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Yannick Benichou : "Je transforme la résine d’insecte au cœur du Yunnan"

À Kunming, Yannick Benichou dirige une usine pas comme les autres, spécialisée dans la transformation d’une mystérieuse résine : la shellac. Cet ancien ingénieur nucléaire reconverti en entrepreneur durable nous raconte son parcours, ses coups de cœur et les défis de l’expatriation au long cours dans le Yunnan.

benichoubenichou
Écrit par Alliance Française de Kunming
Publié le 8 juin 2025, mis à jour le 17 juin 2025

Je vis depuis 14 ans en Chine

 

Peux-tu te présenter brièvement et nous dire ce qui t’a amené en Chine ?

J’ai 40 ans, et j'ai débarqué en Chine pour la première fois en 2005. À l’époque, j’étais étudiant en école d’ingénieur à Paris, et je suivais en parallèle des cours de chinois – par curiosité d’abord, puis par vraie passion. J’ai fait un premier séjour de deux mois, puis un second de deux ans en 2006 pour continuer mes études sur place. Et finalement, en 2011, je suis revenu pour de bon… ou du moins pour une durée indéterminée. Aujourd’hui, ça fait plus de 14 ans que je vis en Chine – et je ne compte pas m’arrêter là.

 

Pourquoi avoir choisi de t’installer dans le Yunnan, et plus particulièrement à Kunming ?

Franchement ? C’est un peu le hasard heureux. J’étais à Shanghai, je travaillais dans un grand groupe industriel français, et un poste s’est libéré à Kunming. Moi qui suis fan de rando, de nature et de grand air, j’ai tout de suite vu l’opportunité. Le climat ici est incroyable, les paysages sont super variés, et la qualité de vie est difficile à battre. On a les avantages de la Chine – la sécurité, la praticité, la gentillesse des gens – mais sans les inconvénients des mégapoles. Pas de pollution étouffante, pas de stress urbain. Et avec Shangri-La ou Xishuangbanna à quelques heures, c’est un vrai terrain de jeu pour les amoureux de l’extérieur.

 

shellac

La shellac prolonge la vie des fruits

 

Qu’est-ce que la shellac, et que fait votre entreprise exactement ?

La shellac, c’est une résine naturelle produite par un petit insecte, le lac bug, qu’on trouve dans les forêts d’Asie du Sud-Est. Un peu comme les abeilles font du miel, ces insectes sécrètent cette résine, qui est ensuite récoltée et transformée. Chez Anning Decco, on la purifie et on la transforme en additif alimentaire (le fameux E904), en enrobage pour les médicaments ou les fruits, en vernis pour le bois, et même pour les violons ! C’est un produit naturel, non toxique, biodégradable… et super utile.

Mais ce qui me plaît, c’est qu’il a du sens : la shellac prolonge la durée de vie des fruits (moins de gaspillage), améliore l’aspect, et fournit un revenu complémentaire à des paysans dans des zones reculées. C’est bon pour l’environnement, bon pour les gens, bon pour les sols – et franchement, ça fait plaisir de bosser dans une boîte où l’impact est positif.

Le marché chinois est vaste et concurrentiel

 

Quels sont les atouts et les défis d’entreprendre en Chine ?

Il y a plein de choses qui facilitent la vie ici : créer une entreprise, c’est rapide ; les infrastructures sont top ; et le marché intérieur est énorme. Mais il faut être clair : la concurrence est féroce. Si une idée fonctionne, elle est copiée le lendemain. Et les règles du jeu ne sont pas toujours les mêmes pour tout le monde. Par exemple, on a investi des millions pour traiter nos eaux usées – et on est la seule usine à le faire dans ce secteur en Chine. Donc on se retrouve souvent en compétition avec des boîtes qui n’ont pas du tout les mêmes contraintes.

Et il y a aussi le contexte international : la guerre commerciale avec les États-Unis a impacté nos exportations, qui représentaient presque la moitié de notre production.

 

Comment arrives-tu à concilier vie professionnelle et vie personnelle ?

C’est un équilibre que j’ai cherché, et que j’ai trouvé ici. Je vis à vingt minutes de l’usine, je peux rentrer tôt le soir, passer du temps avec mes enfants. Je fais pas mal de déplacements, mais je les implique aussi : ils m’ont déjà accompagné chez des fournisseurs en Inde, en Thaïlande, ou dans le Yunnan. Ce n’est pas toujours simple, mais j’ai la chance d’avoir une vraie flexibilité – et ça, ça n’a pas de prix.

 

montagne

Le Yunnan est une région exceptionnelle

 

Que t’apportent la vie dans le Yunnan, dans ta relation aux gens et à l’environnement ?

Le Yunnan est une région exceptionnelle. Tu passes d’une jungle tropicale à une montagne à 6.000 mètres en quelques heures. Il y a une telle diversité : paysages, cultures, minorités, cuisines… C’est un régal pour les curieux. Je suis un grand fan de rando et de camping, alors forcément, je suis dans mon élément.

Avec deux amis, on a même monté une agence de trekking, China Lost Horizon. On organise des voyages sportifs et culturels pour des Chinois en Europe (Mont-Blanc, Pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, Provence...) et pour des Français en Chine (Yunnan, Sichuan, Mongolie Intérieure, régions tibétaines...). C’est une manière de vivre ma passion tout en créant du lien entre deux cultures qui me tiennent à cœur.

 

Quel conseil donnerais-tu à un ou une jeune Français(e) qui voudrait s’installer et entreprendre en Chine ?

Il faut bien définir son projet, sa cible, son positionnement. Le marché chinois va vite, très vite. Si tu n’as pas une offre claire et différenciante, tu te fais bouffer. Et il ne faut pas hésiter à ajuster, à pivoter, à tester. La bonne nouvelle, c’est que créer une entreprise ici, c’est simple. Mais attention : survivre dans la durée, c’est une autre histoire. Il faut être prêt à apprendre… et à se battre un peu.

 

Un dernier mot pour nos lecteurs du Petit Journal ?

Bienvenue à Kunming ! Si vous passez dans le coin, je vous fais visiter l’usine de shellac avec plaisir. Vous verrez, c’est beaucoup plus fascinant que ça n’en a l’air. Et peut-être que la prochaine fois que vous verrez un fruit bien brillant au supermarché… vous penserez à nous !

 

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