises françaises. Cela a été un moment bouleversant pour moi, l'un des plus beaux de ma vie.
Au Brésil, le carnaval n'est pas qu'à Rio, que pensez-vous de ceux des autres villes ?
J'adore aussi les autres carnavals brésiliens comme ceux de Recife et Olinda. Les bonecos d'Olinda sont les plus proches de la
Comment voyez-vous l'avenir du carnaval ?
Quand j'ai connu le carnavalesque Joãosinho Trinta, il me disait toujours "O carnaval é uma coisa séria" ("Le carnaval, c'est une chose sérieuse"), et c'est vrai. Le carnaval remonte à l'origine des temps, l'homme a besoin d'évacuer son stress. Et il y a un stress que nous partageons avec l'homme d'il y a 30.000 ans : nous ne maîtrisons ni la mort, ni le temps, ni la météo. Malgré tous nos moyens techniques aujourd'hui, on a peur que le ciel nous tombe sur la tête. Or, le carnaval est un théâtre de la vie qui joue un monde à l'envers pour exorciser notre peur. C'est apporter à l'homme une soupape par laquelle il va pouvoir oublier ses soucis, mais aussi sa peur de l'autre : dans un défilé, chacun garde sa personnalité mais appartient à une communauté. Toutes les civilisations ont eu un rite où la dramaturgie est similaire à celle du carnaval. C'est pour cela qu'il a de beaux jours devant lui parce qu'il se transforme avec les mentalités. Mon dernier rêve serait d'apporter de nouveau la bataille de fleurs à Rio, à Copacabana, et qu'elle soit réappropriée à la manière carioca.
Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) mardi 9 septembre 2014
*Légendes photos : Annie Sidro (au centre) lors du carnaval de Rio en 2009 (photo 1) / Le char de Nice lors du carnaval de Rio en 2009 (photo 2)
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