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LE PARC BEIHAI - Du jardin impérial privé au parc public prisé

Écrit par Lepetitjournal Pékin
Publié le 28 mars 2013, mis à jour le 8 février 2018

Entre légende d'immortalité et loisirs impériaux, le parc millénaire de Beihai est un témoin extrêmement bien conservé de l'histoire de la Chine. Mais aujourd'hui, ce sont les habitants de Pékin, à l'âge souvent tout aussi vénérable, qui se sont réapproprié les lieux, et lui redonne une nouvelle jeunesse.

Il était une fois trois montagnes magiques appelées "Penglai", "Yingzhou" et "Fangzhang", à l'est de la Chine, dans la baie de Bohai. Elles étaient peuplées d'êtres surnaturels possédant un élixir d'immortalité. Beaucoup d'empereurs ont tenté de localiser ce graal magique, en vain. Mais Qinshihuang, premier empereur de la dynastie Qin (-246 à -221), décida de faire venir la magie à lui, en demandant à ses soldats de recréer le site, avec une grande piscine et trois collines au bord de l'eau. Si lui n'est pas devenu immortel, son idée a traversé les âges, reprise ensuite par ses successeurs. Il en fut ainsi pour le parc de Beihai, créé dès la dynastie des Liao (916 - 1125), sous le nom de Yaoyu. Le "parc de la mer du Nord" fut ensuite rebaptisé quand, au début du 15e siècle, un mur fut construit, créant de fait la mer du milieu et la mer du sud, donnant aujourd'hui, au sud de Beihai, l'enclave de Zhongnanhai, véritable Elysée chinois, où la nomenklatura du Parti communiste s'abrite des regards indiscrets et dirige le pays.

 


Dagoba blanc et cuisine impériale

Le parc de Beihai fait aujourd'hui 68 hectares, dont plus de la moitié pour le lac. A quelques encablures de la Cité interdite, ce fut pendant longtemps un lieu de villégiature privilégié des empereurs. Au sud-est du parc trône l'île Qiong Hua (île d'agathe, ou île de jade). Ce relief artificiel est le résultat de l' empilement de terre accumulée lors de l'excavation du lac. Au sommet se trouve le monument indissociable du parc, un dagoba blanc, atypique dans le paysage pékinois. Au sein du temple Yong An (paix éternelle), l'édifice de 36m de haut fut construit en 1651 par l'empereur Shunzhi pour montrer sa foi dans le bouddhisme. Il dut être reconstruit en 1741, après avoir été détruit par un tremblement de terre.

L'île est aussi l'occasion d'une dégustation impériale. Le restaurant Fangshan Fanzhuang sert en effet les plats préférés de l'impératrice Cixi depuis 1925, lorsqu'un ancien de ses chefs ouvrit l'adresse. La légende dit qu'elle exigeait pour chaque repas, pas moins de 120 plats qu'elle touchait à peine. Quelques exemples, livrés par le Lonely Planet, de mets font saliver  d'avance : concombre de mer au tendon de cerf, potage piquant aux oeufs de calamar, ou patte de chameau (métaphorique) aux oignons blancs. Mais attention, les prix sont eux aussi impériaux, entre 300 et 500 Y minimum par personne.

Une histoire de dragons


Au sud du parc, une enceinte circulaire entoure le Chengguangdian, qui abrite une statue de Guanyin, la déesse de la miséricorde, taillée dans un seul bloc de jade. Elle fut malheureusement abîmée lorsqu'en 1900, l'armée coalisée de 8 puissances, dont la France, a envahi Pékin. Le côté nord a aussi son lot de vestiges historiques. Par exemple le temple de Xitianfanjing, et ses trois monumentales sculptures sur bois de Bouddha, ou les pavillons des 5 dragons, censés, vue de loin, représenter un dragon dans l'eau, et où les empereurs s'adonnaient à la pêche.

 

 

 

Il y a surtout le mur aux 9 dragons, symbole impérial s'il en est, puisque le "fils du ciel" était supposé être la métamorphose d'un dragon. L'empereur était d'ailleurs le seul à pouvoir en avoir 9. En briques vernissées, les dragons sont en fait 18 puisqu'il y en a sur les 2 faces, voire même plus de 600 en comptant ceux qui ornementent cette muraille de 6m de haut et 27m de long. Seul trois murs de ce genre subsistent en Chine : les deux autres sont dans la Cité interdite, et à Datong, dans le Shanxi.

 

 

 

 

 

 

 

 


Les chats pour les femmes

Ce n'est qu'à partir de 1911 que les parcs ont commencé à s'ouvrir. Beihai a suivi en 1925, le parc perdant son exclusivité impériale. Aujourd'hui, un parc (gong yuan) est par nature public (gong), et le public en profite bien. Tous les jours, à l'aube, ils sont nombreux à venir pour un petit footing autour du lac. M. Ren par exemple, 57 ans, courre une heure avant de retrouver certains de ses amis, dont M. Cai, 42 ans. Ils ne viennent pas les mains vides. Dans un sac en plastique reposent quelques baozi, petits pains vapeur de farine blanche, qu'ils destinent aux vrais résidents du parc, les canards, colverts et… mandarins. Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls permanents du parc. De nombreux chats sauvages se prélassent le poil ébouriffé. "Eux, ce sont plutôt les femmes qui s'en occupent, explique M. Ren. En Chine, on dit : 好男不养猫,好女不养狗 (un homme bien n'élève pas des chats, une femme bien n'élève pas des chiens)."

