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Portraits de Perth: June

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Écrit par Emmanuelle LACASSAGNE
Publié le 17 décembre 2017, mis à jour le 17 décembre 2017

La solitude est un cul-de-sac où on se retrouve forcément quand on est dans un nouvel endroit. Cela peut aussi être un petit coin peinard où il fait bon s’emmitoufler quand on vient de discuter péniblement avec ceux de dehors.

Je me suis sentie seule à Perth jusqu’au jour où j’ai rencontré une vieille dame farfelue et originale mais qui avait encore toute sa tête malgré ce qu’on pouvait penser en la voyant en chemise de nuit 6 jours sur 7. Le dimanche, elle se laissait pomponner par sa fille et ressemblait alors a un bonbon mauve. Je l’aimais bien aussi comme ça.

Aujourd’hui, je vous présente la personne pour laquelle j’ai été un héros : ma voisine June.

June chatouillait mes oreilles de son anglais parfait et cela me rassurait d’enfin comprendre presque entièrement ce qu’on me racontait. Elle avait débarqué en Australie vers l’âge de dix ans et y avait fondé sa propre famille dans une maison de Subiaco où elle habitait désormais avec sa fille très coquette et sa chatte non moins coquette.

J’ai vraiment rencontré June le jour où, revenant du meilleur ami suédois des expatriés, elle a couru vers moi, pieds nus et en chemise de nuit comme à son habitude. Son décoiffé quotidien ne dépareillait pas cette fois-là avec son expression de visage : elle était effrayée.

Elle entendait sa chatte Naughty miauler dans son jardin depuis plus d’une demi-heure mais elle ne la trouvait pas. Elle m’a demandé de la suivre et de regarder dans les arbres. Je ne voyais rien. J’ai écouté attentivement Naughty et je ne savais pas comment lui dire que selon moi, le son sortait du mur qui séparait sa maison de celle de ses voisins. Je lui ai alors suggéré d’appeler les pompiers. Désolée… j’avais en tête cette image d’Epinal où les pompiers sortaient leur grande échelle pour aller chercher un chat perché sur un toit et qui faisait semblant de ne pas pouvoir descendre. Elle m’a alors répondu qu’elle avait une échelle dans son garage (comme quoi, l’association pompier-échelle ne connaît pas de frontières sauf que moi, je ne me sentais pas l’âme d’un pompier). Nous voilà donc en train de rapporter l’échelle près du mur. Je suis montée sous ses ordres et là, j’ai vu Naughty la tête en bas, coincée entre les parpaings. Elle a immédiatement cessé son miaulement. Je ne savais pas comment faire mais June m’a suppliée de la sortir de là. Je l’ai alors prise par les pattes de derrière comme un lapin. Naughty s’est laissé attraper, elle n’a pas essayé une seule fois de me griffer sous la peur.

 Je garde précieusement cette image de cette vieille dame de 85 ans serrant son bien le plus précieux dans ses bras. Elle m’a juré de m’être éternellement reconnaissante de ce que j’avais fait pour elle et c’est ce qu’elle a fait jusqu’a ce mois de juin, en offrant à mes enfants des bonbons collants presque périmés dans des boîtes de métal d’autrefois mais qu’ils accueillaient toujours avec autant de joie. Gare à moi si je n’ouvrais pas assez rapidement la porte quand elle frappait, elle faisait le tour de mon jardin pour m’apporter des paniers de fruits frais. Elle ramassait le courrier pendant notre absence et elle est même venue vérifier en pleine nuit s’il n’y avait pas de cambrioleurs quand un jour, nous sommes rentrés plus tôt que prévu de France.

Elle a bien sûr raconté cette histoire à tout le quartier. Je ne pouvais pas lui en vouloir : ça fait du bien d’être le héros de quelqu’un.

 

Ma voisine June, elle ressemblait à ça :

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