Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Mais Maîtresse ! Il y a plein de jours ! (partie 1)

espace temps culture kanakespace temps culture kanak
Écrit par Yvanna Lepeu
Publié le 27 mars 2018, mis à jour le 7 octobre 2018

Les concepts de temps et d’espace dans la Société Kanak sont totalement différents de la culture occidentale. Il est important de le comprendre pour pouvoir accepter cette différence. En effet, ces deux concepts l’influencent encore aujourd’hui après « deux cent ans de vie commune » avec d’autres cultures. Yvanna Lepeu, enseignante Kanak, proposera dans deux articles comment sont perçus ces deux concepts en milieu Kanak et que pourrait être une implication pédagogique en cycle primaire.

 

Les concepts de temps et d’espace sont universels au monde mais diffèrent d’une culture à l’autre. Certaines ont gardé leur perception d’origine, d’autres les ont plus ou moins perdu. Nous pouvons expliquer cela par les phénomènes d’acculturations : une société étant au contact d’une autre, de force ou de gré, va forcément évoluer. La mondialisation, arrivant à grande vitesse, nous amène, bon gré malgré à uniformiser nos référence spatio-temporelles, pour semble t-il être sur la même longueur d’onde.

Comment le temps est-il vécu en milieu Kanak ? Quelles sont ses références spatiales ? Nous y répondrons ci-dessous de façon succincte. Puis nous verrons quelles en sont les implications pédagogiques, puisque l’enfant Kanak, à l’école, évolue dans un milieu qui lui est « étranger ». Puis en dernier lieu, nous verrons comment un savoir culturel peut être abordé en milieu scolaire.

 

Le concept temps en milieu Kanak

Dans une société industrialisée occidentale, le concept de temps se traduit à travers le calendrier grégorien, Greenwich pour l’heure. Le temps existe, ici, de façon linéaire.

En milieu Kanak, on parlera d’almanach puisque les références sont différentes.

Même si cette société est en pleine évolution, cet almanach l’influence encore aujourd’hui. En effet les références ne sont ni le jour, ni le mois ou l’année mais plutôt la succession d’évènements sociaux, d’activité agricole, de chasse, la floraison et la pousse des arbres et des plantes, des phénomènes météorologiques ou astraux et, avec l’arrivée des missionnaires les évènements religieux. Ces différentes références sont en relation avec le monde visible (les vivants) et le monde invisible (les esprits, les morts).

Mais l’insertion progressive de la Société Kanak dans la société moderne l’amène aussi, de plus en plus, à prendre pour référence le calendrier grégorien, même si cet almanach influence encore aujourd’hui sa dite société, comme il a été déjà dit.

M Poedi Gabriel situerait le temps dans deux rubriques : le temps cyclique et le temps absolu. Il existe des marqueurs de temps qui indiquent que l’événement s’est produit, se produit ou va se produire. Le temps cyclique englobe le temps linéaire.

J’existe dans un temps linéaire, par rapport à mes liens de parenté, moi, mes parents, mes grands-parents et mes-arrière-grands-parents. Aujourd’hui, le temps cyclique est une succession d’événements sociaux ou professionnels qui font mon vécu. Ces temps cyclique et linéaire vont m’aider dans la construction de ma personne, mon identité, de mes relations avec mon environnement. Et qui plus est cette notion de temps cyclique serait liée à celui de la vie. Cette dernière ne s’arrête jamais, il y a une vie après la mort. Nous rejoignons le monde des vieux dans le monde invisible, vers une quête de perfection, vers l’être, qui nous amène au temps absolu. Ce dernier est atemporel, il se détache de l’espace et du temps physique et linéaire. C’est le temps inaliénable. Le temps de l’être.

Dans la société Kanak, le comptage de la durée du temps se fait par rapport à des événements. Le comptage du temps n’est pas aussi rigoureux que dans la société occidentale, il n’est pas quantitatif mais qualitatif. Une période pourra en raison de la météo, d’une maturation de la végétation plus précoce ou plus tardive, durer plus de temps, être raccourcie, débuter plus tôt, finir plus tard, etc... Les références permettant de débuter ou terminer une activité sont l’environnement naturel de l’homme. Par exemple, la floraison des gaïacs annonce que les Dawas (poissons du lagon) sont bons à être mangés parce que gras. Pour cultiver son champ, très tôt le matin et la fin de l’après-midi sont les meilleurs moments en saison estivale, ici le soleil sert de référence.

 

Le concept espace en milieu Kanak

Le concept d’espace en milieu Kanak, du moins sur la grande terre repose sur deus axes fondamentaux : le haut et le bas et ce que ce soit dans un espace restreint ou élargi.

L’espace restreint est la maison, la tribu, la vallée, l’espace élargie est le pays. Dans l’espace restreint l’opposition bas/haut renvoie à l’opposition vers la mer/vers la terre (montagne). L’axe transversal c’est le long du rivage, pour dire que l’on est passé d’une vallée à l’autre.

Ainsi pour schématiser, on dit «  on descend pêcher » et non « on va pêcher » et inversement « on monte chasser » et non on « va à la chasse ». Au sens élargi on dit « on monte à Nouméa » et « on descend à Koumac » par exemple.

François Rivière expliquerait cela par les vents, les alizés qui bercent le pays : quand les gens naviguent vers le sud, ils auraient tendance à aller contre le vent et quand ils vont vers le nord, les alizés les poussent.

 

Publié le 27 mars 2018, mis à jour le 7 octobre 2018

Flash infos