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FÊTE DE LA MUSIQUE - Fu Sha, le folk expérimental pour responsabilité

Écrit par Lepetitjournal Pékin
Publié le 17 juin 2014, mis à jour le 20 juin 2014

A l'approche de la Fête de la musique, ce samedi 21 juin, lepetitjournal.com/pekin vous propose cette semaine d'aller chaque jour à la rencontre d'un musicien ou d'un groupe, chinois ou français, connu ou moins connu. Après 冬子 Dongzi et Byga, voici le jeune groupe néo-international 浮沙 Fu Sha.

De gauche à droite : Willy Eyango, 22 ans, percussions, Lin Yun, 23 ans, accordéon, Fu Sha, 24 ans, chant, Gu Yu, 23 ans, guitare (photo JCB)

Avec une moyenne d'âge de 23 ans et des visages encore juvéniles, on pourrait voir dans les 4 membres de Fu Sha le reflet d'un groupe adolescent. Ce serait ignorer la démarche artistique pleine de maturité de son leader éponyme, et la conception responsable de la musique par un groupe qui n'a pas choisi la facilité. Quand l'accordéon rencontre le chant de la minorité Dongzu, le cocktail, nimbé de guitare et de percussions camerounaises, est tout sauf banal.

Au départ, Fu Sha est d'abord l'histoire d'une amitié. Quand le leader arrive à Pékin il y a deux ans après des études à l'académie des arts du Hunan, il décide, pour pouvoir interpréter les chansons qu'il écrit et compose, de constituer un groupe avec Gu Yu, son ami du lycée, guitariste. C'est ce dernier qui trouvera l'accordéoniste Lin Yun, comme eux originaire du Guizhou. C'est lui aussi qui rencontrera le percussionniste camerounais Willy Eyango il y a quelque 2 mois, faisant de ce groupe un quatuor international de folk expérimental aux accents world. "Avant l'arrivée de Willy, nous n'étions pas complets, il y avait un manque, explique Gu Yu. Mais Willy, ce n'est pas seulement une personne ou un instrument en plus, il vient aussi avec une compréhension musicale et culturelle différente." La symbiose musicale prend.

Le déclic

Il faut d'ailleurs ici faire une digression sur le parcours atypique de Willy Eyango. Aujourd'hui inscrit à Pékin dans des cours de chinois, il ne s'est jamais vraiment rêvé comme musicien. Il explique, parfois en chinois dans le texte, qu'il se destinait plutôt, avec le soutien de ses parents, à être footballeur. La musique, c'était plutôt un hobby, mais aujourd'hui, l'expérience aidant, il se verrait bien approfondir l'aventure.

Fu Sha, c'est aussi un voyage auprès de la minorité Dongzu, dans la province du Guizhou, avec pour moyen de transport le dialecte local qu'utilise le chanteur Fu Sha. "Au début, je n'aimais pas les chants folkloriques. Mais vers 17, 18 ans, je suis allé dans notre district familial pendant les congés du 1er mai. J'ai eu la surprise d'entendre de très belles chansons, mais le problème, c'est que je ne comprenais rien. J'ai grandi à Guiyang, une ville déjà moderne où je n'avais pas eu l'occasion de parler la langue." Cette frustration est moteur pour Fu Sha, qui décide de consacrer deux ans à l'apprentissage de la langue. C'est un véritable coup de foudre, mais ce n'est pas sur un coup de tête. La démarche est réfléchie : "Dans le Guizhou, il y a beaucoup de minorités, mais les chanteurs n'utilisent pas leurs langues, pour avoir un soutien populaire plus large, et donc le chant folklorique ne se renouvelle pas, il n'y a pas de créations."

L'accordéon

"Créations", le terme a aussi son importance, car avec les morceaux de Fu Sha, le public n'entendra pas une simple restitution de chants folkloriques dans leur version originale. Comment cela pourrait-il l'être avec les percussions de Willy Eyango ou l'accordéon de Lin Yun ? Pour ce dernier d'ailleurs, ne pas y voir d'influence française : le piano à bretelles est un vestige de l'amitié avec la Russie. "Quand j'étais petit, l'instrument était très populaire, il apparaissait toujours dans les vieux films russes. Moi, vers 3 ans et demi, je n'étais pas bon pour le dessin, ni pour apprendre les caractères. Mais un jour, un professeur de musique est venu avec une voiture pleine d'accordéons pour ses élèves. Ma mère a réussi à s'en emparer d'un pour moi. Et ça m'a plu."

Les chansons de Fu Sha racontent des fables d'inspiration ancestrale avec parfois une touche de modernité. Dans Yaohe, par exemple, il parle d'un homme d'un village très reculé, dont le cri, répercuté par l'écho de la montagne, est dépourvu de sens -c'est simplement une manière viscérale de s'exprimer. Mais quand cet homme migre à la ville, et que sa voix devient son gagne-pain, à la manière des vendeurs de bouteille de vin ou de lacets de chaussure du Guizhou, son cri devient commercial. "Je veux montrer le processus d'une perte de pureté", explique Fu Sha. Dans un autre morceau, Xunyang, un garçon garde un troupeau de moutons dans la montagne. Quand il en perd un, il part à sa recherche et entre dans une forêt dans laquelle il rencontre beaucoup d'oiseaux, de serpents et de tigres. Soit une rencontre avec la nature qui lui permettra finalement de retrouver son mouton égaré.

Devoir et modestie

On devine déjà ici la conception qu'a le groupe de place de la musique dans la société, à savoir "un moyen de diffusion de culture ou d'informations à travers l'émotion" pour Fu Sha, "un moyen de changer les mentalités" pour Willy Eyango. C'est une responsabilité qu'ils endossent en toute modestie, refusant en choeur de se qualifier de 音乐家 yinyue jia, musicien, pour préférer celui de 音乐人 yinyue ren, musicien aussi, mais sans la connotation artistique. C'est un devoir qu'ils se feront un plaisir d'exercer pour la Fête de la musique, même si encore une fois, les parents de Fu Sha ne seront pas là, refusant de le voir exercer cette profession. Justement, pour Willy Eyango, la Fête est là pour partager leur musique avec d'autres personnes qui peut-être, ne la comprennent pas. "C'est pour ça que tu dois te donner à fond". On vous aura prévenu, Fu Sha est en mission, prêt à vous piéger dans leurs Fu Sha (sables mouvants).



Joseph Chun Bancaud (lepetitjournal.com/pekin) Mercredi 18 juin 2014

Pratique.

Fu Sha jouera le samedi 21 juin au 2Kolegas, vers 14h.

Le site de la Fête de la musique à Pékin

Précédemment dans notre série Fête de la musique :

- Dongzi

- Byga

lepetitjournal.com pekin
Publié le 17 juin 2014, mis à jour le 20 juin 2014

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