Le vieil adage dit que derrière tout homme, il y a une femme. Visiblement, cela ne s’applique pas aux statues new-yorkaises. Dans l’espace public de New York, on dénombre quelque 150 statues de personnalités non-fictives et seulement 7 sont à l’effigie de femmes. Le programme She Built NYC, dont la volonté est de rééquilibrer la donne, prévoit l’installation définitive de 6 autres monuments rendant hommage à des femmes. Une installation a été retardée, la faute à la pandémie.
Les suffragettes Sojourner Truth, Susan B. Anthony et Elizabeth Cady Stanton
She Built NYC
À New York, le symbole de la Liberté est représenté par une femme haute de quelque 130 mètres, la Statue de la Liberté. Mais le déséquilibre femme-homme est flagrant dans l’espace public. Dans une ville construite et pensée par des hommes, la répartition de l’art urbain est aussi un reflet de cette inégalité.
En 2018, la Première dame de New York, Chirlane McCray, et la maire adjointe de l'époque, Alicia Glen, lançaient She Built NYC, un programme visant à remédier au fait, qu’à date, seules cinq des 150 statues de personnages historiques de la ville représentaient des femmes. En novembre de cette année-là, l'administration révélait que Shirley Chisholm serait la première femme à être honorée dans le cadre de cette initiative. Originaire de Brooklyn, elle fut la première femme Noire élue à la Chambre des représentants en 1968 et la première femme, en 1972, à solliciter la nomination présidentielle de l'un des principaux partis politiques. La construction du monument aurait du être achevé en 2020. Mais la pandémie a ralenti les choses. L'année dernière, l'État de New York a toutefois nommé un nouveau parc de 407 acres à Brooklyn, en son honneur, dans le cadre de l'initiative Vital Brooklyn, portée par le Gouverneur Andrew Cuomo.
She Built NYC est dirigée par l’initiative McCray’s Women.NYC et le Département des affaires culturelles et, est financée à hauteur de 10 millions de dollars sur quatre ans. Une ambition née de la réponse de la ville à un débat sur les personnages historiques représentés par les statues de la ville, axé à la fois sur le manque de femmes représentées ainsi que sur la présence de personnalités controversées telles que Christophe Colomb et Marion Sims. Le retard pour honorer une icône afro-américaine est quant à lui survenu il y a un an, en plein milieu des manifestations relatives au mouvement Black Lives Matter à New York et dans tout le pays après le meurtre par la police de George Floyd à Minneapolis, qui ont également conduit à de nouvelles demandes de suppression de la statue de Christophe Colomb et d'autres statues.
Eleanore Roosevelt
Jeanne d’Arc, Eleanor Roosevelt, Harriet Tubman
Elles sont tellement rares qu’on les remarque à peine. Eleanore Roosevelt et Jeanne d’Arc à Riverside Park, l’ancienne Première dame américaine au niveau de la 72e rue, la martyre française au niveau de la 96e rue ; Gertrude Stein à Bryant Park ; Harriet Tubman à Harlem au croisement de Saint Nicholas, Frédéric Douglass et la 122e rue ; Golda Meir, au Golda Meir Square sur Broadway entre les 39e et 40e rues. L’automne dernier, une autre statue est venue s’ajouter à la courte liste de femmes bénéficiant d’une statue à leur effigie dans l’espace urbain new-yorkais. La statue de Francesca Xavier Cabrini, la patronne des migrants, a été dévoilée à Battery Park City lors de la célébration de Columbus Day. Quelques semaines plus tôt, à Central Park, était dévoilée une statue en bronze de 14 pieds de haut représentant les célèbres suffragettes Sojourner Truth, Susan B. Anthony et Elizabeth Cady Stanton. Oeuvre qui a toutefois porté à polémique : certains spécialistes affirmant que la statue obscurcissait plus qu'elle ne célèbrait, soulevant la question du racisme.
Le monument est la première sculpture rendant hommage à des femmes non-fictives installée dans le parc. En 168 ans d’existence, le célèbre parc new-yorkais n’avait accueilli jusque-là que des personnages fictifs comme Alice au pays des merveilles, Mother Goose ou Juliette, accompagnée de Roméo.
Première statue au monde de femmes transgenres
Une installation en l'honneur des militantes Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera qui sera implantée à Greenwich Village sera, selon la ville, « la première œuvre d'art publique permanente reconnaissant les femmes transgenres dans le monde ». Marsha P. Johnson était une militante dont la participation aux émeutes de Stonewall de 1969 a contribué à ouvrir la voie à l'acceptation des transgenres. Née à Elizabeth, NJ, Marsha Johnson a déménagé à New York après le lycée avec seulement $15 et une valise. Bien qu'elle ait lutté contre l'itinérance, Johnson a consacré sa vie à défendre les jeunes de la rue gays et transgenres, les travailleurs du sexe et les personnes vivant avec le VIH. Elle a co-fondé STAR (Street Transvestite Action Revolutionaries) avec sa bonne amie Sylvia Rivera. Portant des talons en plastique rouges et des perruques florales, Marsha Johnson a attiré l'attention d'Andy Warhol, qui l'a photographiée.
Sylvia Rivera, pionnière des transgenres dont l'activisme radical, était inspiré par sa propre vie. Abandonnée par son père à la naissance et orpheline à 3 ans lorsque sa mère s'est suicidée, Sylvia Rivera a été élevée à New York par sa grand-mère vénézuélienne. Elle quitte la maison à 11 ans pour échapper aux critiques sur ses manières de défier le genre et vit dans la rue, survivant en tant que travailleuse du sexe. Plus tard, elle se bat pour des protections juridiques transgenres à New York et Albany.
D’autres statues célébrant des femmes célèbres verront le jour à New York : Billie Holiday, à Queens, Elizabeth Jennings Graham à Manhattan, Dr. Helen Rodriguez Trías, dans le Bronx et Katherine Walker à Staten Island.
Sur l’ensemble du territoire américain, seulement 8 % des installations dans l’espace public sont à l’effigie d’une femme.