S’ils ont quitté la Nouvelle Calédonie, la Nouvelle Calédonie ne les a jamais quittés. Éloignés pour quelques semaines ou plusieurs années, ils sont la preuve que l’on peut avoir des racines et des ailes. Partons ensemble à la rencontre de ces Calédoniens explorateurs, voyageurs, créateurs…
Aujourd’hui j’ai RDV avec Daphné Maresca dite Daphné M. : chanteuse.
Une enfance musicale et multiculturelle en Nouvelle-Calédonie
Depuis l’enfance Daphné fait de la musique, de la danse et du solfège ; héritage de sa famille maternelle : sa mère est elle-même danseuse et deux de ses tantes sont chanteuses d’Opéra en Australie, autant dire que le la fibre artistique coule dans les veines de la famille.
Daphné m’a raconté une anecdote très touchante et typique de parents ayant sous leur toit une jeune artiste en devenir :
J’avais 6 ou 7 ans et je suis allé voir mon père ; je lui ai demandé si quand je serais grande, il préférerait que je sois : danseuse étoile ou chanteuse. Il m’a répondu : je préférerais que tu sois chercheuse au CNRS.
Mais au fond elle avait déjà la réponse en elle : elle voulait être chanteuse. Et sur cette voie, Daphné a donné sa voix à différents courants musicaux !!
Vers ses 13 ans Daphné est devenue gothique. Son attrait pour le genre a commencé avec Tokyo Hôtel, puis des groupes de rock allemand pour s’étendre à des groupes de rock et de métal.
A 15 ans elle a fondé un groupe : Hollow head, avec lequel elle a gagné le Trophée des Jeunes Artistes et a été programmé dans plusieurs salles de Nouméa.
J’aime poser la question de l’instant décisif aux artistes que je rencontre (CF Henri Cartier-Bresson). Savoir s’il y a eu un moment dans leur vie où ils se sont rendus compte que c’était leur destin et rien d’autre.
Mon instant décisif c'est peut-être ça : monter sur scène, être avec un groupe.
Daphné aime l’énergie du Rock et elle continue les aventures musicales avec le groupe Emergency avec son ami Kevin, avec qui elle travaille toujours aujourd’hui. Ensemble ils fondent le groupe Nathalie Rose Project et se produisent à Nouméa et notamment à l’Imprévu (qui n’existe plus aujourd’hui), scène underground de l’époque qui proposait des jam-sessions le mercredi soir où les artistes pouvaient laisser libre court à leur créativité. Cette formation était partie pour durer entre les 2 amis qui ne se sont jamais perdus de vue, et qui ravivent la flamme du Nathalie Rose Project régulièrement.
L’expatriation en Australie
Partir en Australie après le bac était comme une évidence pour Daphné. En Nouvelle-Calédonie il n’est pas rare qu’après le bac les jeunes partent faire leurs études en Métropole ou ailleurs. Daphné ayant de la famille et des origines australiennes, elle est partie de ce côté de l’hémisphère.
J'écoute beaucoup de musique anglo-saxonne. Et j’écris mes textes en anglais ; je voulais vraiment que l'anglais devient une langue automatique, comme une langue maternelle.
Daphné part donc en 2011 parfaire son anglais et embarquer pour une nouvelle aventure à Gold-Coast en Australie. L’intégration y est compliquée. Les études en langue et en journalisme la passionnent mais elle a du mal à se fondre dans la masse des Australiens, comprendre leurs codes et leurs habitudes. « J’ai un peu vécu dans ma bulle pendant cette période-là. »
C’est le départ pour Brisbane qui marque un tournant dans son intégration à son pays d’accueil. Elle y étudie la publicité et y rencontre beaucoup plus d’étudiants internationaux, qui étaient dans la même situation d’expatriation, loin de chez eux et de leurs proches. Ce point commun les rapproche.
Si ces débuts compliqués n’ont pas été propices à la création musicale, la musique la rattrape très vite et en 2014 on lui propose d’intégrer le Festival Electro : Island of Sin, et de poser sa voix sur les musiques de DJ en live ; expérience incroyable et très formatrice, qui lui redonne le goût de la scène (jamais vraiment perdu mais seulement mis entre parenthèse !). Elle participe au French Festival dans différentes villes d’Australie où elle découvre la tendresse que les Australiens portent à la France quand elle chante en français. Au gré des rencontres, Marissa Burgess, une ancienne show-girl du Moulin Rouge, la prend sous son aile et c’est ainsi qu’elle devient chanteuse de cabaret pour des shows en Australie :
J’ai toujours été assez timide et très focalisée sur la technique, et là je devais tout d’un coup lâcher prise et me créer un personnage. J’ai adoré ça.
