S’ils ont quitté la Nouvelle Calédonie, la Nouvelle Calédonie ne les a jamais quittés. Éloignés pour quelques semaines ou plusieurs années, ils sont la preuve que l’on peut avoir des racines et des ailes. Partons ensemble à la rencontre de ces Calédoniens explorateurs, voyageurs, créateurs…
Aujourd’hui j’ai RDV avec Johanna Oedin aka Yona : chanteuse.
Il y a 3 facettes en moi : la voyageuse qui a besoin de voir le monde, il y a l'amoureuse de musique et il y a la passionnée de culture.
Alors partons de ce pas découvrir le parcours de vie tout en musique de Yona.
Son enfance en Nouvelle-Calédonie
Yona a grandi dans un environnement culturel passionné. Au côté de son père, chanteur calédonien, et de sa mère, plus cartésienne et parisienne, Yona développe une approche personnelle de la musique et de la culture en général. Un chose est sûre : elle baigne dans la musique dans toute sa variété depuis l’enfance entre des sons rock n blues, et Queen ou les Beatles ! La diversité lui plait déjà, pour exemple : à 6 ans Yona demandait à regarder le Lac des cygnes en rentrant de l'école. Tout un programme !
Yona est d’une nature assez timide, qui trouve sans doute son origine dans cette humilité très prononcée des Calédoniens. En 2001 quand son père Jimmy Oedin sort un premier album, elle n'osait pas encore chanter. C’était une activité personnelle, comme secrète : que l’on fait dans son coin et seulement pour soi-même. Pour les live et la promotion, son père s’entoure de choristes : 4 chanteuses calédoniennes d'origine antillaise et kanak qui viennent du gospel. C’est la révélation pour Yona.
Un quatuor de femmes merveilleuses : le groupe Jaspe ! Sublimes ! J'étais toujours dans leurs pattes pendant les répétitions, à les regarder et à les écouter.
Au fil des jours c’est cette musique qui nourrit Yona, et c’est en suivant ces 4 chanteuses à l’église le week-end qu’elle se prend de passion pour le gospel et qu’elle intègre une chorale. Yona commence à se forger son identité musicale, elle apprend les harmonies et éduque son oreille. S’en suivra des collaborations durables puisque Yona fera partie de Coeur Gospel sous la direction de Josiane Nicard de 2001 à 2008 et du groupe A Capella « Am’métyss » de 2003 à 2006.
Une autre étape de sa formation artistique se fait à travers du Festival Femmes Funk en 2001 et 2002, qui propose des résidences d’artistes via la formation : le Divan des Divas.
C’est ma première scène. C’est là que je réalise que j'ai envie de ça, que j'ai envie de chanter.
Le tout dans une atmosphère de femmes qui se comportent avec elle comme des « tantines » qui prennent soin d’elle.
Mais même à cette époque, Yona ose difficilement chanter en public et affirmer sa passion. C’est le milieu du spectacle saisonnier qui l’aidera à s'ouvrir quelques années plus tard et à affirmer sa relation à la scène pour oser s’épanouir pleinement.
Duo avec Jimmy Oedin
A chaque fois que je rentre au pays c'est un duo que je retrouve. C'est un partage qu'on a depuis très jeune et qu'on pratique depuis très longtemps.
Yona a grandi avec ce duo. Depuis l’enfance elle entend son père chanter, et elle chante avec lui. Mais tout prend une ampleur différente quand il lui propose de le rejoindre en formation acoustique pour parcourir l’ile en duo, interprétant des reprises ou des titres originaux.
Ils se produisent jusqu’en Australie lors du French Festival of Adelaide en 2004 ou encore au Woodford Folk Festival dans le Queensland en 2008.
En 2010 ils enregistrent ensemble l’album « Partage » qui fera son chemin jusqu’au Studio 301 à Sydney avec le producteur Flying Fox !
Plus tard, alors que Yona a pris son envol vers la Métropole, le duo se reformera régulièrement notamment en 2012 pour des représentations au Centre Culturel Tjibaou à Nouméa pour le spectacle « Aku Nembang » en hommage à la carrière de Jimmy Oedin.