 

 

 

 

 

S'occuper ainsi des animaux sauvages est-il un héritage des préceptes bouddhistes? Pas selon M. Ren, pour qui c'est plutôt "un réflexe humain". "Un homme bien" peut aussi s'occuper des poissons. Les deux amis vont de temps en temps au Jing Xin Zhai, studio de l'esprit apaisé (9Y). C'était l'endroit où l'empereur aimait étudier, à partir de 1757. Et on s'y surprend, il est vrai, soudainement coupé de la foule, à regarder les poissons faire des ronds dans l'eau et laisser couler le temps. A voir Ms Ren et Cai, il semble qu'il n'y ait pas un nuage à leur bonheur. Ah si, peut-être, le nuage de pollution pour ces sportifs affutés. "Non, au contraire, ça me fait plaisir, rétorque M. Cai. Car au moins, c'est quelque chose que nos dirigeants, juste à côté à Zhongnanhai, ne peuvent éviter. Ils respirent le même air pollué que moi".

 

 

 

 

 



Majorettes nostalgiques et maître de tai-shi

Vers 9h30, l'ambiance sonore monte d'une octave. Une sorte de fête de la musique s'installe, avec de nombreux petits groupes côte-à-côte. Bon, il s'agit surtout de sonos un peu grésillantes. Ici les danseurs, qui enchaînent les pas chaloupés en couple, mixte ou non, et en solo. Là, les majorettes en tenue militaire, nostalgiques des danses patriotiques sous Mao. Il est aussi possible d'admirer de vieux instruments traditionnels, tel la plainte lancinante du erhu dans un petit groupe de chant. Ailleurs, un Chinois s'exerce à la calligraphie au sol, et après quelques minutes, voit s'évaporer ses caractères tracés à l'eau. Magie de l'éphémère, mais aussi répétition du geste, encore et toujours, pour atteindre la perfection.

 



Autre activité qu'il est très plaisant de découvrir en ces lieux, notamment devant le temple Xitianfanjing : des cours de tai-shi. Le professeur Yang donne des leçons tous les jours, entre 9h et 11h, ouverts à tous, tous les week-ends. L'enchainement de mouvements est travaillé à des rythmes différents. Il faut 7 à 8 minutes pour l'ensemble, 30 minutes pour la version la plus lente. Le maître l'assure, "c'est bon pour la santé. Quand on fait du sport, on est en général fatigué. Mais là, la tête, le coeur, les muscles, tous sont reposés". Un avis semble-t-il partagé par le petit public chinois qui apprécie la tranquillité qui rejaillit de la scène. L'un cite même Jet Li, la fameuse star des films de kung-fu, selon qui "le tai-shi est le seul sport qui n'abîme pas le corps". Les sportifs sont souvent blessés par l'accumulation d'efforts, souci dont seraient épargnés les pratiquants de tai-shi… Certains étudiants, de tout âge, le suivent depuis plus de 3 ans. A l'année, il faut compter 2800 Y, et, chose amusante, même le professeur se plaint du prix. "Avant, ce n'était pas plus de 300 yuans, mais le coût de la vie a augmenté maintenant".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gratuit pour les plus de 70 ans

Avant 8h, il n'y a que des Pékinois, surtout des personnes âgées, qui bénéficient de tarifs réduits : pour les plus de 60 ans, la carte offrant l'entrée de tous les parcs de Pékin est de 100 Y par an, contre 200 en temps normal. Pour les plus de 70 ans, c'est même gratuit. ils peuvent donc à leur gré  donner au parc une nouvelle vie. S'y joignent ensuite, au fur et à mesure que l'heure avance, les touristes étrangers et chinois, venus peut-être patiner ou ramer sur le lac selon la saison, mais aussi profiter du spectacle offert par toute cette population âgée, mais ô combien dynamique et joyeuse.

 



 

 

 

 

 

 

 

 

Joseph Chun Bancaud (www.lepetitjournal.com/pekin) Vendredi 29 mars 2013

Informations pratiques.
Tél : 6403 1102
Prix : entrée du parc avant le 1er avril :  5 Y
pour entrée et visite du temple Yong An et de la pagode Baita : 15 Y, tarif réduit 12,5 Y
entrée du parc entre le 1er avril et le 31 octobre : 10 Y
pour entrée et visite du temple Yong An et de la pagode Baita : 20 Y, tarif réduit 15 Y
Heures d'ouverture avant le 1er avril : 6h30 - 20h (fin des billets à 19h30)
entre le 1er avril et le 31 octobre : 6h30 - 21h (fin des billets à 20h30)
Pour y aller. Porte nord : bus 13, 24, 107, 111, 118, 204, 701, 810, 823, 850 ou métro station Beihai sur la ligne 6.
Porte sud : bus 5, 101, 103, 109, 124, 202, 211, 685, 814, 846.

Restaurant Fangshan Fanzhuang
Tél : 6401 1889. Réserver 2 jours à l'avance.

lepetitjournal.com pekin
Publié le 28 mars 2013, mis à jour le 8 février 2018

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