À compter du 29 août 2019, la durée maximale allouée par les Services de l’immigration américaine aux ressortissants français demandeurs de visa E1 ou E2 passera de 5 ans à 15 mois. Un véritable coup dur pour les entrepreneurs français.
Des visas E délivrés depuis 1960
« Le changement va décroitre la validité proportionnellement au traitement accordé aux citoyens américains par le gouvernement de la France ». C’est avec ce message posté sur le site de l’Ambassade des États-Unis à Paris que l’annonce a été faite. La nouvelle règlementation qui baisse la durée du visa E de 5 ans à 15 mois sera applicable dès le 29 août.
Depuis presque 60 ans et grâce à un traité signé entre la France et les États-Unis en décembre 1960, ces visas dits « investisseurs » sont délivrés aux ressortissants français. Au premier trimestre 2019, 653 visas E2 ont été accordés à des citoyens français. C’est le visa qui séduit, jusqu’à présent, le plus d’entrepreneurs français souhaitant développer leurs business aux États-Unis.
Un durcissement diplomatique
Depuis plusieurs mois, les relations diplomatiques entre Paris et Washington se sont tendues. Outre les tweets impulsifs de Donald Trump à l’encontre de nombreux dirigeants dont Emmanuel Macron, c’est sans doute la taxe GAFA qui a encore plus creusé, récemment, le fossé entre les deux alliés historiques. Mais pas que !
L’immigration est une question centrale dans la politique de l’administration Trump, et manifestement la France n’est pas épargnée, malgré des accords qui lient les deux pays depuis des décennies. Le visa E1 ou E2 n’est malheureusement pas le premier à en pâtir. « On constate déjà un durcissement sur les visas L depuis quelques temps. Avant, la durée pour ce type de visa était de 3 ans, or, maintenant, elle est généralement d’une année » souligne Stéphane Grynwajc, avocat d’affaires spécialisé dans les startups.
Pour Pierre Georges Bonnefil, avocat new-yorkais spécialiste de l’immigration, « c’est une réaction stupide à l’action du gouvernement français basée sur le principe de réciprocité ». Il faut dire que la durée des visas investisseurs alloués aux Américains désirant s’installer dans l’Hexagone est de 15 mois.
Et Stéphane Grynwajc d'ajouter : « 50 % de mes clients sont américains et ils ne se battent pas pour aller s’installer en France. »
Sophie Raven, avocate à l’immigration, précise qu' « aucun autre pays européen n’a été affecté par une telle mesure ». Force est de constater que la France est vraiment ciblée.
Ces derniers temps, Pierre Georges Bonnefil constate des durcissements sur les dossiers de visas E2. « Je trouve qu’il y a plus de subjectivité dans la traitement de dossiers de la part des officiers de l’immigration, chose qui n’était pas palpable avant. »
Pour Sophie Raven « l’administration Trump s’attaque à l’immigration illégale mais aussi légale ». Il faut préciser que les Services de l’immigration ont déposé cette nouvelle mesure sans aucun préavis. Un véritable choc pour les entrepreneurs français.
C’est peut-être aussi un moyen « diplomatique » de faire pression sur la France afin d’élargir la durée de visa accordée aux ressortissants américains, comme les États-Unis l’ont fait par le passé avec le Brésil.
15 mois pour développer son business
Désormais, la durée pour développer son business est de 15 mois, tout en gardant à l’esprit que le Visa E1 ou E2 pourra, comme par le passé, être renouvelé indéfiniment, frais à l’appui. Bien que l’administration ne se soit « pas concentrée sur les détails du renouvellement » déplore Sophie Raven.
Pour Pierre Georges Bonnefil, « cette durée est un peu juste pour faire ses preuves et je pense que nombre d’investisseurs vont réfléchir plus longuement avant de se décider à lancer leur business aux États-Unis. »
Stéphane Grynwajc rajoute de son côté que « les entrepreneurs qui viennent développer leur projet ici ont déjà un modèle qui fonctionne en France. Il ne faut pas regarder la période de 15 mois, mais se concentrer sur le plan de développement et sur le plan de financement ».
Alexandra Charpentier, qui ouvrira en octobre le bar à vin Winemak’Her à Park Slope fait partie des chanceuses à avoir vu son visa E2 approuvé pour une durée de 5 ans, quelques jours seulement avant la mise en place de la nouvelle réglementation. « Il va encore nous falloir 2 mois pour ouvrir, 15 mois, ça aurait été complètement fou » précise la jeune femme.
À la question de savoir si elle aurait fait le pari de monter son projet en sachant qu’elle ne pourrait prétendre qu’à une première durée de 15 mois de visa, elle répond « je l’aurais fait mais peut-être pas aux États-Unis, j’aurais sûrement pris le temps de choisir un pays frontalier, comme le Canada, par exemple. »
Comme le précise Sophie Raven « désormais, un stagiaire bénéficie d’une durée de visa supérieure à un entrepreneur français ».