Jacques Weber, comédien pantagruélique et truculent, joue jusqu'aujourd'hui Eclats de Vie à la Hong Kong Academy of Performing Art, un spectacle qui vous donne envie de lire ou relire vos classiques mais tout sauf façon Lagarde et Michard. Irrespectueux autant qu'amoureux des mots et des écrivains, ce trublion triture, écorche, ironise ou s'emporte sur la littérature française pour le plus grand bonheur des spectateurs. Portrait chinois calqué sur les questionnaires de Proust et Pivot
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Il faut le voir vous expliquer comment déclamer Le Corbeau et le Renard pendant pas loin de quinze minutes pour comprendre le bonheur jubilatoire que prend cet énorme comédien à raconter sa vie grâce et par la littérature et le théâtre. Lorsqu'il s'attaque à ces vers de Musset : "Je voudrais être une larme / Pour naître de tes yeux / Pour vivre sur tes joues /Et mourir sur tes lèvres", ce n'est que pour mieux rire de ses stratégies de séducteur de comptoir dans sa jeunesse. Et lorsqu'il fait appel à Flaubert, c'est celui des correspondances, le coquin : « C'est qu'il y a tant d'espèces de tétons différents ! Il y a le téton pomme, le téton poire, le téton lubrique, le téton pudique, gentil, convenable, fait pour inspirer des désirs et comme un téton doit être ! ». Il aime les auteurs qui "ont de la couille", pas les pleureuses comme Lamartine.
De Molière à Raymond Devos, de Corneille à Boris Vian, de Rostand, son compagnon de toujours, à Antonin Artaud, il nous fait voyager à travers la littérature et le théâtre français pour mieux nous raconter sa vie. Car c'est de cela qu'il s'agit, faire comprendre à l'audience que les textes sont vivants, qu'il faut se les approprier, les utiliser, les apprivoiser, les écorcher ou les sublimer. Mais surtout ne pas les respecter ou les laisser croupir, la littérature comme elle est enseignée à l'école ou dans les livres, l'ennuie à mourir. Non, cet autodidacte qui n'a pas dépassé le brevet des collèges vit entouré des écrivains qui ont fait de lui ce qu'il est aujourd'hui. Pour le découvrir, nous avons joué au jeu du portrait chinois, copyright bien sûr à Marcel Proust et Bernard Pivot :
Lepetitjournal.com : Le mot que vous préférez ?
Jacques Weber : La vie sans oublier son e à la fin qui la fait durer un peu plus.
Votre devise ?
On ne devient que ce que l'on est
La qualité que vous préférez chez un homme ?
La générosité
Chez une femme ?
La gentillesse
Quel métier auriez-vous aimé faire ?
Chirurgien
Le pays où vous désireriez vivre ?
Le Pôle Nord ? ou l'Ecosse !
Le son, le bruit que vous aimez ?
Le crépitement du feu
Celui que vous détestez ?
La climatisation ? pas facile à Hong Kong
Votre auteur favori en prose?
Il y en a beaucoup bien sûr mais ma Bible, c'est Flaubert
Votre pièce de théâtre préférée ?
Dom Juan, la plus énigmatique
Votre héros / héroïne dans la fiction ?
Maigret !
Votre héros / héroïne dans la vie réelle ?
Gandhi et la philosophe ouvrière, Simone Weil
La plante, l'arbre ou l'animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?
Un chêne
Votre compositeur préféré ?
Wolfgang Amadeus Mozart
Votre juron, gros mot favori ?
C'est bêtement MERRRRRRRDE, j'adore MERRRRRRRDE
Ce que vous détestez par-dessus tout ?
La méchanceté
Le personnage historique que vous méprisez le plus ?
Le mépris, c'est pour les imbéciles, je dirais donc Sarkozy
La réforme que vous estimez le plus ?
L'abolition de la peine de mort
Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
La robustesse
Comment aimeriez-vous mourir ?
Peut-être d'épuisement car je n'aimerais pas être privé de la conscience de mourir
Si Dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort, l'entendre vous dire ?
T'inquiète pas, ça va recommencer !
Nous ne pouvons que souhaiter plusieurs vies à ce grand comédien mais, pour tous ceux qui ne croient pas en la réincarnation, la dernière représentation à Hong Kong, c'est demain !
Propos recueillis par Eric Ollivier (www.lepetitjournal.com/hongkong.html), jeudi 14 juin 2012