Daphné est ainsi une touche à tout, pluridisciplinaire, utilisant sa voix sur des registres très différents, sachant s’adapter à toutes les situations. Cette expérience australienne l’a fait sortir de sa zone de confort et lui a permis de s’affirmer musicalement et en tant qu’individu vis à vis de sa culture et de ses origines.
Départ pour la France à la MAI : Music Academy International
Son départ pour la MAI à Nancy a été mûrement réfléchit, et voulu depuis des années. Après avoir quitté l’Australie, Daphné a commencé par effectuer un stage de deux semaines à la MAI pour voir de quoi il s’agissait exactement.
D’abord 2 semaines pour voir si j'avais vraiment ce qu'il fallait. Il y a une différence entre les gens dans un pub qui te disent que tu chantes super bien - et être sur scène devant des professionnels de la musique qui te disent si oui ou non tu as ce qu'il faut.
Dès les premiers jours de stage Daphné doit faire une performance devant des professionnels du milieu.
Déjà on m’a laissé finir la chanson en entier, ce qui était bon signe. Et à la fin de notre discussion on m'annonce que je n'ai pas besoin de passer l'audition pour l'école : je suis prise directement.
Cet évènement a été comme une consécration pour Daphné et aussi un tournant décisif : la prise de conscience de son talent. Quand ce stage de deux semaines s’est terminé, elle est rentrée en Nouvelle-Calédonie pour préparer son futur déménagement métropolitain, qui s’est avéré plus compliqué que prévu. Le dépaysement est intense pour Daphné, et l’acclimatation à Nancy est difficile. Mais l’école est passionnante et elle travaille d’arrache-pied : « On avait beaucoup de cours différents : du coaching scénique, des cours de corps-et-mouvement, de répertoire, d'harmonie et de solfège rythmique. C’était passionnant ! »
Voici une de ses performances de diplôme pour la MAI accompagnée par les musiciens de la Metal Academy sur un Mash Up de Marilyn Manson, Pink, Skylar Grey, à la guitare : Kevin, à la basse: Gaëtan, à la batterie: Nicolas, et aux choeurs: Adam & Ameline.
La recherche de son identité artistique
Mais l’aventure en Métropole est avortée par un décès dans sa famille et Daphné prend la décision de rentrer au pays, en Nouvelle-Calédonie.
Ce retour aux sources n’en est pas vraiment un. Après des années d'expériences et d’exploration du monde, il peut être difficile de revenir « à la maison ». Ce concept du « home » est compliqué. Comprendre et trouver ce que l’on définit comme sa maison, son foyer, l’endroit où l’on se sent bien peut s’avérer une tâche ardue. Ce questionnement est intensifié chez Daphné par les cours qu’elle a reçu à l’Academy et notamment les cours de découverte d'identité de soi.
Tout cela ajouté au traumatisme émotionnel de la perte d’un être cher, Daphné perd sa voix, psychologiquement et physiquement. Elle arrête complètement de chanter pendant 3 mois. Sa voix lui échappe. Elle va voir un ostéopathe et commence à faire de la rééducation vocale. Elle s’entoure d’une équipe de professionnels pour continuer à avancer ; notamment Nathalie Dupuy, sa coach vocale. En plus d’être basés sur la technique, ses cours sont l’occasion pour Daphné de construire son identité artistique et de travailler sur son répertoire. L’autre professionnelle qui l’aide dans ce sens est Karoline Rose Sun, qui l’encourage à être plus libre dans ses envies, et qui lui apprend à aller encore plus loin dans sa pratique du métal.
Mon d'identité est définitivement rock et métal. J'ai une grosse voix et j'aime chanter fort. Je n'ai pas forcément une culture francophone mais plus anglo-saxonne, d'ailleurs je chante toujours en anglais.
L’autre facette de la personnalité de Daphné, est la femme engagée et féministe qu’elle a découverte au fond d’elle. La chanteuse essaye également d'intégrer son côté spirituel à sa musique. Sa mère vient d'une tribu au Vanuatu, une tribu de sorciers, très spirituelle. Et tout cela se ressent dans ses chansons et interprétations.
Les mots qui me ressemblent : Girl-Power, Dark, Witch. Pour moi, le mouvement « sorcière », va avec le mouvement féministe puisque c'est l'affirmation de la femme et l'affirmation du pouvoir féminin.
Toutes ces facettes de sa personnalité font désormais aussi partie intégrante de son identité musicale.
Aujourd’hui l’artiste se recentre sur elle-même et se concentre sur sa musique avec un EP en préparation. Après des années très formatrices à l’étranger, des rencontres décisives en Australie et en France, et ces derniers mois tournés vers ses origines et son identité propre : cet album en devenir semble extrêmement prometteur ! A bon entendeur… !