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CINEMA BRESILIEN – Les six films incontournables

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 23 décembre 2012

Plutôt prolifique, le cinéma brésilien reflète la société, la culture et de la complexité du pays. Lepetitjournal.com a sélectionné pour vous six films à ne rater sous aucun prétexte !

1. Cidade de Deus (La Cité de Dieu - 2002) de Fernando Mereilles et Katia Lund
Grand classique du cinéma brésilien à travers le monde, La Cité de Dieu de Fernando Mereilles compte parmi les 100 meilleurs films de tous les temps selon TIME Magazine. Nominé à quatre reprises aux Oscars de 2002 (catégories meilleur réalisateur, meilleure adaptation cinématographique, meilleure photographie et meilleur montage), il a raflé le Grand Prix du cinéma brésilien pour l'année 2003.

Adapté d'un roman de Braulio Mantonavi, La Cité de Dieu raconte la jeunesse de Buscapé au sein de la favela "Cidade de Deus", située dans la partie ouest de Rio de Janeiro. Il assiste depuis l'enfance aux guerres de gangs et aux trafics qui opposent les jeunes de son quartier et disséminent les familles. Dans un climat de criminalité et de violence extrême, il relate l'éclosion de la délinquance et la difficulté pour ces jeunes de s'insérer dans la vie sociale de leur communauté. Buscapé parvient à devenir photographe-reporter, mais c'est à ses dépens qu'il apprendra la survie dans l'un des quartiers les plus dangereux de Rio.

Ce film réalisé par Fernando Mereilles interpelle par sa violence. Il permet la mise en lumière sur la scène internationale de la situation des favelas au Brésil et ouvre un débat sur les policiers corrompus et les gangs formés par de très jeunes enfants. Quelques années plus tard, José Paldinha dépeindra avec autant d'acuité et de lucidité les violences de ces régions sub-urbaines livrées à la violence et à l'abandon à travers son film Tropa de Elite.

2. Central do Brasil (Central do Brasil - 1998) de Walter Salles


Walter Salles est l'un des réalisateurs brésiliens les plus connus outre-Atlantique. Après des premiers essais manqués marqués par la crise économique et les coupes budgétaires des studios cariocas, Salles signe Central do Brasil qui obtient l'Ours d'Or au festival de Berlin pour l'année 1998.

Le film raconte le destin croisé de Josué, un petit garçon livré à lui-même depuis le décès de sa mère, et de Dora, écrivain public rencontré à la Estação Central do Brasil à Rio de Janeiro. Cette dernière prend Josué sous son aile et décide de l'accompagner retrouver son père, dont il est sans nouvelle depuis des années. De Rio de Janeiro au Nordeste, ils se lancent dans un grand périple qui les mènera aux tréfonds d'eux-mêmes. Bus de nuits, rencontres fortuites, le chemin est parsemé d'embûches et offre au spectateur un portrait du Brésil à la fois bouleversant et amer.

Salles renoue avec un cinéma réaliste, dans la tradition de ses prédécesseurs du Cinema Novo qui furent les premiers à aborder des thématiques sociales par le biais du septième art. Son adaptation de la vie du Che en 2004 (Diarios de Motocicleta - Carnets de voyage),  puis du roman clé de Jack Kerouac (On the road, 2012), lui ouvrent les portes d'Hollywood et lui offrent une véritable consécration.

3. Orfeu Negro (Orfeu negro - 1959) de Marcel Camus

Oeuvre phare du cinéma brésilien, Orfeu Negro de Marcel Camus propose une transposition originale du mythe d'Orphée au rythme endiablé du Carnaval de Rio de Janeiro. Le film s'ouvre sur les images colorées du littoral carioca en pleins préparatifs des réjouissances, sur une bande-son voluptueuse signée par Tom Jobim et Luis Bonfa.

Breno Mello y est Orfeu. Il campe le rôle d'un fringuant conducteur de tramway engagé avec la sulfureuse Mira. Par le hasard du destin, Orfeu croise la route d'Eurydice, une jeune beauté du Nordeste, venue se réfugier chez sa cousine à Rio de Janeiro, pourchassée par les présages de mort. Mais l'histoire d'Orfeu et d'Eurydice est promise depuis toujours à un destin tragique. Par une nuit chaude de Carnaval, Eurydice est prise au piège par la mort et s'éteint dans les bras de son amant. Désespéré, Orfeu accepte un pacte avec le diable, au visage des démons du candomblé (religion afro-brésilienne, qui était auparavant celle des esclaves). La fin tragique de leur histoire reste un des mythes fondateurs de la culture gréco-romaine. Pourtant, la douceur et l'exotisme de cette adaptation ne cesse de séduire. Face au lever de soleil sur Copacabana, résonnent encore les paroles de "Manhã de Carnaval" tandis que les corps enlacés des deux amants sont liés à jamais par la mort.

Palme d'Or à Cannes en 1959, consacré par un Oscar du meilleur film étranger et un Golden Globe l'année suivante, Orfeu Negro est un chef-d'?uvre d'invention et de lyrisme à savourer sans modération.

4. Vidas Secas (Sécheresse ? 1963) de Nelson Pereira dos Santos

Dans une autre veine, et jouant plus sur la carte du cinéma d'auteur que du film d'action, Vidas Secas de Nelson Pereira dos Santos est une invitation pour les adeptes de films de genre.