L’expatriation et l’influence du Maroc
Je suis partie de Nouvelle-Calédonie pour découvrir le monde !
Et c’est ce qu’elle a fait, entre le Maroc et la Pays Basque, les Alpes et la Côte d’Azur entre autres destinations.
Comme chaque personne qui quitte son pays natal, après l’excitation des premiers temps, vient le besoin de se créer de nouveaux repères, quand le sentiment d’appartenance se fait lointain. C’est au Maroc que Yona commence à créer de nouveaux liens d’amitié avec « des gens qui tiennent à leur racine mais qui sont en même temps modernes » et dans lesquels elle se reconnaît.
Nous, les étrangers, dans un nouveau pays nous avons ce besoin de créer des liens, de se créer une nouvelle famille.
Arrivée en France à 23 ans pour suivre ses études de management culturel à Toulon, elle entame un stage au Maroc auprès d'un festival de musique du monde : FESTIVAL TIMITAR, à Agadir au Maroc. Elle se place donc du côté production artistique du spectacle et participera les 2 années suivantes à l'élaboration du Festival : Visa For Music, à Rabat au Maroc. C’est le premier salon de musique du Monde d’Afrique et du Moyen-Orient. Depuis toujours Yona est attirée par les cultures et savoir-faire de différents pays et ethnies.
Je me suis beaucoup retrouvée dans le peuple Berbère. Dans la simplicité de leurs valeurs, de leurs coutumes… La simplicité de l'échange m'a rappelé nos peuples, le fait d'être la bienvenue : être simple mais vrai.
L’interview Mots Clefs
Si je te dis : Instant Décisif
Yona : Je pense qu'il y en a deux...
Je pense que le Festival Femme Funk est un de mes « instants décisifs ». Ma rencontre avec ces femmes Maori qui m'encouragent et me disent que j'ai une très belle voix reste gravée en moi. Elles me disent que j'ai une belle énergie, que vouloir être chanteuse n'est pas une utopie. Elles m’encouragent à continuer. Et effectivement quand je suis sur scène avec mon micro : je me rends bien compte que j'adore ça.
Le deuxième « instant décisif » est en résidence d'artiste quand j’avais 18 ans. J'étais sur scène avec un musicien et le temps que tout le monde se mettre en place on a chanté un morceau (qui d'ailleurs n'avait rien à voir avec la résidence en elle-même!). C'était un moment particulier. J’avais peur mais je sentais que la musique était faite pour moi, et j'était faite pour la musique.
Je ne pourrai jamais me séparer de la musique.
Si je te dis : Performance emblématique
Yona : Ce serait plus un morceau qu’une performance. C'est un duo avec mon père. Ce morceau ne me demande pas une performance vocale, mais il me déclenche presque à chaque fois, depuis des années, une sensation que je ne retrouve nulle part ailleurs.
Ce morceau est très simple pourtant quand on le chante, je perds l'équilibre. Il faut que je sois assise ou très ancrée sur mes pieds parce que je perds l'équilibre, bercée par une odeur de pain chaud! C'est une odeur chaude et réconfortante qui m’envahit à chaque fois... C'est une sensation étourdissante que je ne sais pas expliquer.
Ce morceau s'appelle « Garde bien ces quelques graines », il est sur le deuxième album de mon père.
Et le voici en image et en musique :
La sensibilité et la justesse de la voix de Yona en font déjà une grande artiste presque malgré elle. Jusqu'ici la timidité l'a beaucoup retenu, et c’est après un long travail sur elle-même et à travers les expériences de la vie qu’elle se sent prête à partager son art et sa flamme avec nous aujourd’hui.
J'ose dire seulement depuis très récemment que je suis chanteuse alors que j'ai fait ça toute ma vie. La musique a toujours été là soit pour m'accompagner dans ma tristesse soit pour me procurer des moments de bien-être.
Comme beaucoup d’entre vous, je suis curieuse et impatiente de pouvoir découvrir les titres originaux sur lesquels travaille Yona. Une artiste à suivre de près. A très vite pour la suite, qui promet d’être passionnante !