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La photographe Fatima Mazmouz questionne sur le colonialisme français

Colonialisme françaisColonialisme français
Crédit : Fatima Mazmouz / Galerie 127
Écrit par Guillaume Parodi
Publié le 4 avril 2019, mis à jour le 5 avril 2019

La photographe et plasticienne Fatima Mazmouz expose certaines de ses œuvres à la Maison Française de NYU, les 5 et 8 avril 2019. Elle questionne à travers ses œuvres l’héritage du colonialisme au Maroc et nous donne à réfléchir sur les questions identitaires et idéologiques qui continuent de déchirer l’espace public en France comme au Maroc.  

 

L’histoire coloniale marocaine 

Au premier regard, les photographies de Fatima Mazmouz interrogent. On découvre à travers ses séries Résistants et Bouzbir un pan de l’histoire coloniale marocaine oubliée du plus grand nombre et anesthésiée par la mémoire collective. En effet, Résistants présente 30 portraits de résistants marocains qui se sont battus pour libérer le Maroc et dont les noms figurent aujourd’hui sur les grandes avenues de Casablanca, mais que ses habitants seraient bien en peine de relier à une certaine partie de leur histoire. De la même manière, Bouzbir rend une voix et un corps aux prostituées de Casablanca, parquées par les autorités françaises dans le quartier éponyme. Fatima Mazmouz exhume au cours de recherches une série de cartes postales photographiées par Marcelin Flandrin, et décide de leur rendre la place qui est la leur dans l’histoire de la photographie marocaine.  

La photographe-plasticienne comprend très tôt qu’une partie de son travail consiste non seulement à donner un corps dans l’espace public à ceux qui n’existent plus dans la mémoire collective, mais aussi à réparer une mémoire marocaine collective individuelle puis collective. Avec Résistants, elle travaille ses photos en y intégrant une trame composée de silhouettes de Super Oum, un personnage emblématique de son vocabulaire artistique. Super Oum est une icône de la résistance identitaire créée en réaction aux discours politiques et idéologiques actuels : une manière de s’approprier les stéréotypes pour les ériger en symboles, une forme de résistance face à l’engloutissement identitaire. 

 

La prostitution pendant la colonisation

Avec Bouzbir, le questionnement de Fatima Mazmouz est différent. Elle s’intéresse à la question des corps brisés, au fonctionnement de l’enfermement de la prostitution dans le quartier de Bousbir. Les cartes postales de Marcelin Flandrin révèlent une certaine histoire de Casablanca que beaucoup ne préféreraient ne pas voir mais qui pour Fatima Mazmouz est essentielle, parce que la question de la prostitution dans la période coloniale n’a pas été soulevée dans l’espace public. C’est en montrant ces femmes, et en tramant leurs images avec des collages d’utérus malades, qu’elle intègre la question de l’intime dans la guerre coloniale via le prisme de la domination masculine. Selon elle, il n’est absolument pas question de cacher ce qui a été. Le but de l’intervention graphique est dans un premier temps d’établir une réécriture de l’histoire, et dans un deuxième temps de faire entrer ces photographies dans l’histoire du Maroc et de créer un patrimoine photographique pour les générations futures. 

Dans Bouzbir comme dans Résistants, le désir de Fatima Mazmouz n’est autre que de replacer l’être humain au cœur de son histoire. Le contexte colonial a infligé de très nombreuses blessures note-t-elle avec franchise, mais le discours qu’il en reste n’existe plus qu’à travers un prisme qui s’est débarrassé des histoires personnelles qu’elles soient arabes, berbères, juives, italiennes, espagnoles ou françaises. Elle veut donner à voir, à entendre et à ressentir ces histoires individuelles dans un contexte de domination politique, sexuelle et masculine, à travers les tatouages que portaient les filles de Bousbir, des « Je t’aime untel » et des « Ti regarde ma ti touches pas ». Ces fragments d’histoire, Fatima Mazmouz y tient. C’est son moyen à elle de célébrer sa ville, son histoire et son héritage. 

 

Pour en savoir plus, les travaux de Fatima Mazmouz seront exposés à La Maison Française de NYU les 5 et 8 avril de 10h à 18h. Elle participera aussi à une table-ronde animée par le prof. Cécile Bishop à la Maison Française de NYU le vendredi 5 avril, de 16h30 à 18h. 

 

Pour en savoir plus sur l’exposition et sur le Festival des cinq continents : http://as.nyu.edu/frenchcenter

 

Crédits photo : Fatima Mazmouz / Galerie 127

Bouzbir – Utérus – 50x80cm – 2018

Archive carte postale Marcelin Flandrin 705. De bons camarades !

 

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Publié le 4 avril 2019, mis à jour le 5 avril 2019