Au début des années 1960, ils sont plus d'une dizaine de jeunes cinéastes imbus de néo-réalisme italien et des images de la Nouvelle Vague à chercher un nouveau souffle pour le cinéma brésilien. Parmi eux, Nelson Pereira dos Santos s'impose très vite comme figure de proue du mouvement. Son premier long-métrage, Rio 40° (1955) renouvelle le genre par les choix ambitieux de son réalisateur : décors naturels, acteurs amateurs, caméra à l'épaule en font une ?uvre réaliste.
Mais c'est avec l'adaptation du roman de Graciliano Ramos, Vidas Secas que Pereira dos Santos connaîtra son premier succès sur la scène internationale. En lice pour la Palme d'Or à Cannes, le film est acclamé par la critique.

Vidas Secas relate l'histoire d'une famille du Sertão (région intérieure du Nordeste) qui fuit la misère et la sécheresse en quête d'un monde meilleur. Dans une mise en scène néo-réaliste audacieuse pour l'époque, le spectateur côtoie la misère humaine la plus criante et découvre avec attention le peuple brésilien des campagnes dans tout ce que cela implique de souffrance et de dés?uvrement. Mais c'est également un portrait fabuleusement orchestré du Brésil paysan, avec ses coutumes, ses rites et ses croyances populaires. Dans un pays où l'industrie du cinéma est historiquement liée aux luttes de pouvoirs, le choix d'aborder des thématiques sociales s'impose de lui-même pour cette nouvelle génération d'esthètes-réalisateurs. Avec la proclamation de la dictature en 1964, les réalisateurs du Cinema Novo prennent le contrepied de l'industrie nord-américaine qui domine le paysage cinématographique depuis une vingtaine d'années. Aux paillettes des studios cariocas se substitue l'aridité du Nordeste, ses paysages désolés et son dés?uvrement.

5. Terra em transe (Terre en transe ? 1967) de Glauber Rocha

Avec Terra em Transe, ce théoricien et cinéaste majeur du Cinema Novo, poursuit l'effort de ses contemporains et participe de la construction d'un imaginaire brésilien autour de mythes populaires. Terra em Transe s'inscrit dans un cycle de dénonciation des pouvoirs publics et de mise en lumière du folklore brésilien. Avec Deus e o Diablo na Terra do sol (1964) et Antonio das Mortes (1969), Glauber Rocha impose une empreinte polémique et un esthétisme proche du cinéma des maîtres italiens.

Rocha propose une critique acerbe des luttes de pouvoir. Dans la contrée d'El Dorado, Vieira, homme du peuple, et Porfirio Diaz, enfant d'une aristocratie décadente, se disputent les voix du peuple pour le contrôle de la terre. Démagogie, mensonges, manipulations, exhortations à la violence sont le lot de ces grands hommes. A travers la figure du poète Paulo Martins qui assiste, impuissant, à ces velléités dominatrices, Glauber Rocha nous invite à nous questionner sur la gestion du pouvoir au Brésil.

6. That night in Rio (Une nuit à Rio ? 1941) d'Irvin Cummings

Impossible de clore ce cycle sur le cinéma brésilien, sans évoquer la charmante Carmen Miranda qui incarna au long des années 1940 le Brésil triomphant (mais carton-pâte) d'Hollywood. Surnommée "la bombe brésilienne", Miranda fait ses débuts à Broadway comme chanteuse de samba avant de rejoindre la côte Ouest où une brillante carrière d'actrice l'attend. Après un premier succès avec la 20th Century Fox, elle est invitée par le Président Roosevelt en personne à incarner l'Amérique Latine luxuriante des studios hollywoodiens, et ce, afin de profiter à la politique de bon voisinage engagée par le gouvernement de l'époque. Bien que décriée par la critique dans son propre pays, pour le portrait archaïque du Brésil qu'elle encense, celle que l'on pourrait comparer à notre Joséphine Backer nationale atteint l'apogée de sa carrière en 1941 avec That night in Rio et s'impose comme un symbole de son époque.

That night in Rio, film musical américain certes, mais traitant du Brésil et mettant en scène une Brésilienne, a été réalisé par Irvan Cummings. Il a l'intrigue simpliste des comédies à gros budget des années 1940. Larry, acteur de cabaret, ressemble étonnamment au Baron Manuel Duarte, riche aristocrate brésilien. Lors d'une soirée animée, le Baron décide de tourner cette situation en sa faveur. Il demande à Larry de se faire passer pour lui afin de confondre son grand rival, Machado, à la bourse de Buenos Aires. La supercherie confond l'épouse du Baron et provoque un jeu de quiproquos qui se résout dans la joie et la bonne humeur. Cummings croque un portrait édulcoré de la société carioca. L'exubérance des costumes, les couleurs chatoyantes et les rythmes enivrants de la samba forgent un portrait stéréotypé et exotique du Brésil qui perdurera longtemps dans l'imaginaire collectif.

Julia PARTOUCHE (www.lepetitjournal.com - Brésil) mercredi 12 décembre 2012

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Publié le 11 décembre 2012, mis à jour le 23 décembre 2012

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